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«Des paroles et des actes» : ce qui attend Marine Le Pen sur France 2

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Pour le prochain numéro de « Des paroles et des actes », sur France 2David Pujadas recevra la présidente du Front national, Marine Le Pen. Décryptage avec un spécialiste de la vie politique française, journaliste et conseil en communication, Jean-Luc Mano.

JOL Press : Que peut gagner Marine Le Pen dans ce genre d’émission ?
 

Jean-Luc Mano : Ces émissions lui permettent de conforter sa base, d’abord, qui a besoin d’être régulièrement entretenue. Mais il y a aussi un certain nombre de téléspectateurs qui viendront voir le côté un peu « show » de ses interventions. Ce sont des émissions qui attirent du monde et qui lui permettent de continuer à gagner tous ceux qui, dans la population, sont dans la difficulté, dans la peur du lendemain et qui peuvent être réceptifs à ce qu’elle dit.

JOL Press : Si vous deviez la conseiller en communication, que lui diriez-vous pour ce soir ?
 

Jean-Luc Mano : Déjà, je ne le ferais pas. Cela étant, je pense que les gens qui la conseillent cherchent à faire en sorte qu’elle soit dans l’équilibre entre l’image qu’elle veut donner d’elle-même et l’image de son père. A la fois la rupture et la continuité. Elle essaie de dédiaboliser le Front national, mais, la difficulté, c’est que c’est justement le diable qu’un grand nombre de ses électeurs vient chercher au FN. Beaucoup de ses électeurs aiment les excès, le côté différent, en rupture avec le système, le côté populiste… Quand Marine Le Pen s’assagit, elle y gagne mais elle y perd aussi.

JOL Press : Marine Le Pen doit débattre avec Bruno Le Maire. A quoi faut-il s’attendre ?
 

Jean-Luc Mano : Ce sera une confrontation de style et de monde d’abord. Ce ne sont pas du tout des personnalités qui se ressemblent. Bruno Le Maire est tenant d’une droite humaniste qui ne fait pas de concession au Front national. Il cherchera donc à montrer qu’il n’y a pas de continuité entre la droite et l’extrême droite. L’extrême droite n’est pas un peu plus à droite que la droite. Ce sont deux courants qui ont des logiques diamétralement différentes. Il faut donc s’attendre à un choc de valeurs puisque Bruno Le Maire est de ceux, à l’UMP, qui pensent que le FN et la droite n’ont pas les mêmes valeurs. Ce serait évidemment différent si Marine Le Pen était confrontée à Nadine Morano

JOL Press : Selon vous, quelles sont les positions sur lesquelles ils vont être le plus en opposition ?
 

Jean-Luc Mano : Ils sont déjà très opposés sur l’idée qu’ils se font de la République, l’idée du « vivre-ensemble ». Ensuite, ils auront de vrais désaccords sur l’Europe : Bruno Le Maire considère que l’Europe est l’avenir de l’économie française alors que Marine Le Pen pense que l’Europe est le fossoyeur de l’économie française. Ils confronteront aussi indéniablement leurs avis sur les sujets économiques et sociaux car ce sont des questions qui sont au cœur des préoccupations des Français.

JOL Press : Pourquoi avoir choisi Bruno Le Maire pour débattre avec Marine Le Pen ? Que représente-t-il au sein de son parti ?
 

Jean-Luc Mano : Il représente la droite républicaine, une droite qui n’accepte pas les alliances avec le Front national, pas par facilité mais parce que ses valeurs sont incompatibles avec celles de l’extrême droite. C’est un bon choix Bruno Le Maire, car c’est un véritable opposant au FN. A droite, sur les arguments du FN, certains disent « oui, mais… », lui il est plutôt de ceux qui disent « non, mais… »

JOL Press : Que risque Bruno Le Maire à débattre avec Marine Le Pen ? Et que cherche à prouver, en règle générale, un homme politique dans ce genre de confrontation ?
 

Jean-Luc Mano : C’est toujours difficile de débattre avec Marine Le Pen, pas parce qu’elle est douée – c’était aussi difficile de débattre avec son père – mais parce qu’elle s’adresse à un public qui aime les excès. Elle peut dire n’importe quoi. Les journaux peuvent dire le lendemain que ses chiffres étaient faux, que ses références étaient inexactes, elle s’en moque. Elle ne cherche pas être compétente. C’est difficile de discuter avec elle comme c’était difficile de discuter avec Georges Marchais, il y a 25 ans. Ils ne sont pas tenus à la réalité. Sur le plan politique, il y a plutôt des avantages à discuter avec Marine Le Pen. Comme tout le monde pense que c’est un exercice très difficile, si vous faîtes un jeu égal, vous en sortez gagnant.

JOL Press : C’est plus facile quand on est de gauche ou quand on est de droite ?
 

Jean-Luc Mano : Ça dépend des circonstances. Mais, en règle générale, c’est certainement plus difficile pour la droite car c’est elle qui pâtit le plus de l’existence de Front national. C’est d’autant plus difficile, qu’aujourd’hui, un candidat du FN, lors d’une élection, fait souvent élire un candidat de gauche s’il perd au premier tour. Dans tous les cas, les hommes politiques ont intérêt à débattre avec l’extrême droite, ils ont même intérêt à la combattre…

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Jean-Luc Mano a été journaliste, puis est devenu parallèlement conseiller en communication. Il a débuté sa carrière à L’Humanité en 1979, puis est passé par TF1 en 1983, dont il est devenu chef du Service Politique. Il est aujourd’hui conseiller en communication chez Only Conseil, dont il est le co-fondateur et le directeur associé. Il anime un blog sur l’actualité des médias et vient de publier Les Perles des politiques.

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