Le ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, présentait ce mercredi 23 janvier au Conseil des ministres son projet de loi sur la refondation de l’école qui prévoit de réformer les rythmes scolaires. Mais pour les collectivités, cette réforme va être difficile à mettre en place d’ici septembre 2013. Explications de Cédric Szabo, directeur de l’association des maires ruraux de France.
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La réforme des rythmes scolaires prévoit le retour à la semaine de 4,5 jours dès la rentrée 2013, avec le mercredi matin. Un décret relatif à l’organisation du temps scolaire va préciser le cadre réglementaire de cette réforme. Il fixera un cadre national à l’intérieur duquel différentes déclinaisons locales seront possibles.
Le projet de loi pour la refondation de l’École prévoit aussi que des activités périscolaires, prolongeant le service public de l’éducation, soient organisées dans le cadre d’un projet éducatif territorial (PEDT). Le temps périscolaire donnera accès « à des activités sportives, culturelles, artistiques qui développeront leur curiosité intellectuelle, leur permettront de se découvrir des compétences et des centres d’intérêt nouveaux et renforceront le plaisir d’apprendre et d’être à l’école », explique le ministère de l’Éducation nationale.
Mais nombreuses sont les collectivités rurales qui ne savent pas comment elles pourront mettre en place ces changements. Manque de temps, manque de moyens, Cédric Szabo, directeur de l’association des maires ruraux de France, explique quelles difficultés risquent de rencontrer les collectivités.
JOL Press : Que pensez-vous de cette réforme ? Y êtes-vous favorables ?
Cédric Szabo : Sur le principe oui, nous y sommes favorables, pour une raison très simple : les élus, comme la société, considèrent que l’école française ne joue plus son rôle de formation des jeunes. On assiste à un abaissement du niveau de l’école publique française, tout le monde doit donc prendre ses responsabilités. Les collectivités elles aussi doivent jouer un rôle sur l’organisation scolaire.
JOL Press : Comment les collectivités locales vont-elles s’organiser ?
Cédric Szabo : C’est la grande inconnue aujourd’hui puisque formellement on a que très peu d’éléments précis sur le cadre dans lequel cette réforme devrait se mettre en place. Ce mercredi 23 janvier avait lieu une commission consultative d’évaluation des normes qui devrait permettre enfin la sortie d’un décret qui fixera un petit peu les règles, mais à cette heure, tout le monde s’accorde à dire que c’est extrêmement complexe et peu lisible.
JOL Press : Quels genres de problèmes risquent de rencontrer les collectivités ?
Cédric Szabo : On a tout d’abord un problème financier. C’est un transfert de compétences de l’État vers les collectivités qui ne dit pas son nom. Ça coûte de l’argent d’employer du personnel pour organiser des activités périscolaires. C’est à l’État de l’assurer financièrement même si nous sommes d’accord sur le fait que c’est aux collectivités de l’organiser.
Enfin, les communes rurales en particulier vont avoir un problème pour recruter du personnel en nombre, puisque les taux d’encadrement sont relativement élevés. Recruter une dizaine de personnes pour une heure par jour, c’est extrêmement compliqué.
JOL Press : Les collectivités peuvent-elles se permettre de tels changements ?
Cédric Szabo : Par définition, il y a toujours une marge que l’on peut mettre en place avec les impôts locaux. Mais est-ce acceptable, à un an des municipales, d’imposer aux collectivités un système qui coûte de l’argent ? Toutes les collectivités étaient parties sur le principe de jouer le jeu, simplement certaines communes rurales disent qu’elles ne peuvent pas mettre en place ces changements. Ce n’est pas qu’elles ne veulent pas, c’est qu’elles ne peuvent pas…
Car ce qu’il faut ajouter, c’est que les délais que l’on nous impose sont très contraignants : d’ici à septembre, nous devrons avoir organisé des systèmes de périscolaire qui organisent des activités pour les enfants avec l’exigence d’avoir une prestation de qualité, ce ne doit pas être de la garderie. On ne peut pas souhaiter améliorer le niveau scolaire et puis en face contraindre les collectivités à mettre en place un système de garderie. Or recruter des personnes de qualité, ça coûte très cher. Sans compter que les collectivités rurales sont beaucoup moins aidées par l’État que les collectivités urbaines.
JOL Press : Comment reformer les rythmes scolaires de façon plus appropriée ?
Cédric Szabo : Déjà, il faudrait nous donner plus de temps, de la souplesse dans la montée en puissance du projet éducatif territorial et des dotations de l’État qui viennent assumer le coût de la prestation qu’on demande aux collectivités d’assumer. Nous sommes en train d’obtenir justement du gouvernement d’avoir un délai supplémentaire pour nous organiser, mais nous aimerions aussi de la visibilité sur la capacité à recruter.
L’association des maires ruraux de France propose, par exemple, que les emplois d’encadrement du périscolaire dans les communes rurales puissent être accessibles aux emplois d’avenir, qui sont aidés à 80% par l’État.
Il faut bien comprendre que nous sommes motivés dans l’idée mais extrêmement sceptiques sur les conditions de réussite. Et on voit que les grandes collectivités rencontrent les mêmes difficultés de principe, même si elles ont plus de facilités financières. Prenons l’exemple de l’évolution des pratiques des parents d’élèves : toutes ces mères qui ont choisi de ne pas travailler le mercredi parce que leurs enfants n’avaient pas école, vont-elles changer de pratiques ? Que vont faire leurs enfants ? Allez à la cantine à midi et en centre de loisirs l’après-midi ? Nous sommes face à une inconnue.
Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press