Site icon La Revue Internationale

Florence Cassez libérée: la presse mexicaine s’insurge et s’interroge

[image:1,l]

« Libre sans être innocentée »

En titrant ainsi, le quotidien de droite La Razón a mis l’accent sur les doutes qui continuent de planer sur l’innocence de Florence Cassez. Pour beaucoup d’éditorialistes et de Mexicains, ce n’est pas tant sa libération que son innocence qui doit être prise en compte.

« La question était de savoir si elle faisait partie d’un gang de kidnappeurs. Et pourtant, elle a été libérée sans être innocentée. Et tout ça dans la précipitation. Les Mexicains ne comprennent pas pourquoi elle a le droit de quitter le pays sans être déclarée innocente. Fallait-il qu’elle parte le soir même ? Cela faisait sept ans que cela durait et puis la nouvelle juge Olga Sanchez, en quelques tours de main, a plaidé pour sa libération immédiate. Je pense que le nouveau président, Enrique Peña Nieto, veut à tout prix améliorer ses relations diplomatiques avec l’étranger », explique David Dorantes, directeur de publication de deux journaux mexicains, à TV5Monde.

Le quotidien La Jornada dénonce de son côté les conditions de l’enquête et la manière dont a été rendu la décision par la Cour suprême, mercredi soir : « Cette chaîne de négligence a commencé avec l’arrestation irrégulière de Florence Cassez et s’achève avec cette décision douteuse qui sape les fondements de la légalité, qui exonère un ressortissant étranger condamné par trois tribunaux et contourne la recherche de la vérité juridique ».

Les victimes oubliées ?

« La libération de Cassez indigne les victimes », titre quant à lui El Sol de Irapuato. Plusieurs otages se sont insurgés, « dégoûtés » par la décision de la Cour suprême, comme Ezuquiel Elizade, victime supposée du gang des Zodiacos, qui n’a pas hésité à qualifier de « porcherie » son pays. Sur Twitter, beaucoup se demandent si l’on n’oublie pas tout simplement les victimes dans cette affaire.

Pour Tabasco Hoy, « La libération de Cassez indigne le pays » : « Trois juges libèrent la Française parce que son arrestation a été reconstituée à la télévision. L’assassine et la kidnappeuse n’aurait pas dû sortir, accusent les victimes », écrit-il.

L’Expresso rapporte les paroles de Roberto Gil, président de la commission judiciaire du Sénat : « C’est un jour triste, pas à cause de la décision des juges, mais parce que des victimes sont privées de justice. Le parti de centre droit Partido Acción Nacional (PAN) a quant à lui dénoncé la décision des juges « qui n’ont pas entendu la voix des victimes ».

Mais selon David Dorantes, la population craint surtout que de futurs accusés prennent exemple sur le cas de Florence Cassez pour se servir des mêmes arguments, autrement dit « dénoncer des vices de procédure, pour s’en sortir ».

Les vices de procédure en ligne de mire

El Universal s’interroge en effet dans son édito sur les vrais responsables de cette affaire. « Au-delà du cas de Florence Cassez, la société mexicaine ne peut être tranquille avec une police et des ministres incapables de faire leur travail, ou, pire, qui fabriquent des coupables. Il doit y avoir des conséquences contre ceux qui ont agi de manière arbitraire, pour que la population retrouve confiance et pour que la négligence ne reste pas impunie ».

L’affaire intervient dans la lignée de la réforme constitutionnelle de juin 2011, qui insistait sur la présomption d’innocence et interdisait la torture et la fabrication de preuves. « La libération de Mme Cassez pourrait permettre à cette réforme de prendre corps pour que le Mexique en finisse avec la partialité et les malversations de la police qui monte de faux dossiers d’accusation avec la complicité des juges », affirme Luiz Gonzalez Placencia, président de la Commission des droits de l’homme de la ville de Mexico. 

En dénonçant les violations de procédure commises dans l’affaire Cassez, la justice mexicaine a mis au jour les nombreuses irrégularités et abus qui pèsent aujourd’hui sur la procédure pénale au Mexique. L’enjeu de la libération de Florence Cassez est donc plus large, et touche tous les Mexicains victimes des dysfonctionnements des autorités mexicaines.

Quitter la version mobile