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Polémique: Arnaud Montebourg valide la restructuration de Renault

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Mardi 16 janvier, Renault a annoncé sa volonté de supprimer 7500 postes en France d’ici à 2016. Confronté à un marché européen en berne, le constructeur automobile, a décidé de réduire ses effectifs en s’appuyant sur des départs à la retraite non renouvelés.

Arnaud Montebourg valide

« Nous considérons que cela fait partie du cadre normal dans lequel une entreprise peut décider de gérer par avance ses effectifs et son personnel », a commenté le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg. Car selon lui, les « lignes rouges » fixées par le gouvernement ont été respectées.

« Cela fait partie de ce que nous avons demandé, de l’anticipation. Que Renault l’annonce pour quatre ans, c’est au moins dire aux pouvoirs publics et aux partenaires sociaux où ils vont, c’est mieux que de se retrouver avec des plans sociaux, des fermetures d’usines », a-t-il estimé. « L’État est particulièrement attentif à ce que Renault puisse, dans une période très déprimée (…), conserver ses avantages compétitifs et comparatifs de manière à ce que cette entreprise ne prenne pas le chemin d’autres entreprises en Europe dans le monde des constructeurs automobiles ».

Indignation des syndicats

Ce soutien au plan de suppression de postes de Renault est insoutenable pour un grand nombre de syndicats : « Renault est devenu le plus grand maître chanteur en France. 7500 suppressions d’emplois, ce sont 7500 jeunes qui ne pourront pas trouver de travail chez Renault », a estimé Jean-Pierre Mercier, délégué syndical de l’usine PSA d’Aulnay-Sous-Bois, jeudi 17 janvier, sur Europe 1. « On a affaire à un chantage à l’emploi. C’est : « vous signez les accords de compétitivité, ça veut dire rogner sur les RTT, travailler plus, des mobilités imposées, et peut-être qu’en échange on ne fermera pas d’usine » », a-t-il ajouté.

« Il peut se féliciter de la non fermeture de site, mais les 8260 suppressions d’emploi représentent la valeur de trois sites, comme si on supprimait les emplois du site du Mans, de Cléon, et de Sandouville. S’il compte se défiler comme ça… » a lancé Xavier Raynaud, le délégué central adjoint de la CGT Renault, au micro d’RMC, avant d’ajouter : « Que monsieur Montebourg vienne à notre soutien, ce n’est pas ce qu’on lui demande, mais qu’il vienne au moins discuter avec les syndicalistes et qu’on lui explique la réalité du travail, car monsieur Montebourg, on s’aperçoit qu’il est plus régulièrement dans les salons avec la direction de Renault qu’au contact des salariés pour avoir leur opinion sur les conditions de travail en interne et sur ce qu’il se passe vraiment chez Renault ».

À la gauche de la gauche, on ne cache pas non plus sa surprise

Le secrétaire national du Parti de gauche, Eric Coquerel s’est dit « très étonné d’entendre Arnaud Montebourg se satisfaire de la suppression de 7500 postes », au micro d’RMC. « Il pourrait au moins prendre la précaution de ne pas commenter ce qui se passe et attendre la réaction des syndicats. Au lieu de ça, il donne raison à Renault. Je ne sais pas si c’est parce qu’il en a assez de faire des déclarations et d’être désavoué après par le Premier ministre, mais ses propos ne correspondent pas à la situation », a-t-il estimé.

Même son de cloche pour le Nouveau Parti Anticapitaliste qui n’a pas hésité à fustiger la position du gouvernement : « Par le chantage à la fermeture de sites, la direction (de Renault) espère décourager les réactions des salariés et faire pression sur les organisations syndicales », a dénoncé le NPA dans un communiqué. « Dans la suite logique de l’accord qu’il a tant souhaité, le gouvernement, par la voix de Montebourg, trouve normal la stratégie de Renault et ose prétendre qu’il n’y aurait pas de licenciements. 7500 suppressions de postes c’est autant d’emplois directs supprimés et comme chaque fois trois ou quatre fois plus d’emplois indirects ».

À la droite de la droite, on dénonce une déclaration « indécente »

Florian Philippot, vice-président du Front national a dénoncé l’« indécence » de la position du gouvernement : « Renault a déjà largement délocalisé sa production hors de nos frontières et on ne saurait tolérer le moindre signal politique, a fortiori gouvernemental, qui validerait l’accélération de cette stratégie », a estimé le bras droit de Marine Le Pen dans un communiqué. « Plus largement, les suppressions massives d’emplois chez PSA et Renault posent la question de l’avenir de l’industrie automobile française. L’ouverture totale des frontières telle qu’elle existe aujourd’hui empêche toute réindustrialisation », a-t-il ajouté.

Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout La République a quant à lui pointé du doigt une politique du « deux poids deux mesure » entre les constructeurs automobiles Renault et PSA : « Il faut se pincer pour y croire. Renault annonce la suppression de 7500 postes et M. Montebourg se félicite de la sagesse de Carlos Ghosn qui anticipe la dégradation de la production dans les usines françaises du groupe », s’est-il indigné dans un communiqué. « M. Montebourg doit aux salariés de Renault des explications. En quoi le plan social de PSA méritait son opprobre et celui de Renault mérite sa bénédiction ? Les plus réalistes auront la réponse. Ce matin, M. Montebourg, défenseur d’un échange loyal et d’un protectionnisme raisonné, vient de rendre les armes. »

Quel avenir pour l’industrie automobile française ?

Mais pour d’autres encore, l’exemple de Renault met en lumière, une nouvelle fois, la question de l’avenir de l’industrie française. Sur BFMTV-RMC, le président du MoDem, François Bayrou, a  rappelé que « nous sommes actionnaires chez Renault à hauteur de 15 % », et s’est interrogé sur « le rôle de l’État dans la stratégie de Renault ». Selon lui, « il faut une stratégie nationale ». « Quelle est la place, le soutien apporté à l’industrie, la production en général dans notre pays ? »

Le vice-président de l’UMP, Laurent Wauquiez a estimé lui aussi que « le gouvernement est resté passif », « après le coup de semonce de PSA en 2012. » « Alors que la situation aurait exigé une réaction immédiate et que les mesures pour la compétitivité ne seront pas effectives avant 2014, l’urgence des enjeux est sur la table ». « Je demande au gouvernement de mettre en place enfin un plan sérieux de sauvetage de l’industrie automobile au lieu d’assister en spectateur à son démantèlement progressif », a-t-il lancé.

Ces suppressions de postes doivent permettre de réduire ses frais fixes à hauteur de 400 millions d’euros. En 2012, les ventes de voitures en France ont chuté de près de 14% sur un an, passant même sous la barre des 1,9 million d’immatriculations. 

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