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William Coggan: «Benoît XVI, un intellectuel ouvert et approchable»

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JOL Press : Quel est, selon vous, le qualificatif qui convient le mieux pour décrire l’empreinte que laissera le pontificat du pape Benoît XVI, les huit années qu’il aura passées à la tête de l’Église catholique ?

William Coggan : L’homme est incroyablement intelligent.  C’est un authentique intellectuel, un pur esprit, brillant comme sans doute aucun de ses prédécesseurs au cours des deux derniers siècles.

Un intellectuel doté d’un talent rare, celui de vulgariser sa pensée, de rendre accessible ses écrits au plus grand nombre. Un homme ouvert et approchable.

JOL Press : D’un point de vue théologique, quel est, selon vous, le principal élément de son héritage ?

William Coggan : Benoît XVI a souhaité, dès les premiers jours de son pontificat, œuvrer pour l’unité du christianisme.En la matière, par exemple, Benoît XVI est à l’origine d’une avancée considérable au regard des liens entre catholicisme et anglicanisme. En novembre 2009, Benoît XVI avait autorisé, par la constitution apostolique Anglicanorum Coetibus, la création d’un ordinariat pour accueillir un certain nombre d’Anglicans ayant manifesté leur désir de rejoindre l’Église. La nouvelle avait fait scandale dans les milieux anglicans. Mais l’on s’était ensuite assez vite – et assez facilement- réconciliés. Pour preuve, la présence de l’Archevêque de canterbury, Rowan Williams, à Rome lors du synode sur la nouvelle évangélisation et son long (et très beau) discours. Depuis, trois ordinariats ont été créés, en Angleterre, Etats-Unis Unis, Australie. On estime le total des ralliés anglicans à une centaine de prêtres et huit évêques, et quelques milliers de fidèles. Son voyage au Royaume-Uni, en septembre 2010, a été l’occasion d’un approfondissement des échanges avec l’Église anglicane. Aux côtés de la reine Elisabeth, le Pape a parlé de l’unité entre Catholiques et Anglicans.

Même chose à l’égard des Luthériens puisqu’il a autorisé le retour dans la foi catholique – à travers des ordinariats – à des groupes de Luthériens – plutôt qu’à des individus convertis.

JOL Press : Au cœur des préoccupations de Benoît XVI, l’unité du Christianisme mais aussi le dialogue inter-religieux, n’est-ce pas ?

William Coggan : Absolument, et de nombreux représentants juifs et musulmans en témoignaient dès l’annonce de la démission de Benoît XVI.

JOL Press : Pourtant, son discours de Ratisbonne, le 12 septembre 2006, sur le rapport de l’islam avec la raison et la violence, a suscité la controverse. Benoît XVI a été accusé de promouvoir une « vision chrétienne » de la foi…

William Coggan : Il convient de revenir aux fondamentaux du Concile Vatican II et aux écrits sur la liberté religieuse et la liberté des religions. À l’époque, le pape Jean XXIII a affirmé qu’il était important que les autres groupes religieux soient compris par les catholiques, qu’il fallait s’intéresser à ce qui rapproche plutôt qu’à ce qui sépare.Ce que Benoît XVI a exprimé, c’est simplement que ce processus devait fonctionner dans les deux sens. Il existe différentes formes de comportements fondamentalistes tels qu’ils se manifestent dans l’islam. Il y a d’une part le fait qu’une approche pervertie de cette religion soit utilisée pour justifier des actes terroristes, comme ceux du 11 septembre 2001 à New York ou du 7 juillet 2005 à Londres, et puis il y a aussi le fait d’empêcher l’ordination de prêtres dans les pays musulmans ou d’y persécuter – de manière ordinaire – les chrétiens qui y vivent.  Ce sont deux fondamentalismes différents, le premier extraordinaire et le second ordinaire – et cautionné par les autorités religieuses musulmanes. Le dialogue inter-religieux devrait permettre de progresser sur le second.

JOL Press : Benoît XVI est souvent qualifié de « pape de transition ».  Que pensez-vous de cette expression ?

William Coggan : Lorsqu’il a été élu au trône de Saint-Pierre en 2005, Josef Ratzinger – futur Benoît XVI – avait 78 ans. Compte tenu de son âge, les observateurs ont imaginé un pontificat très court, « de transition ». Il aura duré 8 ans et s’interrompt de son propre fait.La même chose a été dite en octobre 1958 lorsque Angelo Giuseppe Roncalli, alors âgé de 77 ans, a été élu pape sous le nom de Jean XXIII. Quelques mois plus tard, il lançait la plus vaste réforme de l’Église moderne en décidant de la tenue d’un Concile, Vatican II.

L’œuvre de Benoît XVI est considérable. On a souvent mis en avant des décisions présentées comme conservatrices – tel le retour à la forme extraordinaire du rite romain, la messe de 62 ou, pour faire court, la messe en latin ou ses positions mal interprétées sur l’islam… Mais Benoît XVI a défendu bien d’autres causes. Il s’est ainsi présenté en champion des plus pauvres et a délivré à plusieurs reprises des critiques sans complaisance des effets du capitalisme, plaidant notamment pour l’augmentation de l’aide internationale au développement.

Sans doute savait-il que le temps lui était compté. C’est pour cela que son pontificat restera, sans aucun doute, comme un pontificat d’une extrême densité.

Propos recueillis par Franck Guillory pour JOL Press   

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