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Yves Censi: «Réforme bancaire: l’éléphant accouche d’une souris»

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JOL Press : Quel jugement portez-vous sur le déroulement de l’examen en séance du projet de loi portant réforme bancaire ?

Yves Censi : Nous avons assisté à un exercice d’autosatisfaction du gouvernement. La rapporteure Karine Berger et le ministre de l’Economie et des finances n’ont cessé d’invoquer le caractère historique de la réforme à grand renfort de formules incantatoires, de plus ou moins belles phrases… En réalité, c’est l’éléphant qui accouche d’une souris.

JOL Press : Une souris… De votre point de vue, le projet de loi ne va pas assez loin dans la séparation des activités bancaires ?

Yves Censi : Ce n’est pas un problème de séparation en tant que telle. Soit on va jusqu’au bout de la logique et alors on établit une séparation juridique, totalement hermétique entre les activités de marché et celles, traditionnelles, de crédit et de dépôt. Soit, comme c’est le cas avec cette réforme, on ne va pas assez loin. La création d’holdings à l’étranger, c’est facile mais il n’y a alors plus de contrôle, ni de solidarité générale.

JOL Press : Mais, à l’heure actuelle, une séparation des activités des banques, ce n’est pas possible que dans le seul cadre national…

Yves Censi : Si on établit une véritable muraille, alors celle-ci doit être développée à l’échelle européenne voire internationale. Barack Obama y semblait favorable mais il a renoncé jusqu’à maintenant, sans doute pour ne pas affaiblir son secteur bancaire.  

JOL Press : Avec son projet, le gouvernement risque bien, de votre point de vue, d’affaiblir la compétitivité du secteur bancaire français ?

Yves Censi : C’est possible. Les banques françaises vont devoir fournir toutes leurs informations à la concurrence, c’est un possible facteur d’affaiblissement. Ce projet de loi va, en fin de compte, gêner les banques.

JOL Press : On a pourtant entendu qu’il s’agissait d’une victoire du lobby des banques…

Yves Censi : Je ne pense pas qu’il faille y voir une victoire du lobby des banques. La vraie raison de cette réforme a minima, c’est une telle réforme dans un cadre national n’a pas de sens, que le gouvernement le sait bien et en est même convaincu. Mais, pour des raisons d’image et de promesses électorales, il fallait bien faire adopter un texte…

Cela me rappelle un peu la taxe sur les transactions financières. Voter une résolution, c’est bien. Surtout, quand on sait qu’en dehors du cadre européen, la mise en œuvre de la résolution est impossible – ou, en tout cas, risquée.

Cette réforme bancaire, ce n’est pas la victoire d’un quelconque lobby bancaire, mais ses membres doivent être satisfaits. Pas de guerre à la finance.

JOL Press : Dans ces conditions, comment s’expliquent les divisions constatées au sein du groupe UMP ?

Yves Censi : Je ne pense pas que l’on puisse véritablement parler de divisions. Certes, je voterai « contre » en compagnie de certains de mes collègues et d’autres voteront « pour ». Sur le fond, nous sommes d’accord. Les députés UMP partagent dans leur très grande majorité l’argumentation que je viens de développer. Mais certains estiment que, puisque l’objectif est louable et que cela va dans le bon sens, autant voter le texte.

Moi, je pense que lorsqu’on gouverne la France il n’y a rien de pire que de faire croire, par effet d’annonce, que l’on a fait une réforme, tenu une promesse, quand on ne l’a pas fait.

Propos recueillis par Franck Guillory pour JOL Press

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