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Olivier Berthe: «Vers une catastrophe humanitaire en Europe»

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JOL Press : Qu’attendez-vous du Conseil européen des 7 et 8 février prochains ?

Olivier Berthe : Nous espérons qu’une décision positive sorte de ce sommet européen. Les 7 et 8 février prochains, les 27 chefs d’État devront se mettre d’accord pour que le Programme européen d’aide aux plus démunis (PEAD) soit reconduit sur la période 2014-2020, l’actuel programme s’arrêtant en 2014. Un nouveau dispositif, le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) devra être examiné lors de ce sommet. Notre inquiétude est double : il faut que le nouveau plan d’aide obtienne l’unanimité pour être reconduit, mais nous craignons aussi que le budget soit réduit à 2,5 milliards d’euros contre 3,5 milliards aujourd’hui. Cette enveloppe serait insuffisante puisque le budget était jusqu’ici réparti entre 20 pays membres de l’Union européenne, mais sera, dès 2014, partagé entre les 27 pays européens.

JOL Press : Qu’est-ce qui menace l’existence du programme d’aide alimentaire actuel?

Olivier Berthe : Il faut d’abord rappeler une chose. Le Parlement européen et la commission européenne ont proposé la prolongation du programme d’aide alimentaire. Le gouvernement de François Hollande et de Nicolas Sarkozy se sont également engagés pour défendre le PEAD. Le blocage vient de sept pays européens – l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, le Danemark, la Suède, le Royaume-Uni, et la République tchèque – qui considèrent que l’aide alimentaire n’est pas une affaire européenne mais relève de la politique sociale de chaque État. L’Allemagne estime par exemple que son système interne est suffisant, mais c’est faux ! Bien que la prospérité économique soit indiscutable dans ce pays, la situation sociale est en revanche préoccupante, avec un taux de pauvreté qui s’élève à 15% contre 13% en France.

JOL Press : Enregistrez-vous une forte hausse des besoins en aide alimentaire en temps de crise économique ?

Olivier Berthe : Depuis le début de l’hiver, nous accueillons 10% de familles en plus dans les centres des Restos du Cœur par rapport à l’année précédente. Les principales associations caritatives – Secours Populaire, Croix-Rouge et Banques alimentaires – connaissent la même augmentation de fréquentation. Depuis cinq ans, les gens sont de plus en plus nombreux à recourir à l’aide alimentaire. Depuis le début de la crise, on enregistre une hausse de 30 à 40% de la fréquentation. Sur la période 2008-2009, 83 millions de personnes en Europe vivaient en dessous du seuil de pauvreté. En 2012, ce chiffre a explosé et concerne aujourd’hui à 116 millions d’Européens. Mais parallèlement, l’aide européenne ne suit pas. L’Europe veut réduire le taux de pauvreté de 20% d’ici 2020 mais paradoxalement réduit le budget de l’aide alimentaire

JOL Press : Quelles seraient les conséquences d’une diminution du budget du plan d’aide alimentaire ?

Olivier Berthe : Les conséquences seraient énormes. On peut s’attendre à une catastrophe humanitaire en Europe. Le plan d’aide actuel permet de distribuer 130 millions de repas en France chaque année. Si le budget est amputé, les associations caritatives ne pourront pas compenser. Peut-être que certains États européens pourront trouver un équilibre pendant un temps, mais il n’est pas dit que cela soit possible sur sept ans, et il n’est pas non plus question que cela implique une concurrence entre différentes causes sociales. Les finances publiques des pays européens frappés de plein fouet par la crise, comme la Grèce, ne pourront quant elles pas compenser cette diminution. 

JOL Press : Comment s’est traduite la mobilisation pour protester contre les coupes dans l’aide alimentaire ?

Olivier Berthe : Les Restos du Cœur, la Croix Rouge, le Secours Populaire et les banques alimentaires ont travaillé ensemble dans ce combat. Nous avons été reçus à l’Assemblée nationale par les groupes parlementaires, mais nous avons également fait en sorte que cette mobilisation soit citoyenne. Grâce aux happenings du « Air Food Project », une opération consistant à imiter l’acte de manger, nous avons rassemblé beaucoup de gens impliqués dans cette causeUne journée de manifestation a d’ailleurs été organisée lundi 4 février dans les grandes villes de France.  À travers des actions symboliques et citoyennes, nous voulons à la fois montrer que tout le monde peut agir et se mobiliser mais également diffuser notre message : si le plan d’aide disparaît, dans quelques mois, 18 millions dEuropéens ne feront plus semblant. 

Propos recueillis par Louise Michel D. 

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