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Google et la presse française: un accord de «raison»

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Cela s’annonçait comme une bataille frontale sans pitié et cela se termine, après trois mois d’une médiation dirigée par Marc Schwartz, avec un accord de raison, alors qu’un projet de loi préparé par les équipes du ministère de la Culture et de la Communication était déjà dans les tuyaux, prêt à être soumis au vote des parlementaires, au cas où l’accord n’aurait pas été trouvé.

Un accord qui privilégie l’esprit de partenariat

Cet accord comporte principalement deux volets.
Le premier, qui est le plus original, prévoit la constitution d’un fonds de 60 millions d’euros destiné à faciliter « la transition de la presse vers le monde numérique ». Ce fonds visera à soutenir des « initiatives prometteuses », et sera réservé aux seuls représentants de la presse d’information politique et générale (quotidiens, magazines, sites Web d’actualité). Un conseil d’administration de sept personnes pour le piloter sera mis en place, qui comportera des représentants de Google, des éditeurs français et des indépendants.
Le deuxième qui se rapproche de l’esprit de l’accord conclu récemment par Google avec la presse belge, instaure un « partenariat commercial » de cinq ans, destiné à aider la presse à se développer sur Internet et à « accroître ses revenus en ligne ».

Google, le grand gagnant ?

Certes, François Hollande s’est félicité de cet accord qu’il a qualifié d’ « évènement mondial » en déclarant vendredi soir sa satisfaction : « C’est bon pour la presse. C’est bon pour l’internaute. C’est bon pour Google ». Eric Schmidt, le président exécutif de Google, qui avait spécialement fait le déplacement pour la signature, affichait le sourire des grands jours en louant les vertus d’un texte à ses yeux « historique ».  Tout le monde semblait donc satisfait. Pourtant, celui qui avait de bonnes raisons de se réjouir était plutôt Eric Schmidt.

En effet, Google craignait une montée en force des éditeurs de presse en Europe. Il ne voulait pas voir la fronde gagner l’ensemble du continent. Trouver un accord au plus vite était donc sa priorité. C’est pourquoi récemment un accord avait été trouvé avec la presse belge, après six ans de procédures infructueuses. Toutefois, Google ne voulait en aucun cas rentrer dans la voie de d’une taxe systématique, de type «  droit voisin », telle que demandé au départ par les éditeurs de presse. Une mesure qui aurait été impossible à mettre en place, mais qui pouvait déstabiliser le fonctionnement du célèbre moteur de recherche. Heureux, donc, qui comme Eric Schmidt s’en sort en concédant un fonds de 60 millions d’euros sur 3 ans, une modeste contribution comparée à son chiffre d’affaires en France évalué entre 1,25 et 1,4 milliard d’euros. 

La presse française devra trouver d’autres solutions pour combler ses déficits

En ce qui nous concerne, nous ne pouvons que nous réjouir de ces dispositions qui responsabilisent chacun des acteurs.
D’un côté, Google accepte désormais une nouvelle manière de « travailler ensemble 
» avec les éditeurs : le géant américain va devoir apprendre à jouer moins « perso ». D’autant que, même si pour le moment aucune des accusations d’abus de position dominante n’a abouti en Europe, Google sait que la frontière peut être vite franchie, entre la position dominante de fait et son abus. Se mettre à dos toute la presse continentale aurait pu le piéger dans une attitude qui aurait ouvert la voie à des procédures beaucoup plus risquées dans leurs conséquences financières.
De l’autre côté, la presse française devra accélérer sa mutation économique, car ce ne sont pas les aides à la transition prévues dans l’accord qui résoudront ses déficits désormais endémiques. Même si la presse trouve ici un appel d’air qui lui sera utile, elle ne trouvera en aucun cas la source de financement dont elle rêvait, pour co-financer ses coûts de création de contenus.

Ainsi, le géant de Moutain View a-t-il montré qu’il pouvait faire quelques concessions quand la fronde était trop grande, mais que ses efforts restaient à sa discrétion. Google n’est pas prêt d’ouvrir la porte de ses systèmes algoritmiques, étape technique nécessaire en cas de péage à la consulation de contenu. Google reste donc plus que jamais opaque et intouchable. Même si pour conserver le secret de sa machine interne, il doit apprendre désormais à composer avec les éditeurs de contenus d’information. Une contrainte en effet historique, car jusqu’alors, Google avait toujours privilégié une position unilatérale avec la presse, au risque de provoquer la rupture en brandissant l’arme du déréférencement.

La vidéo postée par l’Elysée sur la Conférence suivant la signature de l’accord entre Google et les éditeurs de presse

 

>Annexe : la déclaration postée par Eric Schmidt sur le blog de Google

Google creates €60m Digital Publishing Innovation Fund to support transformative French digital publishing initiatives

Google has worked with news publishers around the globe for years to help them make the most of the web. Our search engine generates billions of clicks each month, and our advertising solutions (in which we have invested billions of dollars) help them make money from that traffic. And last year, we launched Google Play, which offers new opportunities for publishers to make money—including through paid subscriptions. A healthy news industry is important for Google and our partners, and it is essential to a free society. 

Today I announced with President Hollande of France two new initiatives to help stimulate innovation and increase revenues for French publishers. First, Google has agreed to create a €60 million Digital Publishing Innovation Fund to help support transformative digital publishing initiatives for French readers. Second, Google will deepen our partnership with French publishers to help increase their online revenues using our advertising technology. 

This exciting announcement builds on the commitments we made in 2011 to increase our investment in France—including our Cultural Institute in Paris to help preserve amazing cultural treasures such as the Dead Sea Scrolls. These agreements show that through business and technology partnerships we can help stimulate digital innovation for the benefit of consumers, our partners and the wider web.

Posted by Eric Schmidt, Executive Chairman

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