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Peu soutenus par leurs hiérarchies, mal vus par la population, pas assez équipés pour leurs missions, les policiers n’ont pas le moral. C’est ce que révèle une « Étude sur le management et le stress au travail », menée par une unité de recherche du CNRS de Toulouse avec l’appui du syndicat Alliance Police nationale.
Malaise dans la police
Ce jeudi 8 février, Jean-Claude Delage, secrétaire général d’Alliance, le deuxième syndicat des gardiens de la paix, Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint, et Denis Jacob, secrétaire administratif général, ont présenté les principaux enseignements de cette enquête, devant la presse. Cette étude inédite est fondée sur un large échantillon de 6000 gardiens de la paix et gradés témoignant de manière anonyme en région parisienne et en province.
« Nous dénonçons tous ces faits depuis longtemps sans être toujours entendus », a précisé Jean-Claude Delage. « Nous disposons aujourd’hui de cette étude objective et scientifique pour faire valoir nos revendications ». Et d’ajouter : « Cette étude montre qu’il y a un vrai « blues » des policiers. Elle montre qu’il y a des dysfonctionnements de management qui créent du stress, que les policiers ont le sentiment d’être abandonnés par leur hiérarchie ».
Quelles en sont les causes ?
Les principaux points d’achoppement résident, en effet, dans les rapports avec la hiérarchie, le manque de soutien et de reconnaissance de l’institution, un fort sentiment d’injustice quant à l’attribution des récompenses, ou encore une opinion négative envers la justice, les médias et dans la population. 85% des policiers estiment que les juges discréditent leur travail. 87% que la presse les dévalorisent aussi. Et 59% estiment « avoir une mauvaise image auprès des gens ».
« Il ne s’agit pas de faire de la lutte des classes, il ne s’agit pas de faire disparaître l’autorité, la hiérarchie. Alliance dit simplement qu’il y a des difficultés sur le terrain. Il n’y a pas assez de prise en compte de ce que les collègues ressentent, il n’y a pas assez de débriefings sur les opérations, pas assez d’écoute. Il faut recréer ce lien social qui est absent », a estimé Jean-Claude Delage au micro d’Europe 1.
Risques psychosociaux pour les policiers
Pars ailleurs, l’étude met en lumière des conditions de travail jugées difficiles, un épuisement professionnel latent et un intérêt pour le travail en berne. « La police est devenue une machine qui ne met plus l’humain au centre », estime pour sa part Frédéric Lagache. Le syndicat souhaite par conséquent créer plus de cohésion entre les différents services de police, entre la direction et les hommes de terrain.
« Quand on parle d’une académie de police où tous les corps de police vont pendant 18 mois faire leur scolarité ensemble, c’est pour recréer ce lien social entre les corps », a expliqué Jean-Claude Delage sur Europe 1. « Quand un chef de service va voir qu’un collègue gardien de la paix ne va pas bien et qu’il va le signaler on évitera très certainement des difficultés et parfois des suicides », a-t-il ajouté. En 2010, un rapport de l’Inserm évaluait entre 45 et 50 le nombre de suicides par an dans la police française, soit un taux 36% supérieur à celui du reste de la population. En 2011, 43 policiers se sont donné la mort.
Vers une refonte du système
Le 12 octobre dernier, le syndicat communiquait au ministère de l’Intérieur, à travers un « livre blanc » de 110 propositions, des pistes de réflexions pour éradiquer ce malaise. Il s’agit pour Alliance d’évoluer vers un management plus participatif, de reprendre en main la formation des policiers avec la création d’une Académie de Police proposant un tronc commun pour les gardiens, les officiers et les commissaires et enfin permettre une évaluation de la hiérarchie comme cela se pratique dans de nombreux secteurs.
Reste malgré tout quelques raisons d’espérer : 76 % des policiers ayant participé à l’étude se disent fiers d’appartenir à la police.