Site icon La Revue Internationale

Positionnement par rapport au FN: enjeu majeur pour l’UMP

drapeau-livre.jpgdrapeau-livre.jpg

[image:1,l]

Novembre 2012 : l’UMP a un nouveau président. Mais le sera-t-il à la façon dont François Fillon fut le Premier ministre de Nicolas Sarkozy… C’est que l’UMP n’a pas tourné la page. Les acteurs du combat tranché par les militants – Fillon, Copé et les autres – ont tous pris leurs distances avec l’ancien président, tout en proclamant leur fidélité au père. Cette situation étrange est contraire à toutes les traditions de la droite : Pompidou s’est émancipé de De Gaulle, Chirac a fait battre Giscard en 1981, Balladur a tenté l’assassinat politique de Chirac en 1995, Sarkozy a cru liquider le « roi fainéant » Chirac

La droite serait-elle devenue « normale » ? Son chef occulte ne serait-il pas Sarkozy lui-même, et le président de l’UMP un simple « collaborateur » ? La primaire sanglante pour 2017 est-elle déjà commencée ? Et si d’aventure Nicolas Sarkozy décidait de revenir ? L’UMP est-elle viable ? L’UDF est-elle en train de renaître ? Que faire du Front national ? Cette enquête d’actualité, nourrie de témoignages inédits, retrace l’élection du nouveau président de l’UMP. Un récit historique, qui démontre qu’en réalité la guerre des deux droites n’a jamais vraiment cessé, depuis le « oui mais » de Giscard à de Gaulle, en 1969.

Extraits de La guerre des deux droites d’Hubert Huertas (Archipel)

Ces tensions entre une droite version Copé, qui ne ferait pas la fine bouche avec les thèses de l’extrême droite, au nom du réalisme et du réel, et une droite version Fillon, plus retenue, moins tapageuse, qui soutiendrait avec Henri Guaino (pourtant inscrit chez Copé !) que « la politique ne commence pas par l’indignation, mais après l’indignation », suffi sent-elles à résumer la nouvelle géographie de la droite ?

C’est hélas beaucoup moins simple, et la composition des équipes des deux finalistes en témoigne. L’inventaire de Nicolas Sarkozy, c’est-à-dire la vertigineuse diversité contenue dans sa personne unique et dans ses actions multiples, ne se contente pas de deux tiroirs. A-t-elle d’ailleurs des tiroirs, des armoires ou des placards, cette armée de centristes, de libéraux, de conservateurs ou de réactionnaires qui s’est unie sous la bannière de l’un pour affronter d’autres centristes, d’autres libéraux, d’autres conservateurs, d’autres réactionnaires, sous la bannière de l’autre ?

La question du Front national était un marqueur important, mais elle n’expliquait pas à elle seule que des « humanistes » conduits par Luc Chatel et Jean-Pierre Raffarin aient rejoint Michèle Tabarot, fille d’un chef de l’OAS, et qui exècre Charles de Gaulle, pour soutenir Jean-François Copé, devenu gaullo-sarkozyste pour les besoins de la course, pendant qu’Éric Ciotti, très à droite sur l’échiquier, ou Claude Guéant, qui n’a pas peur des pains au chocolat, ont rejoint François Fillon, ou que la famille gaulliste, représentée par Michèle Alliot-Marie, Roger Karoutchi et Henri Guaino, se soit coupée en trois, l’une chez Fillon, l’autre auprès de Copé, et le troisième longtemps contre les deux, au nom de Sarkozy, pour finir chez le second.

Comment comprendre, enfin, que les cousins germains, et parfois les anciens frères d’armes de Jean-Marie Le Pen, incarnés par Patrick Buisson, et représentés au congrès par les figures de Thierry Mariani, Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, se soient subdivisés en deux motions concurrentes, la Droite populaire et la Droite forte ?

La réponse est évidente : cet embrouillamini, cette surenchère même sur la question fondamentale et stratégique des relations avec le Front national n’était pas la seule pomme de discorde. Sur le mariage homosexuel, et plus encore sur l’adoption, les frontières passaient aussi à travers les camps Fillon et Copé, les sous-chapelles, les sous-appartements – rien de commun entre un Riester et une Boutin, tous deux soutiens du maire de Meaux. De même sur les emplois d’avenir : Raffarin a voté pour, et Copé les a trouvés « déments ».

Idem avec la crise économique. L’UMP a rendu un hommage unanime à la gestion Sarkozy, mais pour son énergie plutôt que pour ses choix, contestés par certains courants. Hervé Novelli, tendance libérale, enrageait à voix haute, considérant que la droite s’était fourvoyée en adoptant un discours et des mesures de gauche.

Pour les libéraux, loin d’avoir excellé, le président de l’époque s’était trompé de diagnostic et de remède : « La crise a apporté la confusion chez nous. On a toujours dit que les impôts devaient être allégés, et d’un coup on les a augmentés. Pareil avec la relance keynésienne, qui ne correspond pas à notre programme. On a fait un ministère de la Relance en 2008, c’était anachronique. On a scellé notre allégeance à l’Allemagne. On a succombé aux vieilles lunes. On n’a pas été assez libéraux. Il faut donc une reconstruction intellectuelle et morale[1]. »

Libéralisme ou contrôle des frontières, souverainisme ou fédéralisme, décentralisation ou recentralisation, « lutte contre le chômage avec des préfets, ou confiance accordée au marché », le « pragmatisme » de Sarkozy a godillé de gauche à droite en passant par le centre et l’extrême droite, sans offrir de synthèse, mais en mariant toutes ces contradictions derrière une seule et même personne : lui-même, pourfendeur du halal et créateur du Conseil français du culte musulman qui en est le promoteur.

Il suffisait qu’il apparaisse pour que les contradictions s’apaisent et que le silence revienne dans les rangs, ou se réduise à un seul cri : « Sarkozy ! Sarkozy ! » Mais Sarkozy n’était plus là, et la perspective de son retour ne faisait qu’entretenir les divisions, toujours plus radicales. L’auberge espagnole ayant fermé le 6 mai 2012, chacun avait repris son plat fétiche pour le balancer sur la tête de son voisin dans une mêlée ouverte.

[1] Entretien avec Frédéric Says, 6 septembre 2012.

————————-

La guerre des deux droites d’Hubert Huertas, Archipel (16 janvier 2013)

Hubert Huertas, ancien grand reporter pour France Inter et France Info, dirige le service politique de France Culture. Il est l’auteur d’un essai sur le Front national (FN made in France, éditions Autres Temps).

Quitter la version mobile