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Ségolène Royal à la BPI: merci François?

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On imagine les nominations un casse-tête pour tout président de la république : comment récompenser, satisfaire, apprivoiser neutraliser tout le monde, enfin tous ceux qui ont compté dans la course à l’Élysée ou de longues années de carrière politique et tous ceux qui, à défaut d’être partenaires, deviendraient adversaires ? A tous ces dilemmes, s’en ajoute un supplémentaire pour le « président normal ». François Hollande se devait un cas à part, le cas de Ségolène Royal. C’est peut-être chose faite. Le point de vue de Franck Guillory. 

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Par un décret du 18 février, Ségolène Royal a été nommé membre du conseil d’administration de la Banque publique d’investissement, outil d’intervention de l’Etat dans le financement des entreprises pour la relance de l’économie.

Mercredi 20 février, sur France Inter, Jean-Pierre Jouyet, directeur général de la Caisse des dépôts et, à ce titre, président de la BPI, a annoncé qu’il proposerait, ce jeudi, lors du conseil d’administration qui doit se tenir à Dijon, que la présidente de la région Poitou-Charentes devienne vice-présidente et porte-parole de l’institution. « Compte tenu de ses capacités en termes de communication, elle pourra jouer un rôle important en tant que porte-parole de la BPI », a estimé l’ancien ministre des Affaires européennes.

Est-ce la fin du feuilleton Ségolène Royal ?

François Hollande a-t-il enfin réglé le cas de l’ex-ministre, ex-candidate du Parti socialiste à l’élection présidentielle de 2007, son ex- tout court et la mère de ses quatre enfants ? Après avoir perdu un siège de député, le « Perchoir » de l’Assemblée nationale et l’hôtel de Lassay sur un coup de « tweet-falgar » de sa rivale, la Première dame, Valérie Trierweiler, après avoir refusé de garder les sceaux au ministère de la Justice place Vendôme, la vice-présidence de la BPI peut, à première vue, sembler bien maigre, à peine une sinécure, un hochet, un privilège…

Comme il a montré savoir si bien le faire au cours de ses neuf mois à l’Élysée, François Hollande a-t-il, une fois encore, acheté la paix dans l’espoir de profiter d’un peu de tranquillité ?

C’est une manière un peu triviale d’évoquer une nomination politique à un poste qui pourrait se révéler déterminant dans la relance tant attendue de l’économie française, certes. C’est une manière un tantinet désobligeante d’évoquer un personnage politique de premier plan et, surtout, une fonction – la vice-présidence et le porte-parolat de la BPI – qui pourrait se révéler déterminante dans la recherche de la croissance. Certes.

Vice-présidente ès-qualité ?

Les termes des déclarations ne sont pas très clairs mais il semblerait bien que Ségolène Royal rejoigne la BPI non seulement en sa qualité de présidente de la région Poitou-Charentes, mais aussi pour y représenter l’Association des régions de France (ARF).

Dans tous les cas, elle est pleinement dans son domaine de compétence et son action à la tête d’un exécutif régional – que l’on se réjouisse ou non des priorités qu’elle y a fixées, de son mode de gouvernance ou des résultats obtenus – lui confère sur les questions de développement économique, de soutien aux entreprises, d’innovation une certaine légitimité.

En ce qui concerne son rôle de porte-parole, on peut imaginer que sa notoriété, sa popularité aussi ne peuvent que servir la cause d’une institution dont la création fait l’objet d’un consensus, ou presque.

Ceci dit – incise -, Jean-Pierre Jouyet à parler d’un conseil d’administration paritaire. Dans ces conditions, on peut sans doute regretter que la seconde vice-présidence revienne au président de la région Ile-de-France, un autre socialiste, Jean-Paul Huchon. Si François Hollande n’est pas adepte de l’ « ouverture », une institution censée devenir un partenaire essentiel des collectivités territoriales et des entreprises aurait sans doute gagné quitte à avoir un exécutif politique que celui-ci soit davantage représentatif de la diversité partisane. Mais revenons à Ségolène…

Ségolène Royal, le retour ?

Sans attendre, Ségolène Royal a commenté, mercredi 20 février, sa prochaine nomination. Elle a choisi Twitter et un message d’une très grande modestie :

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Modestie, contrition… Des registres sur lesquels au cours des derniers mois et des dernières années, Ségolène Royal a excellé – avec ou sans larmes dans les yeux. En public et devant les caméras de télévision, en particulier.

Mais, peut-être, souhaitait-elle également désamorcé les commentaires désobligeants, forcément désobligeants : sa nomination serait soit un moyen pour François Hollande d’acheter la paix – on entend déjà les lazzis et quolibets relevant de la vie privée des différents intéressés -, soit – et ce n’est pas incompatible -, soit une humiliation de plus pour celle tombée de bien haut depuis que se sont évanouis ses rêves élyséens…

En réalité, cette nomination permet aussi à Ségolène de s’affirmer sur un terrain – l’économie, le développement économique – sur lequel les Français ne lui reconnaissent pas une expertise particulière : Ségolène, c’est plutôt la famille, les enfants, l’ « ordre juste ». Elle élargit ainsi sa palette comme elle l’avait fait, après 2007, sur les questions internationales, en accédant à la vice-présidence de l’Internationale socialiste et en acquérant ainsi une solide notoriété dans de nombreux pays étrangers. Voilà qui pourrait être utile si, un jour, plus en avant dans le quinquennat, le ministère de l’Economie et des finances ou celui des Affaires étrangères venaient à se libérer et que François Hollande songe à elle…

La stratégie, les recours

François Hollande a sans doute plein de défauts mais il a su démontrer depuis le 6 mai – et sans doute aussi durant la campagne présidentielle – un certain talent pour le casting. A regarder de près les nominations, tant à la tête des ministères que dans les fonctions prestigieuses de l’Etat, on constate qu’il ne s’est contenté de choisir des amis, des « camarades », il a choisi des amis proches et des « camarades » utiles.

En ce début de mandat, il a placé chacun là où il ou elle le servir au mieux, le servir lui, ses intérêts. Mais, mieux encore, à bien y regarder, il donne l’impression – plus encore que ses prédécesseurs – d’avoir en tête le casting suivant, un ou plusieurs scénarios, lorsque sera venu le temps de donner un second souffle au quinquennat.

Et c’est peut-être là le cœur du deal, si deal il y a, entre Ségolène Royal et François Hollande. L’un comme l’autre a appris, de première main, ce que signifie « Laisser du temps au temps ».

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