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Les Nigérians misent sur Google Map pour pacifier leur pays

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Armés de leurs ordinateurs portables et de leurs smartphones, plus d’une centaine de jeunes Nigérians ont sillonné la capitale de leur pays, la semaine dernière, afin d’aider Google map à ne surtout pas oublier leur ville de l’ouest africain.

Google Map pour référencer les habitations des Nigérians

Le « Google mapping » citoyen n’est pas rare. Le Rwanda est le premier pays africain à avoir organisé un « Google MapUp » public, dans un effort pour soutenir l’industrie du tourisme.

Mais à Abuja, plus connu aujourd’hui pour ses sites terroristes que pour ses sites touristiques, les cartographes ont une toute autre idée à l’esprit. Hamzat Lawal, l’un des « citoyens cartographes », estime pour sa part que ce projet pourrait permettre de rendre la capitale plus sûre.

Les citadins nigérians identifient généralement leur domicile par rapport à un bâtiment voisin et non grâce à un numéro et un nom de rue. Dans les campagnes, les gens ont également l’habitude d’identifier leur village en fonction des villages les plus proches, dont beaucoup ne sont pas inscrits sur Google Map.

Venir en aide aux victimes des catastrophes naturelles

Si quelqu’un appelle les services d’urgence, ces derniers pourront désormais être capables de transmettre les informations que leur donne leur GPS, qui sera bientôt en mesure d’identifier un emplacement sans avoir besoin d’une adresse spécifique, explique Hamzat Lawal.

Oludotun Babayemi, directeur de MapUp pour Google Abuja, estime qu’avec un peu de temps, les cartographes pourront bientôt aider les forces de sécurité face à la violence sectaire et les crises alimentaires grâce au téléchargement des données qu’ils recueillent auprès de parents ou d’amis en province – où Internet est bien souvent inaccessible – sur Google Map. À l’heure actuelle, dit-il, le gouvernement manque cruellement de statistiques et il est difficile de mesurer les besoins urgents en eau ou en nourriture.

À court terme, explique Oludotun Babayemi, cela pourrait aider les victimes de catastrophes naturelles, comme les inondations qui ont tué plus de 350 personnes à travers le pays l’année dernière. Aujourd’hui encore, personne ne sait exactement combien de personnes ont été tuées ou blessées durant ces évènements car de nombreuses familles n’ont jamais été retrouvées par les secours.

« Vous ne pouvez pas être à deux endroits en même temps, et désormais, ils pourront venir exactement où vous êtes, et vous sauver, » explique Oludotun Babayemi.

La cartographie pour favoriser la transparence du gouvernement

Paul Olagunju, autre citoyen cartographe, estime également que cette opération pourrait forcer le gouvernement et les organisations humanitaires à rendre leurs actions publiques. Ces derniers temps, indique Paul Olagunju, de nombreuses ressources, destinées à des opérations humanitaires, ont étrangement disparu dans la poche de politiciens corrompus.

« La cartographie et l’humanitaire travaillent main dans la main, » affirme-t-il à Global Post. « La transparence est inexistente au Nigeria […] les gens ne sont pas heureux. »

Observer l’Afrique se développer

Dans cette ville en proie à la criminalité et à la suspicion, tout le monde ne salue pas pour autant l’arrivée de ces citoyens bien intentionnés. Adepoju Abiodun, bénévole pour Google, explique ainsi que les habitants ne sont souvent pas rassurés de voir de jeunes hommes photographier leurs maisons et prendre des notes devant chez eux. Une grande partie de la zone moderne d’Abuja a été construite sur un terrain déjà occupé par des villageois, de sorte que les résidents prennent souvent les cartographes pour des employés du gouvernement, chargés de programmer la destruction de leur maison.

Adepoju Abiodun explique que la police se méfie également de ces jeunes gens. Les forces de sécurité nigérianes sont les principales cibles des groupes terroristes qui ont tué plusieurs milliers de personnes ces dernières années. Pour certains, il n’y a pas de différence entre un criminel potentiel et un cartographe.

« Quelques fois, des gens viennent nous voir et nous demandent : « Pourquoi essayez-vous de prendre des photos ? Qu’est-ce que vous faites ici à prendre des notes ? Vous voulez nous bombarder ? » », raconte Adepoju Abiodun. « On finit par s’habituer, et quand on leur explique, ils finissent par comprendre. »

Au cours des quatre ou cinq prochaines années, explique Adepoju Abiodun, ils espèrent réunir de plus en plus de détails sur l’ensemble du continent africain, pour égaler le niveau des pays occidentaux.

« L’Afrique se développe, mais beaucoup de gens ne voient pas comment nous la développons, » déclare-t-il. « Les gens peuvent vouloir venir au Nigeria, mais ils voudront ouvrir des cartes et regarder avant. »

Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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