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Pim Verschuuren: «Il y a des scandales dans tous les sports»

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JOL Press : Est-il possible aujourd’hui d’avoir une idée chiffrée précise de la corruption dans le sport ?

Pim Verschuuren : Il n’existe actuellement aucun indicateur précis, comme c’est généralement le cas pour les pratiques illégales.

Une société spécialisée dans l’étude des paris sportifs a tenté d’établir de tels chiffres, notamment en essayant de deviner quels matchs sont truqués via l’observation de l’évolution des côtes. Un chiffre est ressorti : 300 matchs de football seraient truqués chaque année, mais c’est une estimation à prendre avec des pincettes. D’autant plus qu’il y a différents types de fraudes, des petites malversations locales aux grands trucages internationaux.

JOL Press : Quels domaines sportifs sont les plus touchés par la corruption ?

Pim Verschuuren : En réalité, il y a des scandales dans tous les sports majeurs. Cependant, 60 % des paris sportifs dans le monde sont réalisés sur des compétitions de football : en conséquence, il y a davantage de trucages sur ces matchs. Mais il y a aussi eu des scandales à propos des combats de sumo au Japon, du badminton en Corée, du mondial de basketball en Lituanie…

JOL Press : L’Europe est-elle davantage touchée par la corruption que le reste du monde ?

Pim Verschuuren : Les Asiatiques parient énormément sur les compétitions européennes, et notamment sur les matchs de foot. C’est un marché plus liquide, et qui suscite des mises d’autant plus grosses. Quand une mise est de 100 000 €, il n’est pas rare d’envisager des pots de vin à hauteur de 50 000 €.

JOL Press : Des grandes compétitions perçues comme plus « intègres » comme les Jeux Olympiques sont-elles également touchées par la corruption ?

Pim Verschuuren : Il y a encore peu de paris sur les épreuves des Jeux Olympiques, et aucun cas avéré de corruption. Par contre, il y a encore de petits trucages « à l’ancienne », par exemple sur les matchs de boxe, pour faire gagner ou perdre tel ou tel pays.

Ce qui sert de sauvegarde aux JO, c’est aussi le fait que les athlètes y participent avec l’idée qu’il s’agit de la compétition de leur vie. En ce sens, ils sont plus passionnés que les professionnels, et peut-être moins soumis à la tentation.

JOL Press : La France est-elle bien protégée face à la corruption ?

Pim Verschuuren : On vante souvent la législation française sur les paris sportifs, notamment à travers l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL). Cependant, les opérateurs internationaux offrent de plus en plus la possibilité de parier sur des compétitions françaises, donc à terme, la France n’est pas immunisée.

JOL Press : Quelles solutions pourrait-on mettre en place pour lutter efficacement contre la corruption dans le milieu sportif ?

Pim Verschuuren : Il s’agirait avant tout de sensibiliser les jeunes athlètes, qui sont les premiers à rencontrer des difficultés financières. Il faudrait ensuite informer le monde sportif, notamment lorsque des matchs sont susceptibles de connaître des dérives liées aux paris sportifs. Enfin, il serait souhaitable d’étendre la régulation à l’étranger : c’est ce qu’entend réaliser le Conseil de l’Europe à travers une convention en préparation.

JOL Press : Le milieu sportif a-t-il vraiment intérêt à lutter contre la corruption ?

Pim Verschuuren : Bien sûr, c’est dans son intérêt de sauvegarder le sport au-delà de toute considération financière. Plus le sport se prête à la corruption, plus son image est entachée, plus il perd ses sponsors et moins les spectateurs s’y intéressent. On l’a vu en cyclisme, avec le dopage : de moins en moins de personnes regardent le Tour de France. C’est au sport d’appeler les autorités à l’aide pour mieux réguler son milieu.

Propos recueillis par Antonin Marot pour JOL Press

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