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Mariage homo: ces 5367 amendements qui attendent les parlementaires

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Plus de 5000 amendements ont été déposé au projet de loi sur le mariage pour tous qui sera discuté à l’Assemblée à partir de ce mardi 29 janvier. Si certains parlent d’obstruction, d’autres préfèrent parler de « diversion ». C’est le cas de David Assouline, l’un des porte-paroles du Parti socialiste, selon lui, il s’agit d’une « diversion pour masquer l’inanité des propositions » de l’opposition.

« Cinq mille amendements, cela paraît dérisoire. C’est quelque chose qui n’est pas trop compréhensible pour le commun des mortels ni pour (…) la crédibilité de l’action parlementaire (…) alors qu’il s’agit de réformer de façon très brève, en quelques lignes, le code civil », a-t-il ajouté, lors de son point-presse hebdomadaire. « La droite a voulu faire peur. Elle ne fait pas peur ».

Sur quoi portent les amendements ?

Les députés UMP ne se sont pas privés pour déposer des amendements. Valérie Boyer, députée des Bouches-du-Rhône, est, à titre d’exemple, à l’origine d’une trentaine d’amendements. Clause de conscience, inconstitutionnalité, remplacer le mot mariage par « alliance civile »… Tous les moyens sont bons pour ralentir l’adoption d’un texte de loi dont ils ne veulent pas.

Le président de la commission des lois, le socialiste Jean-Jacques Urvoas, regroupe les amendements en différentes catégories : « Une grande partie porte sur le statut que l’UMP souhaite pour les homosexuels : union civile ou alliance civile. Il y a d’autres amendements pour restreindre les possibilités d’adoption, d’autres pour dispenser les maires d’appliquer la loi, au-delà du fait qu’il y a beaucoup d’amendements pour supprimer purement et simplement le projet tel qu’il est écrit ».

Quelques exemples

Mais il est fort à parier que ces amendements n’aboutiront pas à grand-chose. Les députés ont, par exemple, déjà rejeté en commission des lois la proposition d’ « alliance civile » présentée par le député UMP Daniel Fasquelle. « Même si j’ai peu d’espoir, je redéposerai mon amendement en séance publique », a-t-il toutefois estimé. Pour Marie-Anne Chapdelaine, député PS et membre de la commission des lois, « cette alliance civile avait pour but de déconstruire le projet de loi ».

Autre exemple d’amendement : « une délocalisation du mariage » proposée Jean-Pierre Decool, député UMP du Nord, qui permettrait une clause de conscience pour les maires qui ne souhaiteraient pas célébrer ces mariages. Amendement rejeté lui aussi en commission des lois : « Le couple qui a choisi d’habiter dans une commune doit pouvoir s’y marier », a alors expliqué Marie-Anne Chapdelaine.

D’autres amendements demandent une redéfinition du statut du beau-parent, ou la préservation du mot « père » et « mère » dans le code civil là où le projet de loi souhaite les remplacer par le mot « parents ». Des arguments qui seront entendus mais probablement pas pris en compte.

Quand la gauche dépose des amendements

Mais il n’y a pas que la droite qui a décidé de déposer des amendements. Les députés écologistes ont d’ores et déjà annoncé qu’ils défendront onze amendements, dont un autorisant la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de lesbiennes.

« On fera tout pour parvenir à l’égalité des droits », a affirmé Pascal Durand, secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts. Car, selon lui, si on n’ouvre pas la PMA aux femmes homosexuelles, « on va recréer de la discrimination et des statuts différents ». Les députés EELV demanderont aussi qu’en cas de PMA au sein d’un couple homosexuel, la filiation soit automatiquement accordée à la conjointe.

Les écologistes demanderont aussi la retranscription au registre de l’État civil des actes de naissance des enfants nés sous GPA (gestation pour autrui) et proposeront un dispositif pour faciliter le mariage des couples homosexuels bi-nationaux dans les pays qui ne reconnaissent pas le mariage homo et/ou l’homosexualité est encore un délit.

Un nombre record d’amendements ?

Si le nombre d’amendements est important, il est encore loin des records historiques. En 2006, lors des débats à l’Assemblée autour de la privatisation de GDF, pas moins de 137 665 amendements avaient été déposés par les députés de l’opposition. En 2003, la réforme des retraites avait recueilli plus de 11 000 amendements. Autre exemple symbolique : en 1984, le projet de loi Savary sur l’école libre, qui avait fait se déplacer dans la rue plus d’un million de personnes, n’avait réuni, quant à lui, « que » 2200 amendements.

« Il y a 5367 amendements déposés aujourd’hui – donc il y a une volonté d’obstruction – et il va falloir qu’ils les défendent, il va falloir qu’ils soient nombreux en séance, il va falloir qu’ils se mobilisent », explique Erwann Binet, rapporteur du texte sur le mariage pour tous. « Et c’est pareil pour nous, il va falloir qu’on soit présent, qu’on affirme nos convictions et nous avons décidé de siéger même le week-end, toutes les nuits, jusqu’à ce que le texte arrive jusqu’au bout. »

À la fin du processus parlementaire, l’UMP a déjà prévu de saisir le Conseil constitutionnel en cas d’adoption du texte. « On a plusieurs motifs d’inconstitutionnalité », estime Philippe Gosselin, député UMP de la Manche, parmi eux : « le fait que le mot « mère' »soit inscrit dans le préambule de la Constitution, le principe inscrit dans le code civil de 1804 selon lequel un mariage lie un homme et une femme et surtout l’article 55 de la Constitution qui évoquent la supériorité des traités internationaux sur la Loi… » Un marathon parlementaire dont on risque donc d’entendre encore beaucoup parler.

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