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Amnistie sociale: une proposition de loi qui fait débat

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Le Sénat a adopté, mercedi 27 février, une proposition de loi visant à amnistier les faits commis lors des mouvements et activités syndicales revendicatives. Cette idée, qui avait été portée par Jean-Luc Mélenchon lors des élections présidentielles de 2012, a été adoptée par 174 voix contre 172. Le texte présenté par la sénatrice et présidente du groupe CRC (Communiste, républicain et citoyen), Eliane Assassi, a été fortement amendé par les socialistes pour en limiter le champ d’application.

Que propose le texte ?

Les auteurs de la proposition de loi, estiment que, dans le cadre de récents mouvements sociaux, «  trop de sanctions injustes ont été infligées qui ne visaient qu’à éteindre toute velléité de contestation. C’est parfois le simple affichage ou la distribution de tracts qui donnent lieu à des menaces ou assignations judiciaires ».

Considérant que l’action collective est « un droit inhérent à toute démocratie », les sénateurs signataires de ce texte, proposent donc d’ « amnistier les faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales ou revendicatives » ainsi que les faits commis à l’occasion de conflits du travail « en tant qu’ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou qu’ils sont susceptibles d’être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur. »

Si le texte est adopté à l’Assemblée, ne seront amnistiées que les personnes condamnées entre le 1er janvier 2007 et le 1er février 2013. Le texte prévoit aussi l’amnistie des mineurs condamnés lors des grèves de 1948 et de 1952. Il reste sept de ces mineurs survivants.

Les organisations patronales en colère

Pour Laurence Parisot cette proposition de loi est « un véritable appel au cassage ». Sur BFM-TV, la patronne du Medef n’a pas caché sa désaprobation : « Je ne comprends pas le signal que la majorité du Sénat veut donner ainsi à la fois au dialogue social, parce que c’est un signal en faveur de l’antagonisme, en faveur du conflit. » Et d’ajouter : « C’est exactement le contraire dont nous avons besoin aujourd’hui, nous avons besoin de nous entendre, de nous comprendre, nous avons besoin d’un espace de dialogue spécifique. »

Même son de cloche du côté de la CGPME : « La violence ou la dégradation de l’outil de travail ne sont au regard de ce texte, pas si graves que cela et ne méritent plus en France en 2013 de sanctions! Clémence pour les syndicalistes! », a réagi l’organisation patronale représentative des petites et moyennes entreprises dans un communiqué. « Il va de soi bien évidemment que le patron d’une entreprise de 11 salariés qui lui n’a pas exactement respecté la procédure lors des élections de délégués du personnel, reste coupable d’un délit d’entrave passible d’un an d’emprisonnement », regrette l’organisation.

Le gouvernement tempère

« C’est un acte de très grande justice qui honore la République », a déclaré la ministre de la Justice, Christiane Taubira, à l’issue du vote, saluant aussi « le trio féminin de choc (dont Annie David et Eliane Assassi) qui a servi de locomotive extrêmement puissante et entraîné l’ensemble de la majorité sénatoriale ».

La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a assuré, de son côté, que le gouvernement tenterait de trouver un « équilibre » entre « droit syndical » et « respect de la légalité républicaine ». « Sachez que le gouvernement participera activement à cette discussion », a-t-elle ajouté. Mais Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, s’est voulu plus prudent sur le sujet : « Il faut qu’on fasse très attention », a-t-il estimé.

Une opposition « ahurie »

« Je pense que le Sénat a pris une décision ahurissante, avec le soutien de la garde des Sceaux, parce que c’est un chèque en blanc pour la violence », a de son côté réagi l’ancien ministre UMP Eric Woerth sur Europe 1. « Alors que souffle dans le pays un vent de colère assez considérable, dans toutes les catégories sociales, c’est aussi une gifle au dialogue social puisque c’est le contraire au dialogue social, et c’est aussi une manière assez curieuse d’intervenir sur les décisions de justice », a poursuivi le député-maire de Chantilly.

Michèle Tabarot, secrétaire générale de l’UMP, a, quant à elle, fait part de son indignation dans un communiqué : « Alors que la délinquance est repartie à la hausse depuis l’élection de François Hollande, et que se multiplient les agressions à l’encontre des forces de l’ordre, la gauche ne trouve rien de mieux que de voter une loi qui amnistie les syndicalistes qui ont commis des délits dans le cadre d’un conflit social. Et on ne parle pas ici d’amnistier de petits délits, mais des faits passibles de cinq ans d’emprisonnement ! Ce nouveau signal de laxisme est moralement inacceptable », a-t-elle écrit.

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