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Stress au travail: comment échapper à l’emprise d’un patron toxique?

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Stress, boule au ventre, injonction, contre-injonction, sentiment de dévalorisation, de harcèlement, manque de politesse… Comment sortir de cette spirale qui vous entame, pour ne pas dire vous mine, au point que vous commencez à vous demander si ce n’est pas vous le problème ? Nathalie Schipounoff, auteure de « Et si j’apprivoisais mon chef ! » (Eyrolles), co écrit avec Stéphane Malochet, propose des pistes d’action pour reprendre les rênes de cette relation et mettre les bonnes cartes de votre côté.

Il est temps de dire « non » à votre chef pour qu’il arrête de vous dévaloriser, de vous stresser, voire de vous harceler et que vous puissiez enfin reprendre du plaisir à aller au boulot !

JOL Press : Comment définir le management toxique ? 
 

Nathalie Schipounoff : C’est un management profondément nocif pour l’individu, car il peut aboutir à un épuisement psychologique, du fait de la confrontation répétée à la mise en situation d’échec, à la souffrance, voire au burn out« Les ressources internes en viennent à se consumer comme sous l’action des flammes, ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur, même si l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte », souligne le psychiatre Herbert Freudenberger, auteur des premières recherches sur le syndrome d’épuisement professionnel. Précisons que ce qui est toxique pour les uns, ne l’est pas forcément pour les autres. 

Ce type de management est aussi toxique pour l’entreprise, car derrière la pression ainsi exercée sur les managés, le management toxique est générateur de pertes de valeurs dans l’entreprise elle-même, de manque d’initiatives, d’absentéisme, de turn over, mais aussi de coûts … 

JOL Press : Quels sont les différents types de harcèlement ? 
 

Nathalie Schipounoff : Tout d’abord, il est nécessaire de bien distinguer le harcèlement d’une situation accidentelle, involontaire, d’un désaccord ou d’un conflit. S’il s’agit par contre d’une action volontaire, durable, qui vise sciemment à déstabiliser, nuire, voire terrifier, il s’agit bel et bien de harcèlement.

Le harcèlement se caractérise donc par de la malveillance qui vise très clairement ou insidieusement à dégrader et détruire un individu. Le harcèlement moral se distingue du harcèlement physique ou sexuel, dans la mesure où justement il n’y a pas de passage à l’acte avec contact physique.

La sphère professionnelle n’est pas la seule concernée. Le harcèlement peut s’inviter aussi au sein du foyer ou dans des relations privées.  

JOL Press : Le contexte économique et social favorise-t-il les tensions de ce genre ?
 

Nathalie Schipounoff : La difficulté pour les salariés s’est accentuée de mon point de vue, d’autant qu’elle relève d’une perte de sens et d’injonction contradictoire, du fait notamment : des écarts de plus en plus grand dans la création de richesse (société bénéficiaire mais qui licencie par exemple), de la dévalorisation du travail réalisé et de la dévalorisation de l’individu devenu interchangeable, et du fait de devoir se sentir heureux quelles que soient les conditions de travail parce qu’en tant que salarié, on a déjà de la chance d’avoir du travail …

Dans un contexte où la mondialisation rime de plus en plus avec rentabilité à court terme, la souffrance au travail est en tous les cas des plus présentes du fait de ces injonctions contradictoires où l‘entreprise, censée être un lieu privilégié de réalisation et de création de valeurs pour les humains est de plus en plus au service d’une finance court-termiste et au détriment d’un entreprenariat « bâtisseur ».

Les managers et les chefs d’entreprise ne sont d’ailleurs pas épargnés pour autant dans ce contexte. Un chef d’entreprise, par exemple, qui se voit retirer les commandes de l’entreprise qu’il a créée par son conseil d’administration et ses actionnaires ou encore un manager licencié après qu’on lui a demandé de licencier ses propres équipes…  La question du manque de courage managérial peut être aussi au cœur de ces questions de management toxique, du fait des organisations matricielles à plusieurs têtes ou de logique actionnariale contradictoire avec les logiques opérationnelles qui aboutissent à un « écrasement » du management.

En tous les cas, parmi l’une des manifestations de ces tensions, on peut parler du stress qui peut s’avérer très toxique en effet : 60% des salariés se disent stressés, 60% des cadres se disent en état de fatigue chronique, 60% des arrêts de travail sont dus au stress. En outre, le stress représente 3 milliards d’euros de coût social, cause un suicide par jour en France et la dépression est la deuxième maladie au monde (en passe de devenir la 1ère dans moins de dix ans), selon Anact/INRS/Ipsos/MalakoffMederic/Inserm/OMS.

JOL Press : Qui sont les plus susceptibles d’être des patrons toxiques : les hommes ou les femmes 
 

Nathalie Schipounoff : Ce n’est pas une question de sexe, de mon point de vue, peut-être simplement qu’il y a plus d’hommes encadrants que de femmes, et des femmes plus contraintes économiquement et qui, du coup, sont amenées à accepter parfois des situations inacceptables. Je pense plutôt qu’il existe des profils psychologiques de harceleurs dont les qualités de persévérance, de calcul stratégique, d’esprit procédurier ou d’ego surdimensionné sont paradoxalement très appréciés des entreprises. Les managers qui manipulent ne le font pas pour faire mal : ils peuvent être amenés à manipuler pour diriger ou aider.

Mais un pervers narcissique aura soin de manipuler, dissimuler pour s’accaparer les qualités d’autrui, faire souffrir, voire détruire. C’est pourquoi les entreprises mettent parfois autant de temps à distinguer des patrons exigeants des harceleurs. Et il faudra attendre malheureusement trop souvent un absentéisme inhabituel, plusieurs dénonciations de salariés ou de démissions dans un même département pour que la direction prenne enfin les bonnes décisions.

JOL Press : Comment prouver le harcèlement ?
 

Nathalie Schipounoff : Il est important de répondre avec précision à cette question. Dans notre ouvrage, nous avons néanmoins apporté quelques pistes, dont celle bien sûr de se faire aider, notamment par un spécialiste juridique de la question. Quand bien même les modifications récentes de la loi vont plutôt dans le sens de la protection du salarié, puisque c’est aussi à l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement.

À titre préventif, il peut être judicieux aussi de rappeler à son chef que la loi a prévu deux types de sanctions, dont l’une au pénal avec « deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende ».

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Nathalie Schipounoff est diplômée du CELSA et de l’ESIEE. Après plus de quinze ans dans des grands groupes comme Télé Diffusion de France, Orange ou Lagardère Active (Psychologies magazine) en tant que responsable études, responsable marketing, chef de projet ou directeur de Business Unit Web, elle accompagne aujourd’hui les entreprises dans leur transformation digitale en management et stratégie.

Et si j’apprivoisais mon chef ! Se protéger du management toxique mode d’emploi, co écrit avec Stéphane Malochet, Eyrolles (9 novembre 2012)

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