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Les quatre tantras de la médecine traditionnelle tibétaine

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La spiritualité au cœur de la médecine tibétaine

« Dans le futur, les médecins seront tellement occupés qu’ils n’auront plus de temps pour une pratique spirituelle ». Ces mots sont ceux de Yuthok Yonten Gonpo, dit « le jeune », né au XIIème siècle, et considéré comme l’un des plus grands médecins tibétains. Son ancêtre, qui portait le même nom, avait largement contribué à l’enrichissement et à la codification des principes de la médecine tibétaine à travers le traité des « Quatre tantras médicaux », au VIIIème siècle. Il y avait notamment intégré des éléments de médecine chinoise, perse et indienne.

L’une des originalités de la médecine tibétaine traditionnelle réside dans le fait qu’« elle contient une philosophie, une cosmologie et un système d’anatomie subtiles et complets associés à des pratiques spirituelles qui lui sont propres, bien qu’elle soit généralement pratiquée en accompagnement avec la philosophie bouddhiste », rappelle l’Académie internationale pour la médecine traditionnelle tibétaine.

Le tantra fondamental, le tantra explicatif, le tantra des instructions, et le tantra final

Yuthok Yonten Gonpo le jeune a contribué à l’élaboration des théories générales de la médecine tibétaine. L’apprentissage de la médecine se fait selon les quatre tantras (doctrines) élaborés dans le bZhi rGyud (« Quatre tantras médicaux ») : le tantra fondamental, le tantra explicatif, le tantra des instructions, et le tantra final.

L’ouvrage comprend 156 chapitres en tout, sous la forme de 79 peintures (ou thangkas). 84 000 maladies et près de 2300 ingrédients médicinaux y sont exposés. Les étudiants apprennent donc à travers ces planches illustratives les grands principes de la médecine tibétaine.

Les principes fondamentaux : l’interdépendance, les 5 éléments et les 3 humeurs

La médecine traditionnelle tibétaine (MTT) est un système holistique, c’est-à-dire qu’elle traite les besoins des individus en entier – corps, âme et esprit – et globalement. Ceci concerne donc l’environnement interne de l’individu, ainsi que ses rapports avec l’environnement extérieur. Le tendrel (interdépendance) est en effet l’un des concepts de base de la MTT.

Ainsi, les cinq éléments – l’espace (Namkha), le vent (rLung), le feu (Me), l’eau (Chu) et la Terre (Sa) – sont à la base de tout élément matériel, et donc du corps. C’est ce qui permet de lier l’homme à l’environnement. Le médecin tibétain (amchi) va donc rechercher à rétablir l’équilibre du corps à travers les cinq éléments, chacun des éléments circulant dans une ou plusieurs partie du corps. Il prodiguera conseils alimentaires, conseils comportementaux, et médicaments à base de plantes.

Entre aussi en compte la théorie des trois humeurs : le vent, qui permet de faire circuler le sang, l’énergie et les pensées ; la bile, qui permet de faire fonctionner la thermorégulation du corps, le métabolisme, le foie et l’intelligence discriminative ; et enfin le phlegme, qui est de nature froide, et source de fonctionnement de la digestion, de la santé des articulations, de la structure physique et de la stabilité mentale. Ces trois humeurs sont présentes chez tous les hommes, mais en proportions différentes.

La médecine tibétaine, longtemps persécutée

En 1916, le 13ème dalaï-lama fonde l’Institut de médecine et d’astrologie tibétaines, le Men-Tsee-Khang, à Lhassa au Tibet. Après l’annexion du Tibet par la Chine en 1959, les médecins tibétains sont persécutés et les pratiques médicales tibétaines interdites. Des érudits et des médecins sont emprisonnés, des médicaments et documents précieux sont détruits, et de nombreux centres médicaux sont rasés.

Le 14ème dalaï-lama en exil en Inde refonde alors l’Institut à Dharamsala en 1961, après la fuite de dizaines de milliers de Tibétains en Inde, afin de préserver les connaissances issues du premier Institut de Lhassa. Aujourd’hui encore, des étudiants viennent apprendre pendant sept ans les pratiques de la médecine tibétaine. Moines, mais aussi laïcs, hommes et femmes, étudient les thangkas proscrits à Lhassa par les Chinois.

« Les herbes tibétaines sont en train de disparaître »

À Mainling, connue localement comme « la terre des herbes », dans la préfecture de Nyingchi – la région autonome du Tibet – les autorités locales luttent pour sauver les précieuses herbes tibétaines qui sont à la base de nombreux traitements médicaux.

« Peu de gens connaissaient la médecine tibétaine dans le passé. Mais de plus en plus de personnes en Chine et dans le monde commencent à se pencher sur la science de cette ancienne médecine, et les herbes tibétaines sont en train de disparaître », explique Sangye, diplômé de la faculté de médecine tibétaine traditionnelle, au Quotidien du Peuple.

Certaines herbes très rares ont nécessité parfois plusieurs mois pour recueillir des quantités souvent dérisoires. « Il est temps pour nous de planter pour protéger les espèces sauvages et penser aux générations à venir. Mais nous n’avons pas assez de personnel qualifié pour faire de la recherche et en même temps former les agriculteurs », ajoute-t-il.

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La médecine traditionnelle tibétaine, le remède anti-crise ?

La médecine tibétaine, encore peu connue dans le monde occidental, pourrait peut-être connaître un regain d’intérêt, à l’heure où les médecines dites « douces », comme la médecine chinoise, ont la cote. L’Académie Internationale pour la Médecine Traditionnelle Tibétaine (IATTM), fondée en 2006, cherche ainsi  à « garantir l’intégrité et l’authenticité des enseignements de la médecine traditionnelle tibétaine » afin de « favoriser la pérennité de sa pratique » et de maintenir l’esprit de la MTT vivant et efficace dans le monde moderne ».

« Un système médical qui ne serait pas pratiqué dans le contexte du monde occidental deviendrait une pièce de musée, un objet intéressant mais fossilisé et sans aucune signification. La médecine traditionnelle tibétaine peut être la source de grands bienfaits dans le contexte économique et social actuel », conclut l’Académie.

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