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Vivendi vs. Lagardère: les enjeux d’une bataille judiciaire

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Comment analyser le bras de fer judiciaire que se livrent Vivendi et Arnaud Lagardère au sujet de la trésorerie de Canal+ ? Derrière une problématique de gouvernance et de transferts de liquidités entre une filiale et sa maison-mère, on retrouve en réalité la question de la stratégie média d’Arnaud Lagardère et sa volonté de se désengager de sa participation dans Canal+. Avec, en toile de fond, un indispensable désendettement pour le groupe Lagardère.

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Des transferts de trésorerie en question

De prime abord, l’affaire apparait comme assez techique. Canal+ France est une filiale de Canal+ Groupe détenue à 80% par cette dernière et à 20% par le groupe Lagardère. Canal+ Groupe est pour sa part détenue à 100% par Vivendi. Or, Canal+ France est excédentaire et Canal+ Groupe pioche dans sa trésorerie pour financer sa croissance. C’est le noeud du problème et Arnaud Lagardère réclame que la bagatelle de 1,6 milliard d’euros soit retransférée dans la trésorerie de Canal+ France.

Le problème fondamental étant qu’avec une participation de 20%, Arnaud Lagardère n’a que très peu de marge de manoeuvre face à un actionnaire aussi majoritaire. Et si le tribunal tranchera dans les semaines à venir sur le fond du dossier, les transferts de trésorerie sont monnaie courante entre filiales et groupes et que Vivendi affirme pour sa part que la convention de trésorerie en place entre les deux sociétés est en place depuis 2007 sans que le groupe Lagardère ne s’en émoive auparavant.

Que faut-il y comprendre ? Tout simplement qu’Arnaud Lagardère a besoin de mettre la pression sur Vivendi d’une manière ou d’une autre afin de contraindre la multinationale à racheter à un prix élevé ses 20% dans Canal+. Et cette action en justice est l’occasion rêvée de signaler publiquement le divorce entre les co-actionnaires et aussi d’envoyer un message très clair : « je peux faire de votre vie un enfer ».

Quel prix pour Canal ?

Pourquoi ce timing alors ? Le pacte d’actionnaires entre Canal+ Groupe et Lagardère comporte une clause prévoyant que l’homme d’affaires ne pourra plus introduire sa participation dans Canal+ en bourse après mars 2014… Or le temps presse, et outre une introduction en bourse, un seul investisseur est susceptible d’être intéressé par cette participation : Vivendi. Nul autre groupe ne mettrait la main à la poche pour une participation minoritaire et ne garantissant aucun pouvoir décisionnaire.

Et comme Arnaud Lagardère a un besoin criant de liquidités, il fait le forcing pour ramener Vviendi autour de la table des négociations. Restera encore à résoudre deux problèmes de taille : Vivendi n’a guère plus de liquidités que Lagardère pour se lancer dans une telle opération ; sur quelles bases sera valorisée la participation de Lagardère dans Canal+ France.

Or en 2011, Lagardère avait balayé de la main une proposition de rachat de 1 milliard d’euros et tout laisse à penser que la valorisation de la chaîne cryptée s’est plutôt détériorée au cours des deux dernières années (baisse des abonnements, arrivée de Bein Sport,…).

La partie de poker menteur entre Lagardère et Vivendi risque donc de se poursuivre pendant encore un bon moment. Reste à savoir qui bluffe et qui possède les meilleures cartes…

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