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Ph.Crevel: «50% des Français épargnent pour préparer leur retraite»

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Depuis 2005, le Cercle des Epargnants réalise au moins une fois par an une étude sur le comportement et les attitudes des Français face à l’épargne et à la retraite. L’enquête 2013 aborde deux thèmes d’actualité, les solutions pour assurer la pérennité du système des retraites et les modifications du régime fiscal de l’épargne.

Philippe Crevel, secrétaire général du Cercle des Epargnants, explique en quoi la crise et les débats sur les déficits pèsent sur le comportement des Français, tant vis-à-vis du sujet de la retraite, que de celui de l’épargne.

JOL Press : Deux tiers des Français sont inquiets, en particuliers les jeunes, vis-à-vis de leur retraite. Constate-t-on une perte de confiance dans le système des retraites ?
 

Philippe Crevel : La succession de réformes, les dernières prévisions inquiétantes du Conseil d’orientation des retraites et évidemment le contexte économique et financier n’incitent pas les Français à être optimistes vis-à-vis de leur système de retraite. Il s’agit non pas d’une défiance mais d’une prise de conscience de la gravité de la situation. Ce sont les jeunes actifs qui sont les plus inquiets, or en début de carrière professionnelle, la retraite ne devrait pas être une source d’angoisse.

Si 77 % expriment de l’inquiétude, c’est qu’ils craignent que les générations précédentes soient incapables de réformer le système de retraite et qu’ils leur laissent un système en friche. Dans les faits, ce sont les actifs qui ont aujourd’hui entre 30 et 40 et qui prendront leur retraite dans les années 2040 qui pourraient être les plus impactés par la crise des retraites. Après 2050, avec la disparition des générations nombreuses du baby-boom, le coût des retraites pourrait, en effet, s’alléger.

JOL Press : 60% des Français se disent favorables à un départ plus tardif à la retraite, ils étaient 30% en 2011. Qu’est ce qui a changé depuis ?
 

Philippe Crevel : Les Français sont profondément attachés à leur système de retraite. Ils ne veulent en aucun cas entendre parler de baisse des pensions. Même si à titre personnel, le report de l’âge légal de départ à la retraite n’est pas souhaité, ils jugent que cette mesure est nécessaire pour assurer la pérennité du système des retraites. Les Français constatent que chez tous nos partenaires, l’âge légal a été reculé. Le lien entre augmentation de l’espérance de vie et âge de départ à la retraite se matérialise progressivement.

En outre avec le passage de la durée de cotisation à 41,5 années et demain peut-être 43 années couplé à une entrée de plus en plus tardive sur le marché du travail, la retraite à 60 et même à 62 ans devient une illusion pour une part croissante de la population. Avec le retour très partiel de la retraite à 60 ans pour les actifs ayant commencé à travailler avant 19 ans, décidé par François Hollande l’été dernier, les Français ont, par ailleurs, compris que la retraite à 60 ans pour tous n’existait plus.

JOL Press : 58% des Français se disent favorables à l’instauration d’une retraite à point. Qu’est-ce que cela changerait pour eux ?
 

Philippe Crevel : La création d’un régime unique par points serait une source de simplification à condition que cette réforme soit menée à son terme. Chaque Français serait alors doté d’un compte retraite sur lequel seraient versés tous ces points calculés par rapport aux cotisations versées. Il n’y aurait plus de régimes de base, de régimes complémentaires, de régimes spéciaux. Les retraites seraient calculées, de ce fait, en prenant en compte l’ensemble de la carrière en lieu et place des 25 meilleures années pour les salariés du privé ou les six derniers mois pour les fonctionnaires. Avec un tel régime il y aurait par rapport au système actuel, des gagnants et des perdants. Les femmes pourraient, en règle générale, y gagner. Avec un tel régime, les ajustements sont plus faciles à réaliser à travers le changement de rendement des points.

JOL Press : Les Français sont-ils prêts à épargner pour leur retraite ?
 

Philippe Crevel : La moitié des Français déclarent épargner pour préparer leur retraite. Certes, avec la crise, ce nombre diminue ces dernières années. Il est passé de 57 à 52 % de 2012 à 2013. La retraite constitue toujours un des principaux motifs d’épargne en France en phase avec l’inquiétude éprouvée face à sujet. Avec la crise, les personnes à revenus modestes ont dû réduire leur effort en la matière quand les titulaires de revenus moyens et supérieurs essaient de maintenir leur épargne voire l’accroître. Il faut noter que ce sont les cadres qui connaîtront la baisse la plus forte de leur taux de remplacement (montant de leur pension par rapport leur dernier salaire). Si, en France, il n’existe pas de fonds de pension et que la retraite par capitalisation est marginale, les Français sont des fourmis avec un taux d’épargne qui figure parmi les plus élevés en Europe.

JOL Press : Les produits d’épargne retraite disponibles sur le marché sont-ils, selon vous, satisfaisants ? Quels sont les avantages de ces produits par rapport au livret A, par exemple ?
 

Philippe Crevel : Les Français plébiscitent l’assurance-vie pour préparer leur retraite. Ce produit d’épargne, véritable couteau suisse de l’épargne française, offre beaucoup de souplesse et un régime fiscal incitatif avec un prélèvement fiscal limité à 7,5 % après huit ans de détention. En combinant fonds euros doté d’une garantie en capital et les unités de compte permettant d’accéder aux marchés financiers, il est un instrument d’épargne à long terme prisé d’autant plus que l’épargnant peut sortir en rente ou en capital. Certes, ce n’est pas un réel produit retraite car il n’est pas lié à la cessation d’activité.

Logiquement, un produit d’épargne retraite se caractérise également par sa sortie en rente. Il faut pouvoir compléter ses revenus durant toute sa retraite. C’est la logique de produits comme les PERP (plan d’épargne retraite populaire), ouverts à tous ou les Contrats Madelin pour les Indépendants. Ces deux derniers produits ouvrent droit à une déduction des cotisations du revenu imposable. Ils sont donc intéressants pour les contribuables à l’impôt sur le revenu.

En revanche, le Livret A n’est en rien un produit permettant de préparer la retraite, c’est un outil d’épargne de précaution, de court terme et dont le plafond même relevé à 22 950 euros ne permet pas de faire face aux besoins durant la retraite. Il faut savoir que l’espérance des Français à la retraite dépasse, en moyenne, 25 ans. Les produits d’épargne retraite collective sont aujourd’hui des produits en tout ou partie financés par les employeurs. Ils sont certes accessibles essentiellement aux salariés des grandes entreprises mais ils offrent plusieurs formules pour améliorer sa retraite au moment de la cessation d’activité.

JOL Press : Quel est, selon vous, le meilleur placement pour la retraite ?
 

Philippe Crevel : Il n’y a pas de placement type. Il faut panacher et prendre l’âge à partir duquel on peut épargner. Posséder sa résidence principale constitue une sécurité même si face à l’augmentation des prix les Français hésitent à investir dans la pierre. En commençant à épargner vers 35/40 ans, il faut accepter de prendre un peu de risques et intégrer un peu d’actions dans son épargne dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie ou d’un PEA (le plan d’épargne en actions permet d’acquérir des actions tout en bénéficiant, sous certaines conditions, d’une exonération d’impôt sur les dividendes et les plus-values). Au fil des années, il est important de sécuriser son épargne en réduisant son exposition aux actions.

Cette sécurisation peut être réalisée par des professionnels ou directement par l’épargnant. En cas d’imposition à l’impôt sur le revenu, le PERP n’est pas à négliger. Il faut également regarder si son entreprise dispose de produits d’épargne retraite collective comme le PERCO (plan d’épargne pour la retraite collectif) ou un régime à cotisations définies (article 83). Ces produits peuvent se révéler intéressants.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques, des questions relatives à l’épargne et à la retraite. Il a publié, en février 2009, un guide sur la retraite chez Solar.

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