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Matthieu Lambeaux: «Findus est injustement brocardé par les médias»

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JOL Press : L’affaire du « chevalgate » a-t-elle révélé les failles de la traçabilité des produits alimentaires en Europe? 

Matthieu Lambeaux: Il n’y a pas eu de failles de traçabilité. Findus a justement été exemplaire dans la traçabilité des produits, puisque nous avons réussi à remonter le dossier en seulement 48h.  Nous sommes ici confrontés à un problème de fraude. La traçabilité ne peut prendre en compte la fraude, puisque, par définition, la fraude c’est quelqu’un qui, à un moment donné, sort du système et trompe ce système de manière intentionelle : qu’il s’agisse d’un système bancaire ou d’un système alimentaire d’ailleurs !

Aucun système ne peut se dire exempt de ce risque. Personne ne pouvait se douter, une seconde, qu’une coopérative du Sud-Ouest de la France était en train de s’approvisionner auprès de traders hollandais, au lieu de vendre de la viande d’origine française. Le circuit qui a été révélé par les fraudes en amont de Spanghero a surpris tout le monde. 

JOL Press : Affirmez-vous que c’est Findus qui a découvert la fraude en effectuant des tests ?

Matthieu Lambeaux : Absolument. C’est Findus qui a découvert la fraude en faisant des tests inopinés, que les autres ne faisaient pas. Pour rappel, l’affaire a débuté en janvier au Royaume-Uni avec Tesco qui a détecté la présence de viande de cheval dans des plats. Dans le cadre de cette affaire, nous avons donc décidé, à notre tour, par mesure de contrôle, de réaliser des tests sur les lasagnes en Angleterre. Pas une minute, nous ne nous doutions qu’il y ait un risque, puisque nous ne nous approvisionnions pas en Irlande, là d’où le scandale est parti.

Le résultat est tombé le 30 janvier : nous avons trouvé des traces de cheval dans les plats cuisinés censés être au bœuf. Nous avons ainsi entamé un travail de traçabilité et forcé toute la filière à faire acte de transparence, dont Comigel. En l’espace de 24h, nous avons demandé à notre fournisseur Comigel de faire un audit surprise chez son fournisseur Spanghero. C’est là que nous avons détecté un problème d’étiquetage. Nous avons donc décidé de lancer des tests ADN sur tous nos produits en France, en Angleterre, en Suède. Le 8 février, nous avons informé publiquement le consommateur en France et avons retiré les produits des rayons. Nous avions déjà tout arrêté chez les distributeurs le 4 et 5 février. Notre réaction a donc été la plus rapide et la plus transparente possible.

JOL Press : Depuis la gestion calamiteuse de l’affaire Perrier dans les années 90, les entreprises se préparent à gérer les crises. Pensez-vous avoir fait le nécessaire pour défendre votre marque ?

Matthieu Lambeaux : Dans un tourbillon médiatique comme celui que nous vivons, totalement incontrôlé et incontrôlable, il est difficile de faire le nécessaire pour défendre notre marque. Le traitement médiatique qui a été fait à Findus est totalement injustifié.  C’est Findus qui a dévoilé l’affaire !  Je rappelle que vingt autres marques sont concernées par cette affaire.  Certaines se cachent, ne disent rien. C’est dommage que les journalistes se soient concentrés uniquement sur Findus et n’aient pas pris le temps de se tourner vers ces marques. Le traitement médiatique n’a pas été équilibré.

La responsabilité de Findus est réelle puisque nous sommes responsables de nos produits, mais nous ne sommes pas coupables: je le répète, nous sommes victimes de fraude. Nous estimons que nous devons rendre des comptes à une seule personne : le consommateur, qui réclame de la transparence. Et c’est ce que nous avons fait.

La vitesse avec laquelle nous avons opéré, au niveau européen, pour révéler l’affaire, remonter la filière, effectuer des tests ADN et retirer les produits des rayons a été exemplaire : nous avons mis une semaine seulement.

Dans les 48h qui ont suivi l’éclatement de l’affaire, j’ai été présent sur les émissions de radios et sur les JT afin de de redonner une forme de rationalité à ce qui était dit. Est-ce que les journalistes nous ont entendus à ce moment-là ? Je ne pense pas. Nous ont-ils donné la juste tribune, le juste traitement ? Pas forcément.

JOL Press : Etait-t-il vraiment nécessaire d’engager un spécialiste de l’e-réputation – l’agence Reputation Squadpour demander aux médias de retirer l’expression « affaire findus » de leurs articles ?

Matthieu Lambeaux : Il n’est tout simplement pas acceptable d’écrire qu’il s’agit d’une « affaire Findus ». C’est totalement injustifié et faux. Seulement un produit sur dix retiré des rayons était de la marque Findus : il s’agit d’un scandale européen et massif !  De ce point de vue-là, les médias n’ont pas fait leur travail. En qualifiant cette histoire d’ « affaire Findus », les journalistes ont brocardé notre société, ont donné une image négative de la seule marque qui a eu le courage de révéler l’affaire, quand d’autres se taisaient et se cachaient. Si nous n’avions pas révélé l’affaire, nous serions encore en train de manger du cheval ! Je ne vois pas où nous avons fauté et pourquoi nous devrions accepter de voir notre marque entachée sur Internet pendant des années.

Pour cette raison, nous avons décidé de contacter les rédactions de manière très posée. Je ne suis pas un homme de communication, je suis un patron. Mes 350 salariés à Boulogne sur Mer sont d’ailleurs tous derrière moi et sont dépités par ce système médiatique

JOL Press : Quels engagements allez-vous prendre  pour garantir la transparence et la qualité des produits au consommateur ?

Matthieu Lambeaux : Depuis le 4 février, nous avons mis en place des tests sur chaque lot de matières premières et sur tous les lots de produits finis, de manière à garantir des produits 100% bœuf. Nous nous sommes également engagés à nous diriger vers des filières courtes et transparentes: 100% de nos plats cuisinés seront produits avec de la viande bovine française sous quatre à cinq semaines.

JOL Press : Y-a-t-il  un risque de défiance des consommateurs ? Avez-vous enregistré une baisse des ventes ?

Matthieu Lambeaux : La défiance des consommateurs concerne les plats cuisinés en général. Aujourd’hui nous constatons une baisse de 10% à 15% sur le marché des plats cuisinés. Cette affaire a donné aux gens l’impression qu’il n’y avait pas de contrôles ou que l’on pouvait mettre différents ingrédients qu’on ne contrôlait pas dans nos plats, ce qui est faux! Désormais, plus que jamais nous sommes engagés pour plus de sécurité et plus de contrôles. De la même manière que nous avons été parmi les premiers à retirer l’huile de palme de nos produits et à n’utiliser que du poisson sauvage. Findus, avant cette crise était déjà engagé dans une volonté de qualité et de sécurité. Cette crise nous a rendus encore plus vigilants, si bien que désormais les nouveaux process que nous avons mis en place sont en mesure de rassurer le consommateur.

Propos recueillis par Louise Michel D.

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