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Presse, dernières nouvelles du front

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Les voeux à la presse de François Hollande

Plusieurs des points que le président a évoqués méritent d’ailleurs l’attention.

J’en retiens 3 principalement :

– il a rappelé sans fioritures ni précaution oratoire particulière l’état de crise dans lequel se trouve la presse et souligné qu’au-delà de la conjoncture difficile, il s’agit bien d’une crise structurelle,

– il a annoncé la réorientation des aides de l’État et a précisé que la presse d’information politique et générale serait totalement prioritaire et que le but de ces aides serait bien de favoriser la transition vers le numérique (on aimerait que ce soit le cas ! il n’y a pas de plus grand combat à mener),

– son appel à trouver une solution au sein de la profession pour Presstalis m’a semblé plutôt un rappel,

– en revanche, il a énoncé clairement dans quel sens il penchait dans l’affrontement presse-Google : selon lui « ceux qui tirent parti de l’information produite par le travail de la presse doivent participer à sa prise en charge » et, pour être plus clair encore il a précisé que les moteurs de recherche devront contribuer au financement de la presse.

Je persiste à penser que présenter les moteurs de recherche comme tirant profit du travail des autres est une attaque frontale, à mon sens erronée, contre l’un des fondements du Web : la mise à disposition de tous du savoir et des connaissances.

Sans les moteurs de recherches, l’information restera méconnue et moins diffusée

Il me semble toujours aussi difficile d’imaginer, dans son principe, taxer ceux qui indiquent aux internautes où trouver l’information et les y conduisent. Sans eux, par exemple, l’information restera méconnue et moins diffusée, ce dont les journaux souffriront très vite.

Pour moi, au-delà du sujet fiscal concernant les géants du web (et dont les États européens semblent enfin se préoccuper), il vaut mieux apprendre ou aider les journaux à monétiser leurs audiences plutôt que de vouloir taxer ceux qui y parviennent (sans vraiment savoir comment instaurer ces taxes et sur quelles bases : Google paiera-t-il pour référencer le contenu des journaux mais pas des radios ? et des blogs ?) Je ne vois pas de solution satisfaisante dans cette direction et m’étonne que jusqu’au plus haut niveau de l’État on continue à vouloir la pousser.

C’est sans doute parce que ces dernières semaines, plusieurs signaux ont été émis par la presse et que, hélas, tous sont préoccupants.

Le premier est un nouveau signal d’alarme sur les diffusions de la presse. Chacun des grands titres a tenté de souligner certains éléments positifs, mais l’analyse générale est malheureusement franchement inquiétante et le recul des « vraies »  ventes payées se poursuit.

En réaction, la plupart des titres ont décidé… d’augmenter leur prix de vente.

La plupart des quotidiens nationaux ont eu recours quasi-simultanément à une hausse de leurs prix

On doit faire preuve de compréhension pour des chefs d’entreprise qui luttent pied à pied pour défendre leurs équilibres économiques. À court terme, une hausse du prix de vente a toujours un effet bénéfique sur les résultats puisque la baisse des volumes se poursuit lentement alors que l’amélioration de la marge est immédiate.

Sans, naturellement, que l’on puisse soupçonner le moindre mouvement concerté, la plupart des quotidiens nationaux y ont eu recours quasi-simultanément au cours des dernières semaines.

Cependant, même un novice comprendrait que, dans un marché baissier comme l’est la presse, toute hausse du prix public ne peut qu’aggraver la tendance. Je ne crois pas une seconde à l’argument consistant à imaginer que les lecteurs sensibles au prix de vente sont déjà partis… et que ceux qui demeurent n’y font pas attention. Ce n’est vrai que pour ceux… qui ne paient pas eux-mêmes, en clair pour les abonnements des entreprises ou des administrations (jusqu’à ce qu’un responsable de la gestion décide de réduire le nombre d’abonnements !).

Donc, de toute évidence la baisse des diffusions n’est pas près d’être enrayée, je pronostique sa poursuite et même son accélération.

Il y aura 2 conséquences mécaniques à ce recul des diffusions :

– la mise en danger de l’ensemble de l’écosystème de la presse, à commencer par les imprimeurs, les messageries et les diffuseurs, à savoir les kiosquiers dont le nombre recule à nouveau (notamment les « traditionnels ») , 

– la publicité presse, et c’est le dernier signal d’alarme que les professionnels des médias nous transmettent en ce début d’année, va encore reculer. On sait que ses investissements suivent une courbe directement corrélée à celle des diffusions, même s’ils évoluent par paliers. Ce que l’on  peut dire, c’est que selon toute vraisemblance un nouveau palier va être franchi.

Je n’aurai pas la prétention de régler en quelques lignes les problèmes structurels de la presse.

Passer de la presse-produit de masse à la presse-produit de luxe

Néanmoins, ces dernières évolutions appellent plusieurs remarques :

– la presse-produit de luxe ? on s’en approche à grands pas, peut-être sans l’avoir voulu mais résolument. Dans ce cas, s’y est-on préparé ? Tout l’écosystème serait à revoir puisqu’il a été bâti sur un concept de presse-produit de masse.

la publicité elle-même, a-t-elle commencé à s’adapter ? Après tout, un « produit de luxe » n’est pas forcément l’ennemi de la publicité. Le Pdg de Condé Nast, X.Romatet cité par les Échos du 17 janvier nous dit « il faut que le marché comprenne que c’est la capacité d’influence des magazines que nous vendons, pas le nombre de gens qui les achètent ». Il faut méditer sur cette idée qui, à mon sens, concerne l’ensemble des éditeurs, bien au-delà du seul Condé Nast, et entraine un sérieux changement de discours, d’organisation et de manière de générer des revenus qui représentent près de la moitié de ceux de toute la profession.

– Où trouver de nouvelles sources de diffusion ? 

Les citoyens vivent aujourd’hui connectés à des écrans numériques, il semble frappé au coin du bon sens de leur apporter de l’information journalistique sur ces mêmes écrans et, d’une manière ou d’une autre, de la monétiser. Des très grands quotidiens américains annoncent des diffusions numériques remarquables, en mesure de compenser les diffusions papier perdues. En France, Le Monde y a plutôt bien réussi : les diffusions numériques pèsent presque l’équivalent de 25% des ventes en kiosque.

Personne n’a fait mieux à ce jour, ils en sont fiers et ils ont raison. Comment comprendre alors que Le Monde vende désormais le n° sur iPad à un prix qui est passé en quelques semaines de 0,79€ à 1,79€ . Certes, une première hausse est imputable à Apple mais le doublement qui a suivi (le n° sur iPad au prix du papier) est une bien étrange décision marketing de la part du champion français des ventes.

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