Site icon La Revue Internationale

Vent de Watergate contre Barack Obama au Congrès américain

drone-people-v2.jpgdrone-people-v2.jpg

[image:1,l]

Obama s’est contenté d’une courte apparition pour lire une déclaration, avant de s’esquiver un long moment avec son porte-parole Jay Carney, qui est revenu pour répondre aux questions des journalistes. Carnay, visiblement pas content d’être laissé avec le pétard en main, a déclaré qu’il pensait échapper à l’exercice (sous-entendant qu’il croyait qu’Obama aurait le courage de répondre lui-même aux questions), mais qu’il allait finalement faire face à la musique.

Ces événement font suite à une lettre envoyée au Président par un groupe de 11 sénateurs plus tôt dans la journée de lundi, parmi lesquels se trouvaient 8 démocrates, exigeant de la Maison Blanche qu’elle rende public le mémo confidentiel du département de la Justice justifiant les assassinats ciblés.

Le Président s’arroge le droit de tuer toute personne désignée par lui comme associée à des activités terroristes

Ce livre blanc, intitulé « De la légalité des opérations létales dirigées contre un citoyen américain exerçant de hautes responsabilités auprès d’al-Qaïda ou une autre force associée », est explosif par le seul fait qu’il confirme que le Président s’arroge le droit de tuer toute personne désignée par lui comme associée à des activités terroristes. Le mémo indique que le Président peut agir de cette manière, à condition que soient respectés les trois éléments suivants :

En voici un échantillon : comment le gouvernement peut-il déterminer si un citoyen américain représente une menace imminente aux intérêts américains sans qu’il n’existe aucune preuve montrant que l’individu ciblé est en train de planifier une attaque immédiate ? Mais comment le gouvernement peut-il décider qu’il y ait une menace imminente s’il n’y a aucune preuve qu’une attaque doit arriver dans l’avenir immédiat ? Le peuple américain devrait-il être confiant à l’égard de la définition de l’administration du terme imminent, si cela signifie également qu’il n’y a aucune preuve précise pour la soutenir ?

Sur la question des drones, existe-t-il un document de référence qui définisse de manière plus précise ce qu’est une menace imminente ? Ou un tel document est-il en préparation ? Le Maison Blanche ne croit-elle pas que ceci est de toute manière plutôt vague ? Le Président a mis fin aux « techniques d’interrogation » de l’administration Bush, mais comment le fait de lancer une bombe sur la tête d’un citoyen américain sans aucune procédure judiciaire ou procès ne peut-il pas soulever la question des droits de l’homme autant que le « waterboarding » ?

Que répondez-vous à l’ACLU, qui décrit ce document comme « profondément dérangeant » ? Que dire à propos du drone qui a tué le fils de 16 ans d’Awlaki ? Est-il considéré comme un haut responsable d’al-Qaïda, comme il est stipulé dans le livre blanc ? Nous ne questionnons pas les bonnes intentions du Président, mais n’êtes-vous pas en train d’établir un précédent à l’égard des administrations à venir ? Le Président a beaucoup parlé de transparence, et pourtant un document confidentiel vient de surgir et des sénateurs demandent plus d’information. Est-ce de la transparence ?

Les Britanniques à l’origine du mémo sur les assassinats ciblés

Le Daily Telegraph du 5 février rapporte que le principal argument du document de 16 pages écrit par le département de la Justice américain pour justifier les assassinats ciblés par drone, tire son origine d’un discours prononcé en 2004 devant le Parlement britannique par le procureur-général [ministre de la Justice anglais] de Tony Blair, Lord Goldsmith. Goldsmith avait déclaré : « Il doit être juste pour les Etats de se défendre dans des circonstances où il y a des indices de nouvelles attaques imminentes par des groupes terroristes, même s’il n’y a pas de preuves précises concernant l’endroit où l’attaque aura lieu ni même sa nature précise. »

L’auteur du Telegraph, Jon Swaine, affirme que les remarques de Goldsmith ont été utilisées par le département de la Justice d’Obama dans le livre blanc éventé le 4 février par la chaîne NBC qui prétend définir la doctrine juridique permettant de justifier la politique des assassinats ciblés par drone y compris de citoyens américains.

Pour comparaison, voici donc le passage en question : la première condition pour que le Président puisse ordonner un assassinat ciblé est qu’« un responsable informé, de haut niveau du gouvernement des Etats-Unis, [ait] déterminé que l’individu ciblé pose une menace imminente d’attaque violente contre les Etats-Unis. (…) Cette condition n’exige pas que les Etats-Unis disposent de preuves claires montrant qu’une attaque particulière contre des ressortissants ou intérêts américains doit avoir lieu dans un futur immédiat ».

A Benghazi, un fiasco monumental de la sécurité nationale des Etats-Unis

C’est dans ce contexte de défiance grandissante envers le président Barack Obama, que le Sénateur Lindsay Graham, républicain de Caroline du Sud, annonça au cours d’un entretien à CBS Face the Nation, qu’il entendait bloquer les nominations de John Brennan à la tête de la CIA et de Chuck Hagel au Pentagone, si l’administration n’acceptait pas de répondre à toutes les questions du Congrès sur les conditions qui ont conduit à l’assassinat de l’Ambassadeur Stevens et des 3 autres de ses collaborateurs à Benghazi, le 11 septembre 2012, par une attaque des djihadistes.

Alors qu’il est aujourd’hui notoire que l’administration Obama a engagé Al-Qaïda et ses proches pour mener la guerre contre Kadhafi en Libye, et celle contre la Syrie, des élus des deux partis sont de plus en plus nombreux à vouloir établir ce qu’est cette alliance contre-nature, et à vouloir savoir comment cette stratégie a conduit à négliger la sécurité du plus haut représentant des Etats Unis en Libye. D’autant que John Brennan, le très proche collaborateur d’Obama, en charge de la politique des assassinats ciblés par drone, est soupçonné d’être au cœur des événements tragiques de Benghazi.

« Je veux savoir ce que le Président a fait », dans cette affaire, a dit Graham. « Nous avons repoussé [George] Bush. Nous avons demandé à [à l’ancien ministre de Bush,] Rumsfeld de démissionner lorsque l’Irak a explosé. Il s’agit d’un fiasco monumental de notre sécurité nationale et je ne m’arrêterai pas jusqu’à avoir été au fond des choses. ».

Graham a voulu savoir tout particulièrement quelle action Obama a entreprise pour faire en sorte que l’équipe de sauvetage envoyée depuis Tripoli à Benghazi pour libérer Stevens et les autres, détenus par les djihadistes au Consulat, puisse faire son travail. Arrivés à Benghazi à 13H30 (heure de Libye), ils ont été empêchés de rejoindre l’annexe de la CIA où se trouvaient les otages avant 17h00.

« Ils ont été retenus pendant trois heures et demi à l’aéroport ; ils avaient des problèmes avec des milices qui ne voulaient pas les laisser passer et avec tout un fatras bureaucratique. (…) le Président a-t-il pris son téléphone pour appeler le gouvernement libyen et lui dire : « laissez sortir ces gens de l’aéroport. Ils doivent aller à l’annexe pour protéger nos personnels pris en otage ?  » Il n’y pas d’autre voix dans le monde comme celle du Président des États-Unis. Je crois que s’il avait pris son téléphone et appelé le gouvernement libyen, ces personnes auraient pu sortir de l’aéroport et aller à l’annexe, et les deux derniers otages seraient encore en vie. »

Lindsay Graham revint sur la polémique créée par le fait que pendant toute la durée de cette affaire tragique, le Président Obama ne s’est entretenu avec son ministre de la défense, et avec son Chef d’état-major des armées, qu’une seule fois, pendant quinze minutes, immédiatement après l’attentat.

[image:2,l]

Le Droit sans conscience, n’est que ruine de l’âme

Les 13 et 14 février 2013, le New York Times et le WashingtonTimes ont publié deux éditos qui illustrent l’enjeu fondamental auquel les Américains doivent aujourd’hui faire face, s’ils veulent honorer ce que leur léguèrent les Pères fondateurs. Voici l’édito du New York Times.

Un tribunal pour assassinats ciblés

« Nul procureur américain ne peut faire subir de peine de prison ou exécuter qui que ce soit, sans l’autorisation d’un juge ou d’un jury. Le principe fondamental s’applique aussi aux terroristes suspects, que l’Exécutif choisit d’assassiner à l’étranger, en particulier dans le cas de citoyens américains. […] Créer un tribunal ad-hoc pour approuver des assassinats ciblés serait une première étape pour M. Obama, s’il veut être crédible en terme de Droit, quant à la politique de sécurité nationale ». Voici ce que répond le WashingtonTimes.

Le tribunal secret d’Obama pour assassinats

« Nous faisons maintenant face à l’impensable : une proposition pour établir un énième tribunal secret, celui-ci ayant l’autorité d’autoriser le président et les personnes autorisées à assassiner des Américains. Cette proposition vient du Congrès, qui semble plus enclin à légiférer sur des assassinats, qu’à faire respecter la Constitution. […] Le Congrès ne peut créer de tribunal de la mort, et aucun juge d’un tel tribunal Stalinesque ne peut autoriser le président à assassiner. »

La communauté internationale se trouve à nouveau devant l’impératif inscrit dans notre Constitution du 27 octobre 1946 : en finir avec « les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine. »

Comme l’a déclaré dans le New York Times le prix Nobel de la paix Desmond Tutu : « J’ai dit à une époque que l’apartheid déshumanisait autant ceux qui le pratiquaient que leurs victimes, si ce n’est plus. [La réponse des  Etats-Unis], en tant que société, à Osama ben Laden et ses disciples menace de vous rabaisser moralement et de vous retirer ce qui fait de vous des êtres humains. »

Quitter la version mobile