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Bataille à l’UMP: Nicolas Sarkozy dans tous les esprits

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Les acteurs du combat tranché par les militants – FillonCopé et les autres – ont tous pris leurs distances avec l’ancien président, tout en proclamant leur fidélité au père. Cette situation étrange est contraire à toutes les traditions de la droite : Pompidou s’est émancipé de De GaulleChirac a fait battre Giscard en 1981, Balladur a tenté l’assassinat politique de Chirac en 1995, Sarkozy a cru liquider le « roi fainéant » Chirac

La droite serait-elle devenue « normale » ? Son chef occulte ne serait-il pas Sarkozy lui-même, et le président de l’UMP un simple « collaborateur » ? La primaire sanglante pour 2017 est-elle déjà commencée ? Et si d’aventure Nicolas Sarkozy décidait de revenir ? L’UMP est-elle viable ? L’UDF est-elle en train de renaître ? Que faire du Front national ? Cette enquête d’actualité, nourrie de témoignages inédits, retrace l’élection du nouveau président de l’UMP. Un récit historique, qui démontre qu’en réalité la guerre des deux droites n’a jamais vraiment cessé, depuis le « oui mais » de Giscard à de Gaulle, en 1969.

Extraits de La guerre des deux droites d’Hubert Huertas (Archipel)

 Comme tous les films catastrophe, l’élection du président de l’UMP commence par une séquence « sirop ». À Nice, en ce 25 août 2012, les sourires sont radieux. Un bonheur. Une évidence. Ils sont venus, la plupart des grands sont là, sauf François Fillon, qu’un plâtre inspiré empêche de faire sa génuflexion. Il s’est cassé la cheville après une chute de scooter à Capri alors qu’il était en vacances, invité par le patron de Ferrari.

Ce séjour tous frais payés chez un ami milliardaire le situe dans l’héritage direct du « président bling-bling », mais rien n’y fait : Fillon est soupçonné par Jean-François Copé de s’éloigner de Sarkozy, de chercher des excuses pour snober la grand-messe. Alors, derrière les huiles qui posent pour les journalistes au premier rang, les militants racontent une anecdote que le secrétaire général adjoint de l’UMP, Hervé Novelli, reprendra à son compte pour décrire le climat de franche camaraderie qui présidait à la cérémonie : en guise de certificat médical, Fillon aurait envoyé une photo de sa jambe sanguinolente. La confiance règne à l’UMP

La haine occupait déjà le terrain, mais elle restait dans les coulisses ou s’exprimait à petits gestes, jamais à la télévision. Le drame discret de la bourgeoisie.

Ils sont là, chacun à sa place assignée, comme dans les grands meetings du printemps dernier, la Concorde ou le Trocadéro, et tant d’autres. Ils proclament leur fidélité, ils applaudissent à la défaite qui était une victoire, l’hommage est unanime, et c’est beau. Beau comme quoi ? Toute la question est là. Elle taraude les esprits, mais personne ne la pose. Elle fermente en attendant son heure. Nul ne sait qu’elle explosera à la figure des militants, et de la France, le 18 novembre au soir.

Beau comme de l’antique, ou comme 2017 ? Beau comme un mariage, ou comme un enterrement ? Comme une promesse, ou comme un pèlerinage ? Comme une messe de moines-soldats, ou comme un congrès de révoltés de la Bounty venus se prosterner devant la statue du capitaine Bligh ?

Alors que la planète UMP ne pense qu’à son prochain congrès, c’est-à-dire à l’élection de son président, alors que la rivalité Copé-Fillon profite de la canicule pour monter en degré, alors que le livre de Roselyne Bachelot À feu et à sang[1] s’arrache en librairie, alors que le débat sur le « devoir d’inventaire » chemine dans les esprits mais ne franchit pas la « barrière des dents », comme disait le vieil Homère, l’Association des amis de Nicolas Sarkozy a décidé de montrer les siennes. Le premier qui touche un cheveu de Nicolas Sarkozy sera banni de la fête, donc de la course à la succession. « Ils lui préparent la piste d’atterrissage pour 2017 », annoncent déjà les dépêches. « Sarkozy nous manque », soupirent les cadres et militants dans le quotidien de la côte d’Azur Nice-Matin.

Le rassemblement de Nice est une herse décorée de fleurs et de cœurs fléchés, une rangée de barbelés parés comme une guirlande, en principauté de Sarkozie. Contrairement aux règles anthropométriques qui imposent la mine d’enterrement sur les photos des passeports, le douanier UMP ne tamponnera votre laissez-passer que si vous souriez à l’évocation du chef, surtout si, quelque part, dans vos arrière-pensées, vous songez à le remplacer. Ma France, tu l’aimes ou tu la quittes. Il s’agit d’une amicale, pas d’un service de recrutement. Montrez vos dents sur la photo. Serrez-les si vous voulez, mais « clicclac, merci Kodak », comme disait Jacques Chirac. Alors ils sourient.

La mise en scène est préparée par l’Association des amis de Nicolas Sarkozy, lancée le 30 mai à L’Antre Amis, un restaurant du XVe arrondissement de Paris. Le mois de juillet suivant, une Association de financement des amis de Nicolas Sarkozy a complété le dispositif : désormais, en cas de besoin, les « amis » pourront devenir un parti politique.

[1] Flammarion, juin 2012.

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La guerre des deux droites d’Hubert Huertas, Archipel (16 janvier 2013)

Hubert Huertas, ancien grand reporter pour France Inter et France Info, dirige le service politique de France Culture. Il est l’auteur d’un essai sur le Front national (FN made in France, éditions Autres Temps).

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