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Avoir 20 ans en Tunisie

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Dans la Tunisie révolutionnaire, les jeunes qui s’engagent aujourd’hui à construire l’avenir de leur pays étaient mineurs lorsque la révolution de Jasmin a éclaté et lorsque Ben Ali a quitté le pouvoir.

C’est le cas d’Amir. A 17 ans, cet habitant de Sfax, capitale du sud de la Tunisie, est un enfant de la révolution. Au sein de l’ONG WeYouth qu’il préside, il s’engage aujourd’hui à créer des connections entre les jeunes Tunisiens afin de les faire collaborer à l’avenir de leur pays.

Comment analysez-vous la situation politique en Tunisie ?

L’actualité politique en Tunisie est vraiment déroutante et fatigante, oui, vraiment fatigante. Nous, la jeunesse, en avons assez de nos dirigeants, et nous constatons, dans notre expérience quotidienne de la politique, à quel point la situation tunisienne est volatile. A la suite de l’assassinat du leader de gauche Chokri Belaïd, nous avons assisté, et assistons encore, à une grande période de violence et, aujourd’hui, tout ce que je constate c’est une flagrante vague de folie dans le pays.

Comment avez-vous vécu l’arrivée d’Ennahda au pouvoir ?

Comme beaucoup de Tunisiens, je pensais, après la révolution et les élections transparentes que nous avons eues, qu’Ennahda dirigerait la Tunisie vers la démocratie, pendant cette période de transition. Force est de constater, en regardant toute cette violence, que je me suis trompé.

Pour vous, quels sont les principaux maux de la société tunisienne ?

D’abord des politiciens peu scrupuleux, en perpétuelle concurrence les uns avec les autres pour obtenir leur part du gâteau.

Il y a aussi un phénomène très important : celui de l’exploitation de l’islam dans le but de gagner la sympathie et le vote des électeurs. Lorsque je me rends à la mosquée pour prier, je suis choqué d’entendre l’imam parler de politique dans un lieu béni. Ils instrumentalisent la religion à des fins personnelles.

Pensez-vous que la révolution soit réellement terminée ?

Je ne pense pas. L’histoire a déjà prouvé qu’une révolution doit être longue avant qu’elle n’aboutisse à un régime vraiment démocratique. Les Tunisiens ont l’esprit révolutionnaire et je suis convaincu qu’ils n’accepteront jamais une dictature ou n’importe quel type de de régime malsain à l’avenir.

Constatez à quelle vitesse nous sommes redescendus dans la rue pour protester contre la violence dans le pays. Je crois que nous avons pris goût à la liberté, et que personne ne nous la volera de nouveau.

Quel rôle la jeunesse tunisienne peut-elle jouer dans la construction du pays aujourd’hui ?

La jeunesse a fait la révolution et les jeunes sont ceux qui construiront la démocratie et qui participeront au futur de ma Tunisie bien aimée. C’est la prochaine génération qui dirigera la Tunisie vers un chemin meilleur.

Est-il difficile, aujourd’hui, d’étudier en Tunisie ?

Vraiment pas.  Je suis étudiant et comme n’importe qui, j’ai eu accès aux études supérieures. Nous avons fait quelque chose de très bien en Tunisie, c’est d’avoir donné tout son sens à l’importance de faire des études.

La base humaine de notre révolution, ce sont des gens instruits et alphabétisés.

Est-ce difficile de trouver un emploi ?

Aujourd’hui et après la révolution, trouver un emploi est difficile. Je suis vraiment concerné par le sujet et c’est vrai que la révolution a considérablement affaibli notre économie et les grèves générales qui font l’actualité du pays en sont véritablement le témoin. Le chômage et les désordres sociaux sont le quotidien de la Tunisie révolutionnaire.

Quelles sont vos plus grandes peurs pour l’avenir ?

En fait, je n’ai vraiment pas peur. Je suis sûr que le peuple tunisien ne laissera jamais personne voler notre révolution. Mais en ce qui concerne notre économie, je suis un peu plus inquiet et je me demande comment nous allons réussir à la relever. Allons-nous retrouver le chemin de la croissance ?

Quels sont vos espoirs ?

J’espère que les Tunisiens resteront unis pour construire ensemble un avenir meilleur. Je souhaite que chacun d’entre nous pense suffisamment aux générations suivantes et j’espère que mes enfants et mes petits-enfants pourront aussi suivre ce chemin. C’est pour cela que je souhaite que nous leur construisions, dès maintenant, les bases nécessaires pour la prospérité du pays.

Qui sont vos héros ?

Je crois que je n’en n’ai pas. Mes héros sont ceux qui aiment le pays, ils sont ceux qui pensent à moi comme à tous les Tunisiens.

Je suis à la recherche d’un véritable héros !

Pour vous, que représente la France ?

Inutile de dire que nous avons tissé des liens étroits avec la France et ce depuis bien longtemps. Je peux même dire que la France est la meilleure amie de la Tunisie. Nous avons de solides relations depuis l’indépendance. La France a une longue expérience de la démocratie et il serait bien que nous approfondissions nos relations bilatérales.

Nous pourrions profiter de l’expérience française et de son expertise pour achever notre période de transition.

> Consulter la page de l’ONG WeYouth

Propos recueillis par Sybille de Larocque pour JOL Press

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