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François Hollande droit dans ses bottes, mais sans cap

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Au Mali, la France ne cédera pas. La décision présidentielle est approuvée par l’ensemble de la communauté internationale et la classe politique française. À Paris, l’annonce faite publiquement et rapidement que les manifestations de rue ne feront pas plier le gouvernement à renforcé sa position au sein de la gauche qui commençait à grogner contre son laxisme sans pour autant permettre à l’opposition de se renforcer. Ajoutons à ces deux événements, la conclusion plutôt positive de la négociation sociale sur le droit du travail dont le gouvernement se félicite.

Bref, ce Président qu’on disait roi de l’équivoque et de l’ambigüité, incapable de prendre des décisions, se retrouve droit dans ses bottes comme Alain Juppé en 1995 lors des grandes grèves contre la réforme de la Sécurité sociale et des retraites.

Les hasards du calendrier politique font partie du talent

Et c’est vrai que, politiquement, l’agenda a été remarquablement géré… On pourra d’ailleurs s’interroger sur la synchronisation de dates. Cette décision d’intervenir en Afrique, qui était en gestation depuis des mois, a quand même été prise et annoncée au moment d’une négociation sociale compliquée et à la veille d’une grande manifestation. Mais ne polémiquons pas, les hasards du calendrier politique font partie du talent.

Maintenant que le Président a repris la main, la question est de savoir ce qu’il va en faire.

Or le cap n’est toujours pas défini. La vision n’est toujours pas plus claire et les réformes nécessaires ne sont pas engagées.

On va s’apercevoir dans quelques semaines qu’il faudra bien sortir du conflit africain. On va s’apercevoir que la loi sur le mariage pour tous a révélé une fracture dans l’opinion publique française, et enfin tous les acteurs socio-économiques savent bien que l’accord de flexibilité signé vendredi soir n’a rien d’un accord historique.

La France s’est engagée sur des objectifs chiffrés de réductions de déficit, mais n’a pas encore précisé quelles dépenses elle allait sacrifier

Le cœur du problème est de définir les conditions d’une reprise de l’économie pour que 2013, qui sera désastreux en termes d’emploi, nous permette de sortir du tunnel en 2014.

Or, pour en sortir, il faut à la fois engager un processus de désendettement public et un processus de croissance. Cette combinaison entre une politique de rigueur et un soutien à la croissance ne peut se faire qu’à deux conditions.

La première condition passe par une consolidation de la zone euro. C’est elle qui apporte la sécurité financière, c’est elle qui nous garantit des taux d’intérêt très bas. L’année 2012 aura permis de sécuriser la zone euro et de mettre en place des mécanismes de sauvetage mais aussi de faire émerger un nouveau rôle pour la BCE. Mario Draghi a permis de rassurer les marchés internationaux et solidifier l’équilibre à court terme. Le spectre d’un credit crunch, d’une faillite de banques ou d’un État et du risque systémique, sont écartées. Ceci dit, tout cela n’a pu être mis en place que parce que les pays membres de la zone euro se sont engagés à reformer leurs propres structures. L’Italie et l’Espagne ont fait des efforts considérables qui portent déjà leurs fruits.

La France, elle, a promis de le faire en commençant par réduire ses dépenses publiques. Mais la gouvernance française s’est même engagée sur des objectifs chiffrés de réductions de déficit mais elle n’a pas encore précisé quelles dépenses elle allait sacrifier. Pas évident, sauf que la réforme du traité nous obligera à soumettre nos loi de finances à l’examen probatoire de Bruxelles ou alors à quémander de nouveaux délais pour respecter les objectifs. Ce que nous avons peut être déjà commencé à faire en secret.

L’accord sur la flexibilité n’a rien d’historique

La deuxième condition passe par une amélioration des compétitivités. C’est vrai pour l’Espagne qui a dévalué ses prix intérieurs. C’est vrai pour l’Italie où Mario Monti a réussi l’impossible de réformer les structures. Ce n’est pas encore vrai pour la France. Le président de la République a, certes, permis l’accouchement d’un projet de compétitivité avec un crédit d’impôt important, mais tout le monde sait que ces efforts seront longs à produire leurs effets…

D’autant que le nœud de notre problème de compétitivité se situe dans l’ampleur de nos dépenses publiques et sociales et par conséquent dans le coût du travail qui en supporte l’essentiel. La hausse d’impôt, le matraquage fiscal, la chasse aux riches n’ont rien arrangé. Au contraire, les capitaux à risques vont s’investir à l’étranger, les riches, ceux qui rêvent de le devenir et les jeunes diplômés ambitieux cherchent à s’exiler. La gouvernance française n’a rien fait pour renverser ce climat et séduire les actifs à haut potentiel.

Il est important parce qu’il a été signé par des partenaires sociaux. Mais, tous n’étaient pas présents. Par ailleurs, les suppléments de flexibilité dans les horaires de travail seront payés par un surcroît de charges. La France reste en retard sur la flexibilité, les horaires, l’âge de la retraite, la représentativité des syndicats dans l’entreprise, leur rôle et leur pouvoir, la mobilité géographique, l’emploi des seniors et l’embauche des jeunes. Bref, toutes les reformes développées en Allemagne il y a dix ans par le ministre Schröder ne sont toujours pas au rendez-vous.

Droit dans ses bottes, oui. Mais pour devenir le Schröder français, François Hollande va avoir intérêt à refixer le cap et dire précisément comment on va refaire la route en 2013 pour en sortir en meilleur état.

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