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«La Parade» de Srdjan Dragojevic, ou le rire contre l’homophobie

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C’est en quelque sorte en « avant-avant-première » que j’ai eu l’occasion de découvrir le film « La Parade », dans le cadre du festival Cinéma et Droits humains à Paris, organisé par les militants d’Amnesty International en novembre dernier. Coup de projecteur sur toutes sortes d’injustices et de violations des droits fondamentaux à travers le monde, le festival est placé sous le signe de l’indignation et de l’engagement. Inutile de dire que l’on ne s’attend pas particulièrement à rire…

Caricature, dérision, burlesque, les armes redoutables de Srdjan Dragojevic

Et pourtant, un soir, changement d’ambiance avec La Parade ! Dès les premières minutes du film, une salle hilare, vibrant et réagissant à chacune des péripéties d’une improbable rencontre : celle d’un groupe LGBTI* serbe, bien déterminé à braver l’homophobie et à organiser une Gay Pride (« Parada ») à Belgrade, avec des individus plus que patibulaires, dont l’esprit est encore bien englué dans le conflit d’ex-Yougoslavie, mais qui seront amenés à assurer la sécurité de la marche.

La caricature, la dérision et le ressort burlesque s’avèrent des armes de dénonciation redoutables pour le réalisateur Srdjan Dragojevic. Sa « Parada » ne prêche pas que les convaincus et peut entraîner un large public à faire bouger les lignes : si même des gangsters à ce point pétris de préjugés peuvent être ébranlés dans leurs convictions homophobes, il y a de l’espoir ! Pour autant, le film sait s’écarter de la comédie et n’occulte en rien les ravages de l’homophobie dans cette région du monde et notamment les violences qui accompagnent encore aujourd’hui les « Marches des fiertés ».

La violence homophobe en Europe centrale et orientale

Cette violence homophobe évoquée dans le film m’a rappelé celle que j’ai personnellement vécue lorsque j’ai participé à la Bratislava Pride en Slovaquie. J’étais membre de l’une des délégations qu’Amnesty International envoie chaque année pour soutenir les marches dites « à risques ». Ces marches, exposées à des violences de la part de mouvements radicaux homophobes, lesbophobes ou transphobes, à des actes d’agressions et d’intimidations, nécessitent un dispositif de sécurité particulier qui n’est pas toujours pris en compte par les gouvernements… Dans les pays d’Europe centrale et orientale, il y a parfois plus d’opposants à une marche que de manifestants ! En Ukraine, Russie ou en Moldavie, par exemple, les « Marches des fiertés » ne peuvent pas avoir lieu parce que les autorités du pays les ont interdites sous prétexte que les risques de violences sont trop importants.

Ce soutien sur le terrain accompagne notre travail de plaidoyer auprès des institutions et les pétitions que nous appelons tous les citoyens à signer, pour lutter contre les discriminations homophobes et défendre la liberté d’expression et de réunion.

Face aux hordes de néo-nazis nationalistes

Je ne suis pas près d’oublier le millier de manifestants à Bratislava faisant face à des hordes de néo-nazis nationalistes, heureusement cette fois tenues à l’écart par des policiers deux fois plus nombreux qu’eux et accompagnés de chiens ; pas près d’oublier non plus l’obligation de respecter des consignes de sécurité très strictes et de cacher tout drapeau ou badge arc-en-ciel dès la fin d’un parcours totalement balisé, pour éviter une agression… Comme m’ont semblé loin les « Marches des fiertés », certes revendicatives mais malgré tout festives, de Paris ou d’Amsterdam !

Alors oui, vous allez rire avec La Parade, rire beaucoup même, mais sachez que vous serez également émus par ces héros ordinaires qui doivent risquer jusqu’à leur vie simplement pour réclamer le respect de la différence.

Et peut-être penserez-vous à eux lors de la prochaine Gay Pride dans votre ville, ou encore lorsque vous serez témoin d’actes d’homophobie en France… La vigilance est toujours de mise, ici et ailleurs, et la route est encore longue vers une véritable égalité des droits des LGBTI. La Parade est un film nécessaire, à voir d’urgence.

*LGBTI : Lesbiennes, Gays, Bisexuelles, Transgenres ou Intersexuées 

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