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«Chokri Belaïd, symbole d’un combat pour la liberté»

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A Paris pour quelques jours, la veuve de Chokri Belaid, leader de l’opposition au parti Ennahda au pouvoir, a déclaré vouloir reprendre le combat de son mari jusqu’à ce que la Tunisie soit « libre » et « démocrate » lors d’un point presse à la maison du Barreau de Paris.

Interrogée sur la possibilité de prendre des responsabilités politiques, Basma Belaïd répond que « tout est possible ». La militante des droits de l’homme, de la femme et de la laïcité a également réagi à l’arrestation du meurtrier présumé de l’opposant tunisien, appartenant à la mouvance salafiste, exhortant les autorités tunisiennes à trouver les commanditaires de cet assassinat

L’assassin présumé de Chokri Belaïd a été arrêté lundi 25 février. Que pensez-vous de cette arrestation ?

Basma Belaïd : Nous n’avons pas été informés de manière officielle, mais avons pris connaissance de cette arrestation à la radio, comme tout le monde. Aucun membre de la famille n’a pour l’instant vu le rapport de l’enquête. Le mystère reste donc total autour de cette arrestation qui n’est qu’une partie de l’enquête. J’espère que les autorités tunisiennes ont exploité toutes les pistes. Nous voulons savoir qui a commandité et qui a organisé ce crime. Il faut toute la lumière soit faite autour de ce crime organisé et que toutes les personnes impliquées soient punies. C’est un droit. Mon droit. Celui des avocats et celui de tous les Tunisiens. 

La dissolution des « Ligues de Protection pour la Révolution » suffira-t-elle à endiguer la violence en Tunisie, étant donné l’activisme de ces mouvances salafistes ?

Basma Belaïd : La société civile tunisienne demande la dissolution de ce qu’on appelle les « Ligues de protection pour la Révolution » depuis des mois. Ces ligues dites de « protection » ont perpétré de nombreux actes de violence contre les opposants du gouvernement. Nous demandons à ce que que tous ceux qui ont commis des violences, même avant l’assassinat de Chokri Belaid, soient punis. 

À quel niveau de responsabilité pensez-vous que le gouvernement soit impliqué dans l’assassinat de Chokri Belaid ?

Basma Belaïd: Le parti Ennahda est la première force politique du pays. C’est lui qui décide dans ce gouvernement. Je le dis et je le répète : Ennahda a une responsabilité politique dans l’assassinat de Chokri Belaïd, car c’est au gouvernement d’assurer la sécurité des citoyens. Avant d’être un leader politique, Chokri était un citoyen tunisien.

Il a plusieurs fois tenté d’instaurer un dialogue avec le parti Ennahda, mais en vain. Ennahdha n’a jamais écouté et n’a pas assuré la sécurité de Chokri Belaid, qui avait pourtant reçu des menaces quelques semaines avant sa mort.

Ennahda a d’une certaine manière participé à cet assassinat par son silence, par sa négligence et en ayant banalisé les actes de violence. C’est l’unique parti responsable.

Le ministre de l’Intérieur sortant, Ali Larayedh, a été nommé Premier ministre et est chargé de former un nouveau gouvernement. Quel regard portez-vous sur l’actualité politique en Tunisie aujourd’hui ?

Basma Belaïd: Le ministre de l’Intérieur a effectivement été gradé après l’assassinat de Chokri Belaïd. Nous l’avons vu en exercice, et pu constater qu’il n’était pas le ministre de tous les Tunisiens et toutes les Tunisiennes. Je me demande réellement comment Ali Larayedhil peut être le président du gouvernement. Je pense qu’un gouvernement qui a échoué sur tous les plans doit démissionner

Vous avez affirmé vouloir reprendre le « flambeau » après la disparition de votre mari. Allez-vous endosser des responsabilités politiques ?

Basma Belaïd: Tout est possible. Je me battrai jusqu’à ce que ce la Tunisie soit libre et démocratique. Jusqu’à ce que cela devienne un pays uni contre la violence et le terrorisme

Votre sécurité et celle de vos filles est-elle assurée aujourd’hui en Tunisie ?

Basma Belaïd: Après le meurtre de Chokri Belaïd, j’ai lancé un appel pour ma protection et celle de mes filles, mais je n’ai eu aucune réponse du gouvernement. Après que le site en mémoire de Chokri a été vandalisé, une voiture de police a été placée devant mon domicile deux jours avant mon départ en France. Mais il n’y a rien d’officiel pour le moment, je ne sais pas si ce dispositif de sécurité sera maintenu à mon retour.

Quel rôle a joué la religion, l’islamisation dans cette « affaire » ?

Basma Belaïd: Il n’y a pas ce problème de musulmans/non musulmans en Tunisie. La société tunisienne est une société arabo-musulmane. La société considère que la gestion de la religion est une question personnelle. Le problème vient désormais de l’association de la politique et de la religion. Ce « mariage » ne peut déboucher que sur une catastrophe, et pas seulement dans le monde musulman. Si on se penche sur l’histoire, cette association a toujours engendré des guerres.

Je pense qu’il faut garder la religion pour soi et la politique pour tout le monde. C’est un faux problème crée par Ennahda et par d’autres partis pour faire diversion et éloigner la population tunisienne des vraies problématiques du pays. C’est aussi un moyen de diviser la société. Mais nous refusons cette division : nous sommes tous unis, nous sommes tous tunisiens, et nous luttrons ensemble contre toute forme de violence.

Pourquoi avoir tué Chokri Belaïd et pas un autre opposant. En quoi gênait-il plus qu’un autre ?

Basma Belaïd: Je crois que vous trouverez la réponse dans la réaction des Tunisiens au lendemain de son assassinat. Chokri Belaïd était un personnage aimé et écouté. C’est un politicien qui n’a jamais cessé de travailler sur le terrain, avec les gens. Il a toujours essayé de décortiquer les discours politiques sur les plateaux télé en essayant de rendre les notions et les idées politiques toujours plus accessibles. Il avait son point de vue sur la situation en Tunisie et apportait des solutions sur les problématiques économiques et sociales du pays.  Chokri Belaid est devenu le symbole d’un combat qu’il a mené pour la liberté, pour l’égalité et l’équité sociale.

Êtes-vous inquiète pour la suite de la révolution tunisienne ?

Basma Belaïd: Je n’ai pas peur pour la révolution. C’est le processus « normal » de la révolution. J’espère que la gravité de l’assassinat de Chokri Belaïd stoppera cette vague de contre-révolution et nous donnera l’élan de poursuivre la révolution

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