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John Kerry pourra-t-il réconcilier Cuba et les États-Unis?

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Lors du dernier Sommet des Amériques, organisé à Cartagena, Colombie, en avril dernier, les rivaux de Washington en Amérique Latine et leurs alliés politiques ont uni leurs voix pour donner un conseil à la diplomatie américaine : qu’elle mette un terme à son obsession cubaine.

John Kerry pourrait bouleverser la diplomatie américaine à l’égard de Cuba

Désormais, avec le sénateur John Kerry, qui devrait probablement prendre la place d’Hillary Clinton au poste de secrétaire d’État, les États-Unis se munissent d’un diplomate de haut niveau qui s’est souvent prononcé contre la politique américaine à l’encontre du régime cubain.

Ces dernières années, John Kerry a été le sénateur le plus sceptique à l’égard des efforts américains en faveur de la démocratie qui ont permis le financement de groupes dissidents à Cuba et la diffusion de programmes anti-Castro sur l’île depuis des chaînes de radio et de télé basées à Miami.

Pour le reste de l’Amérique Latine, où les leaders affichent leur volonté de voir Washington moderniser son point de vue sur la région et s’engager sur une nouvelle voie, Cuba est devenu un test pour l’administration Obama, estime Julia Sweig, directrice des études de l’Amérique latine pour le Conseil des relations internationales.

Le pragmatique John Kerry

« Les bénéfices stratégiques d’un assouplissement de l’entente avec Cuba auraient des répercussions sur tout le continent », explique Julia Sweig, qui estime également que John Kerry est parfaitement « adapté à cette tâche ».

« Les instincts de John Kerry et son expérience en Amérique latine vont bien au-delà de l’idéologie persistante et souvent toxique qui sévit au Congrès américain et dans la bureaucratie américaine et sont plus favorables au pragmatisme et à la résolution des problèmes », ajoute-t-elle.

Bob Menendez, un Cubain revanchard

Néanmoins, de nombreux analystes estiment que John Kerry pourrait se trouver face à de nombreux obstacles pour mettre en place ce grand changement, dont l’un des plus importants sera celui de la personnalité qui devrait le remplacer en tant que président du Comité des relations internationales au Sénat, Bob Menendez, Cubain-Américain.

Si Bob Menendez devient président, le comité responsable de l’élaboration de la politique étrangère américaine à la Chambre haute sera dirigé par un jusqu’au-boutiste qui voudra accroître l’étau américain sur La Havane.

Même si John Kerry exerçait un peu de souplesse pour réajuster la politique cubaine au sein même de la Maison Blanche, les experts latino-américains n’attendent pas de changement majeur de politique – telle qu’une fin de l’embargo sur Cuba – qui requerrait l’aval du Congrès.

Le réalisme appliqué en politique

« Sur l’Amérique latine, en général, je pense que John Kerry à une vision plus longue et plus large », explique Robert Pastor, professeur de relations internationales à l’université américaine. Mais lorsqu’il s’agit de Cuba, ce dernier met en garde, « Kerry est également un homme politique réaliste. »

« Changer la politique américaine n’est pas une haute priorité pour lui, mais ne pas changer la politique américaine est la seule priorité pour Bob Menendez », affirme Robert Pastor.

John Kerry sceptique sur l’aide américaine à Cuba

En 2011, John Kerry avait retardé le versement d’environ 20 millions de dollars de fonds fédéraux destinés à des projets pro-démocratie à Cuba dirigés par l’Agence américaine pour le développement international (USAID), mettant en cause l’utilité de cette dépense et demandant une plus grande surveillance de l’utilisation de ces fonds.

« Nous n’avons aucune certitude selon laquelle les programmes de « promotion de la démocratie » qui ont coûté plus de 150 millions de dollars au contribuable américain jusqu’à aujourd’hui, aident vraiment le peuple cubain », avait déclaré John Kerry à l’époque. « Elles n’ont servi qu’à provoquer le gouvernement cubain et à l’arrestation d’un expert du gouvernement américain. »

Cet expert américain, Alan Gross, est en prison sur l’île depuis décembre 2009. Les autorités cubaines l’ont arrêté alors qu’il travaillait sur un projet du programme USAID pour installer un satellite de communications qui aurait permis aux membres de la communauté juive de se connecter à Internet sans passer par les serveurs du gouvernement.

Ces prisonniers qui bloquent toutes négociations

Cuba l’a condamné à quinze ans de prison, mais a récemment affirmé sa volonté de faire un échange de prisonnier avec les « Cinq Cubains », un groupe d’agents des services cubains qui sont actuellement incarcérés dans les prisons fédérales américaines.

L’administration Obama a refusé de négocier, appelant La Havane à libérer Alan Gross sans conditions, mais même les avocats américains qui défendent un meilleur engagement avec Cuba estiment qu’aucun changement ne sera possible tant que ce dernier sera en prison.

Le gouvernement Castro insiste de son côté pour affirmer qu’il ne relâchera pas Alan Gross.

Convaincre Barack Obama

Carlos Alzugaray, un ancien diplomate cubain et expert des relations américano-cubaines à l’université de La Havane, estime qu’une résolution du cas Gross ainsi que d’autres changements significatifs dans la politique américaine devrait « requérir un gros investissement de capital politique », par John Kerry et Barack Obama.

« La question est de savoir si John Kerry aura la volonté et sera capable de convaincre Barack Obama qu’il pourrait entamer un changement, et s’ils peuvent neutraliser Bob Menendez, » estime Carlos Alzugaray.

« Si cela arrive, alors nous observerons du changement », ajoute-t-il. « Sinon, il y aura quelques timides et minimalistes changements, mais rien d’important. »

Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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