Un cliché en noir et blanc. Barack Obama, recto-verso. Le reflet dans le miroir du Président de dos en train d’ajuster le nœud papillon de ce qu’on imagine être un « smoking ». Le Président s’apprête pour une soirée de gala, un bal – un bal comme celui qui, ce 21 janvier, a clos la journée d’investiture et marqué le lancement officiel de son second mandat à la Maison Blanche. C’est à la Une de « The Economist ».
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« Oh miroir, mon beau miroir… »
Barack Obama n’a rien de la méchante sorcière de Blanche-Neige même pour la très conservatrice rédaction de The Economist. Pourtant, rien de tel qu’un miroir pour symboliser l’introspection…
« How will History see me ? » ou « Quel regard l’histoire portera-t-elle sur moi ? ». Rien de très illégitime à ce que le président des États-Unis à l’entame d’un second mandat puisse se poser une telle question. À vrai dire, cela paraitrait même plutôt sain. Si tant est qu’il ait agi – ou, au contraire, renoncé à agir – au cours de son premier mandat afin de préserver ses chances de réélection, sa victoire du 6 novembre dernier face à Mitt Romney le libère désormais de toutes contingences électorales.
Mieux encore… Ne disposant pas de majorité au Congrès, contraint de négocier avec une Chambre des représentants largement dominée par les républicains les plus conservateurs, il n’a, pour ainsi dire, rien à craindre des mid-term elections de 2014. Il est libre, Barack – une liberté que doivent d’ailleurs lui envier nombre de ses homologues étrangers toujours sous l’épée de Damoclès électorale…
Une place dans l’Histoire assurée
Mais, Barack Obama n’est pas n’importe quel président des États-Unis à l’entame de son second mandat. S’ils sont seize hommes avant lui à avoir eu l’opportunité de mériter deux fois la confiance des Américains, il est à part dans cette longue lignée, une place unique que lui vaut le fait d’être le premier « non-Blanc », le premier métis, presque le premier homme noir. Et cela, nécessairement lui garantit une place à part dans l’historiographie américaine.
Le monde entier l’a déjà honoré – si l’Obamania version 2012 ne fut rien en comparaison avec celle de 2008, on voit bien que la perspective d’un nouveau départ enchante plus que ce ne fut le cas avec aucun de ses prédécesseurs. Prix Nobel de la Paix – prématuré, certes -, son rôle et son statut après son départ de la Maison Blanche semblent assurés – ceux d’un Nelson Mandela bis, au minimum…
Car, ce qui compte, ce n’est pas de savoir s’il aura sa place dans l’histoire – c’est fait, donc – mais ce que l’histoire retiendra de lui. Sur cette dernière question, rien est assuré et Barack Obama est face à une sacrée falaise.
L’excuse des circonstances exceptionnelles
Et s’il devait échouer, certains ne manqueraient pas d’excuse à lui trouver. L’excuse de la crise, par exemple… Après tout, aucun président n’avait fait son entrée dans le bureau ovale dans un contexte économique aussi dégradé : une contraction de l’économie à un rythme de 5% par an, 800 000 emplois en moins tous les mois et, en prime, deux guerres – Afghanistan et Irak – bien mal menées.
Sur ce plan, la rédaction de The Economist reconnaît les efforts de son administration au cours des quatre dernières années, mais cela ne saurait suffire…
Si les journalistes londoniens reconnaissent que Barack Obama a une formidable carte à jouer, s’assurer la bienveillance du futur exigera une action déterminée et des résultats probants. Et dépendra des événements.
Les « conseilleurs » de The Economist : trois dossiers prioritaires
Du point de vue de The Economist, il est trois domaines dans lesquels Barack Obama peut faire une différence et sur lesquels il devrait se concentrer.
Tout d’abord, au-delà même des échéances légales, les États-Unis doivent rétablir leurs comptes : Barack Obama ne peut se permettre de laisser son pays au bord de la banqueroute en janvier 2017.
Pour cela, il lui faudra sans doute réduire les dépenses et revoir drastiquement leurs affectations – et cela alors qu’il a lui-même ajouté un poste de dépenses considérables avec sa réforme de l’assurance-maladie.
Ensuite, même si les circonstances peuvent encourager à un certain isolationnisme, Barack Obama devra veiller à maintenir la place – et l’engagement – des États-Unis dans le monde. Il a laissé pas mal de dossiers inachevés au cours de son premier mandat et l’instabilité du monde n’a cessé de croître.
The Economist indique deux régions cruciales où Barack Obama pourrait faire une différence durable : la Chine de Xi Jinping – Chine vers laquelle il a déjà contribué à réorienter la diplomatie américaine – et enfin le monde arabe – qu’il a largement délaissé au cours de son premier mandat malgré les bonnes intentions du discours du Caire en 2009 et les impératifs des Printemps arabes.
Tic toc, tic toc…
Barack Obama devra faire preuve de bravoure et de détermination : « Nous devrions tous lui souhaiter bonne chance », conclut The Economist.
Quel regard l’histoire portera-t-elle sur Barack Obama ? La réponse tardera à venir mais, l’hebdomadaire britannique a raison, c’est dès aujourd’hui que le président des États-Unis doit songer à l’héritage qu’il entend laisser. Les jours lui sont comptés.