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Mali: l’intervention révèle le virulent «racisme» du sud à l’égard du nord

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La guerre éclair que mène la France au Mali laisse des traces sur son passage. Elle ne serait pas si « libératrice » cette « libérations totale du pays » voulue par les autorités françaises.

Le racisme au Mali : une donnée incontournable

À vouloir éliminer l’islamisme du nord du Mali, il semblerait bien que l’intervention armée ait ravivé un autre mal de la société malienne : le racisme vivace qui oppose, depuis de très nombreuses années, les populations du nord à celles du sud.

Le fleuve Niger est une frontière qui sépare les Noirs du régime de Bamako au sud et les Arabes et Touaregs au teint clair, au nord. Deux populations qui s’affrontent depuis la création du Mali.

Et il semblerait bien que cette donnée, incontournable pourtant, ait été omise lorsque la communauté internationale a décidé d’engager l’armée malienne du sud, pour libérer le Nord.

Bamako cherche sa vengeance

Un « génocide », le mot est fort mais il est souvent employé au Nord pour qualifier l’opération en cours au Mali.

« Derrière l’intervention étrangère pour libérer le territoire des mouvements narcoterroristes, il y a un objectif très clair des autorités maliennes : éliminer les populations de teint clair et nomades de l’Azawad. Et en cela, cette intervention sera un génocide, » expliquait Moussa Ag-Assarid, responsable du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), en décembre 2012, quelques semaines avant le début de l’opération Serval.

« Le Mali sait que le MNLA l’a chassé de l’Azawad il y a quelques mois. C’est un élément que le monde semble avoir oublié aujourd’hui et pourtant, les autorités maliennes cherchent à se venger. »

La FIDH révèle les exactions de l’armée malienne

Il n’a fallu que peu de temps à la communauté internationale pour comprendre les faits. Le 23 janvier dernier, dans un communiqué, la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) alertait le monde face à la « multiplication des exécutions sommaires et autres violations des droits humains commises par des soldats maliens dans le contexte de la contre-offensive menée par les armées françaises et malienne contre les djihadistes. »

Ce jour-là, la FIDH parle alors de quelques 33 personnes, exécutées par des soldats maliens puis jetées dans des puits ou enterrées à la hâte.

« Ces actes de représailles alliés à la tension extrême entre les communautés constituent un cocktail explosif qui fait craindre le pire, notamment dans la perspective de la reconquête du Nord, » déclare alors Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.

Il s’agit de personnes « en possession d’armes, des individus ne pouvant justifier de leur identité lors de contrôles de l’armée, ou ciblés simplement en raison de leur appartenance ethnique et communément appelés les « peaux claires » », souligne  la FIDH.

La FIDH n’est pas le seul organisme à avoir fait état de ce type d’exactions ; avant cela, l’ONG Human Rights Watch avait déjà dénoncé des massacres contre les minorités du pays, qu’il s’agisse des populations touareg ou arabes.

Une haine nourrie de longue date

Mais il n’y aurait pas que l’armée régulière du Mali, et peu avant cette intervention, Moussa Ag Assarid affirmait que le Mali du sud, le gouvernement de Bamako, se préparait à une intervention déjà bien organisée.

« Le Mali forme actuellement des milices ethnocides. Ces milices sont notamment formées par des tribus qui ont massacré les populations touaregs et arabes dans les années 1990. Ces gens-là sont de la chair à canon pour l’armée malienne et ont la mission d’aller massacrer les populations civiles, » affirmait-il alors.

Cette haine n’est pas nouvelle, et pour Moussa Ag Assarid, « l’armée malienne veut se venger des teints clairs, c’est-à-dire des Touaregs et des Arabes. Ces populations qui sont exclues et opprimées depuis plus de cinquante ans. Le Mali est tout simplement en train de faire la politique de la terre brulée. Pendant plus de cinquante ans, Bamako n’a pas réussi à imposer son autorité sur ce territoire et veut aujourd’hui envoyer l’armée contre les populations blanches. Toutes les peaux claires sont une cible pour cette armée malienne et c’est en cela que cette guerre sera un génocide. »

Plus de 50 ans de lutte

Dans son Histoire de l’Afrique, Bernard Lugan inscrit une des causes de ce phénomène dans le découpage de l’ancienne Afrique Occidentale Française (AOF). Partagés entre plusieurs pays, les Touaregs se sont retrouvés à cheval sur plusieurs frontières créant des tensions entre ces communautés nomades et leurs gouvernements.

La première révolte a éclaté en 1962 et n’a été que le début d’une succession de nombreuses autres crises entre deux peuples aux modes de vie visiblement incompatibles.

« Dès lors, une césure s’opéra entre le monde arabo-berbère et le reste du pays. Le Mali devint un peu comme le négatif de la Mauritanie, avec une minorité noire de plus en plus hostile à une minorité blanche, » écrit Edmond Bernus, auteur de Etre Touareg au Mali.

Cette « césure » a ensuite fait partie du paysage malien et pour Bernard Lugan, « les populations du nord ont toujours été lésées au profit des populations du sud. »

La tension monte

Aujourd’hui, les Touaregs parlent de vengeance du Sud envers le Nord et ne mâchent pas leurs mots pour qualifier l’armée malienne de « raciste », de « lâche », d’acteurs d’un « génocide ».

Bien avant l’opération militaire, le 9 septembre 2012, l’agence de presse touarègue Toumast Press révélait ainsi le « massacre d’Azawadiens (populations du nord du Mali, ndlr) et de Mauritaniens » réfugiés dans le camp de Fassala, à la frontière entre le Mali et la Mauritanie.

« Revenant à ses anciennes habitudes de 1963, 1990, et 2012, l’armée malienne procédait à un massacre dont la brutalité et la froideur rappelaient, toute proportion gardée, celui des marabouts Kal Assouk de Gao en 1994, » écrit l’agence qui rapporte que « 25 prêcheurs et hommes de religions azawadiens et mauritaniens ont été froidement exécutés par l’armée raciste et inhumaine du Mali. »

Selon les Touaregs de Toumast Press, « le seul tort » de ces victimes « a été la couleur de leur peau ».

Une guerre peut en cacher une autre

Alertée par ces « exactions », la communauté internationale s’inquiète désormais, non plus du problème islamiste, mais du futur problème interne au Mali.

La libération du territoire n’apportera pas la paix aux populations dont les divisions ne semblent que s’aggraver.

« Dans toutes les villes libérées par l’armée française de l’occupation terroriste, les soldats maliens » n’hésitent pas « à massacrer tous les civils touareg et maures/arabes qu’ils rencontrent. Toumast Press, en collaboration avec la Coalition Touareg et Azawadienne de Communication et d’Information, mène encore des enquêtes pour déterminer l’étendue des massacres, » pouvait-on lire dans un article publié par Toumast Press le 28 janvier dernier.

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