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Leur message : n’ayez pas peur des jeunes de banlieues, même s’ils sont musulmans, même s’ils sont d’origine arabe, même si leurs mots, leurs musiques ou leurs vêtements dérangent… Médine appartient à la nouvelle génération de rappeurs qui ont le souci d’une vraie réflexion sur la société, Pascal Boniface observe quant à lui les relations internationales, l’évolution des médias et des élites. Ils partagent ici leur vision du vivre ensemble à un moment où les confrontations d’identité apparaissent plus vives, voire violentes.
Sans tabou, ces entretiens évoquent nombre de sujets qui fâchent : stigmatisation des musulmans, islamophobie, antisémitisme, manipulations médiatiques, fragilités et dérives des politiques… Il est urgent d’inviter au débat, pour que justement la brutalité des affrontements n’ait pas le dernier mot.
Extraits de « Don’t panik : N’ayez pas peur ! » de Pascal Boniface et Médine
Pascal Boniface : Dans une autre de tes chansons, celle sur les femmes, À l’ombre du mâle, tu t’inscris en faux avec beaucoup de détermination et de force sur le fait que les musulmans seraient des oppresseurs par rapport aux femmes, qu’elles auraient un statut mineur dans les sociétés musulmanes et tu montres même que, finalement, on rencontre autant, voire plus de respect des femmes dans le monde musulman, en comparaison avec les caricatures qui circulent très fréquemment dans la presse féminine ou autres en France et dans le monde occidental.
Médine : Ma volonté est de déconstruire les préjugés qu’il peut y avoir autour de la communauté musulmane. Et après avoir essayé de défaire le mythe que tout homme musulman serait un djihadiste en puissance, né avec un cimeterre dans la poche, après avoir essayé de gratter l’étiquette du terroriste perpétuel, eh bien reste celle du misogyne, de l’oppresseur de la femme. Dans chaque album, je consacre toujours un morceau à la condition féminine, pour montrer que je suis un barbu de 1,80 mètre, que je pratique la prière fidèlement, que je suis un musulman assidu mais que je fais preuve de sensibilité vis-à-vis des femmes. Ne serait-ce que dire cela, en tant que musulman, constitue déjà en soi une idée nouvelle, parce nous sommes perçus comme n’ayant aucune sensibilité à l’égard des femmes. Nous cachons les nôtres, les enfermons à double tour pour ne pas qu’on les voie. En d’autres termes, plus elles seraient invisibles et plus cela nous arrangerait…
Certains considèrent qu’Islam et liberté féminine sont incompatibles. Les musulmans ne pourraient donc pas défendre les droits des femmes.
Pascal Boniface : D’où vient cette idée reçue, selon toi ? Qu’est-ce qui a installé ce préjugé, assez profondément enraciné dans l’esprit d’une grande partie des Français, tant d’ailleurs dans les milieux populaires que parmi les élites politiques ou médiatiques ?
Médine : Je pense que la communauté musulmane elle-même a sa part de responsabilité, à cause de ses comportements parfois, il ne faut pas se le cacher. Mais de là à généraliser ces attitudes, il existe quand même un fossé difficile à franchir. Certes, on rencontre toute une représentation de la femme musulmane, de sa relation au grand frère, au père, qui tient davantage d’une société patriarcale, mais aujourd’hui ici ce modèle s’atténue, voire disparaît. Car nous sommes des Français, pour ceux qui l’auraient oublié, et nos codes, notre comportement avec les femmes nous ont été enseignés par la société française, et non par les sociétés musulmanes. Nous n’avons pas à nous justifier sur des comportements de personnes avec lesquelles nous sommes en total désaccord.
Ainsi, historiquement par exemple, les Saoudiennes ont vécu un autre parcours, et si on a l’impression aujourd’hui qu’elles ne sont pas émancipées, c’est qu’elles n’ont pas mené la même lutte, la même recherche que ce que les femmes françaises ont pu mettre en place. Je traite pour ma part la question de la femme ou de l’émancipation de la femme en tant que Français.