Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a appelé les officiers maliens à une « extrême vigilance », mercredi 23 janvier, face aux possibles exactions au Mali. Le même jour, la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) accusait l’armée malienne d’exécutions sommaires et autres violations des droits humains.
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Multiplication des exécutions sommaires
Dans un communiqué rendu public mercredi 23 janvier, la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) s’est dit « fortement préoccupée par la multiplication des exécutions sommaires et autres violations des droits humains commises par des soldats maliens dans le contexte de la contre-offensive menée par les armées française et malienne contre les djihadistes ».
Selon l’organisation, ces actes de violence auraient été commis par des éléments des forces armées maliennes, dans les villes de Sévaré, Mopti, Niono et d’autres localités situées dans les zones d’affrontements. Ces accusations surviennent alors que l’intervention militaire française au Mali s’intensifie, permettant à l’armée nationale de reconquérir les territoires perdus face à une coalition de groupes islamistes, il y a presque un an.
Au total, 33 personnes auraient été exécutées par des soldats maliens. Des corps auraient été jetés dans des puits ou enterrés à la hâte, dans les fosses de ces villes, selon l’organisation. « À Sévaré, au moins 11 personnes ont été exécutées dans le camp militaire, à proximité de la gare routière, et près de l’hôpital », a déclaré la FIDH mercredi 23 janvier avant d’ajouter que des informations fiables relevaient « une vingtaine d’autres cas d’exécutions dans la même localité ».
Selon l’organisation, deux Maliens d’origine touareg auraient également été exécutés par des soldats maliens, dans la région de Niono.
« Un cocktail explosif qui fait craindre le pire »
« Ces actes de représailles alliés à la tension extrême entre les communautés constituent un cocktail explosif qui fait craindre le pire, notamment dans la perspective de la reconquête du Nord », a mis en garde Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.
Selon l’organisation, les victimes de l’ensemble de ces actes de violences sont des personnes accusées d’êtres des combattants islamistes, des « complices des djihadistes ou des infiltrés ». Il s’agit de personnes « en possession d’armes, des individus ne pouvant justifier de leur identité lors de contrôles de l’armée, ou ciblés simplement en raison de leur appartenance ethnique et communément appelés les ‘peaux claires’ », a souligné la FIDH qui a demandé la mise en place immédiate d’une commission d’enquête indépendante pour que les auteurs soient sanctionnés.
Les journalistes se sont vu interdire l’accès à Sévaré et à Mopti, où la plupart des massacres auraient eu lieu. Cette interdiction soulève des soupçons sur la position des autorités maliennes qui pourraient tenter de couvrir les crimes de leur armée.
À une centaine de kilomètres de Sévaré, des agents ont empêché à l’équipe de GlobalPost d’atteindre la ville affirmant que les autorités militaires et locales avaient interdit l’accès aux journalistes.
Toutes ces informations révèlent le côté sombre de l‘action militaire française au Mali. La France est consciente de la nécessité de protéger la population, alors qu’une mission militaire longue et difficile s’annonce pour reprendre le nord du pays.
Dérapage
Un scandale a éclaté cette semaine après la publication d’une photographie présentant un soldat français avec un foulard représentant une tête de mort, référence au personnage du jeu vidéo de guerre Call of Duty. « C’est un comportement qui n’est pas acceptable », a estimé le colonel Thierry Burkhard, porte-parole de l’état-major, lors d’un point de presse. « Cette image n’est pas représentative de l’action que conduit la France au Mali à la demande de l’État malien », et de celle que mènent ses soldats souvent « au péril de leur vie », a-t-il ajouté le 21 janvier dernier.
La France a réussi à limiter les pertes civiles jusqu’à présent, mais les accusations portées contre son allié, l’armée malienne – désorganisée et en déroute ces 10 derniers mois en raison de l’alliance de rebelles Touaregs et de groupes djihadistes –, risquent de compliquer son action.
« Il y a des risques »
« Il faut être extrêmement vigilant », a déclaré le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, dans l’émission Politiques (France 24/RFI/L’Express), appelant les officiers maliens à empêcher tout acte de vengeance de leurs troupes. « Il y a des risques », a-t-il ajouté, que des actes de représailles aient été perpétrés à l’encontre des populations arabe et touareg.
Bien que les militaires maliens nient ces déclarations, le gouvernement français a insisté sur le fait que les droits de l’homme devaient être respectés et que tous les crimes seraient punis.
Des massacres contre les minorités maliennes selon Human Rights Watch
L’ONG Human Rights Watch a dénoncé des massacres contre les minorités du pays notamment les populations touareg et arabe du pays depuis le début de l’intervention française.
Les groupes islamistes qui sévissent au Mali – AQMI, Ansar Dine et le Mouvement pour l’Unité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJWA) – ont également été accusés d’exactions, notamment d’amputations forcées, de lapidations, et de recrutement d’enfants. La Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête sur ces crimes de guerre présumés.
Adaptation Global Post/ Louise Michel D. pour JOL Press