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Précarité et chômage, la bombe sociale à retardement

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« C’est une tragédie humaine dans laquelle nous nous sentons tous responsables, moi le premier », a déclaré le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, après le suicide mercredi 13 février d’un chômeur en fin de droits, devant une agence de Pôle emploi à Nantes.

« Nous comprenons que derrière ces chiffres du chômage, il y a des familles, des êtres humains et des actes de détresse intérieure qui s’expriment avec des passages à l’acte (…) je crois que Pôle emploi est aujourd’hui sous le choc et je le comprends », a ajouté avec émotion le ministre sur Europe 1. « La leçon, c’est que nous devons travailler à faire en sorte que ceux qui perdent leur travail soient dirigés vers les secteurs qui sont en croissance, car il y en a ». Mais cette déclaration ne sera certainement pas à même de rassurer les milliers de chômeurs en fin de droits très inquiets pour leur avenir.

Le nombre de chômeurs en fin de droits explose

Le seuil fatidique des 3 millions de chômeurs a bien été franchi mais derrière ce chiffre se cache une réalité encore plus difficile et cruelle : le nombre de bénéficiaires de l’allocation spécifique de solidarité (ASS), versée aux chômeurs en fin de droits qui ont pu justifier de cinq ans d’activité au cours des dix dernières années, a bondi de près de 15 % en un an. Quant aux chômeurs bénéficiant du revenu de solidarité active (RSA), leur nombre a augmenté de 11 %. En tout, plus d’un million de chômeurs doivent se contenter des minima sociaux.

« Début 2011, il y a eu un petit rebond de l’emploi qui a pu permettre à des chômeurs de réacquérir des droits. Mais la nouvelle hausse du chômage entamée depuis 2012 a fait basculer plus de chômeurs dans les minima sociaux », expliquait Patricia Ferrand, la vice-présidente CFDT de l’Unedic, au Monde en septembre 2012.

Plus de chômeurs longue durée

Et cette situation ne va pas aller en s’améliorant car le nombre de chômeurs longue durée ne fait qu’augmenter. En décembre 2012, le nombre de chômeurs depuis plus d’un an a atteint 1 816 300, le double de juin 2009. Sur un an, il a augmenté de quelque 200 000, soit une hausse de 18 %. Quant aux chômeurs inscrits depuis plus de trois ans à Pôle emploi, le chiffre a franchi la barre des 500 000 en décembre. Un record.

Selon les Echos, « en octobre 2012, 813 500 personnes inscrites à Pôle emploi n’avaient pas du tout travaillé dans les 12 derniers mois contre 675 630 deux ans avant, et 606 200 personnes inscrites à Pôle emploi n’avaient pas du tout travaillé pendant plus de 21 mois au cours des 24 derniers mois. » Et c’est un cercle vicieux puisque, au-delà du 5e ou 6e trimestre de chômage, les chances de trouver un emploi s’amenuisent.

Une partie des chômeurs ne sont pas indemnisés

« 1 chômeur sur 2 est non indemnisé, 140 000 demandeurs d’emplois en Pays de la Loire, suppression de dizaines de milliers d’emplois par les plans sociaux : ces éléments connus de tous sont presque banalisés. Mais ils sont tout simplement inhumains et inacceptables ! » a lancé Aymeric Seassau, le secrétaire départemental du PCF de Loire Atlantique, en réaction à l’immolation du chômeur nantais.

En septembre 2012, l’Unedic estimait à 628 000, le nombre de chômeurs ne bénéficiant ni d’une indemnisation ni des minima sociaux. Soit parce qu’ils avaient moins de 25 ans, soit parce que leur foyer dépassait les plafonds de revenu. Un chiffre préoccupant surtout quand on sait que la France compte 27% de jeunes chômeurs.

Les propositions de la Cour des comptes

Dans le rapport sur les politiques de l’emploi qu’elle a rendu public fin janvier, la Cour des Comptes a affirmé que le déficit de l’assurance-chômage devrait atteindre, fin 2013, les cinq milliards d’euros, portant son endettement à quelques 18 milliards. Un nouveau record. Pour la Cour, il est regrettable qu’aucune « réflexion n’ait pas été véritablement menée sur l’adaptation du dispositif à une augmentation du chômage dans la durée ».

La Cour des comptes constate par ailleurs qu’en France les règles d’indemnisation sont particulièrement généreuses en comparaison avec les autres Etats européens : « La France figure parmi les pays d’Europe offrant l’un des accès les plus ouverts à l’indemnisation du chômage », précise ainsi le rapport. La Cour propose donc d’abaisser les indemnités pour les salaires les plus élevés, augmenter les cotisations pour les contrats précaires et mieux coordonner les dispositifs d’aide. Des préconisations que le gouvernement ferait bien de prendre en compte s’il veut être entendu…

 

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