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«Chevalgate»: quand les marques tentent de gérer la crise

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Tesco, le cas d’école

Le 16 janvier 2013, l’Autorité de sécurité alimentaire irlandaise publiait une étude concernant des hamburgers censés contenir exclusivement du bœuf, mais dans lesquels l’Autorité déclarait avoir trouvé des traces de viande de cheval et de porc. L’enseigne britannique Tesco, qui vendait ces hamburgers, a été la première entreprise touchée de plein fouet par ce scandale sanitaire, qui n’a pas épargné plusieurs marques alimentaires françaises par la suite.

Pour répondre à la crise, Tesco s’est empressé de publier dans les quotidiens nationaux une annonce présentant ses excuses, assurant qu’elle « reviendrait [vers les clients] une fois [qu’elle aurait] déterminé ce qui s’est passé », et qu’elle « travaillerait plus que jamais avec tous ses fournisseurs pour s’assurer que cela ne se reproduise plus ».

Sur Twitter, l’enseigne a également beaucoup communiqué. Le tweet « C’est l’heure de dormir, donc nous allons nous pieuter ! On se retrouve à 8h pour plus de #TescoTweets » a été retweeté près de 3000 fois.

Dès le 16 janvier, le PDG de Tesco, Philip Clarke, publie sur son blog une tribune, rappelant les engagements de la marque, et répétant que « ce n’est pas un problème sanitaire ». « Les autorités de contrôle sanitaire à Londres et Dublin ont confirmé que la viande de cheval ne présente aucun risque pour la santé », ajoute-t-il, déclarant que « le premier pas pour retrouver la confiance est l’honnêteté et la transparence ». Le message, « liké » par une soixantaine de personnes sur Facebook, témoigne de la – petite, mais non négligeable – compréhension de certains clients.

Findus, « très à cheval sur la qualité » ?

Quelques semaines plus tard, en février, dans des lasagnes produites en sous-traitance pour la marque française Findus, la Food Standards Agency annonce avoir trouvé des proportions importantes de viande de cheval, dans des produits pourtant censés être 100% pur bœuf. Le « chevalgate » continue, et fait perdre plus d’un million d’euros à Findus.

La marque, qui souhaite éviter que son nom reste associé au scandale, s’engage dans une vaste campagne de communication de crise. Findus a notamment nié toute responsabilité dans la fraude, mettant en avant le fait que ce sont les tests ADN effectués par Findus qui ont « mis à jour la fraude sur la filière bovine à l’échelle européenne ».

Afin de rassurer ses consommateurs, la marque lance une annonce dans la presse, pour expliquer les différents engagements de la marque – contrôles ADN, information aux consommateurs, approvisionnement « plus court et transparent ».

Devant l’ampleur prise par le scandale, surtout sur Internet où les commentaires d’indignation et les nombreux détournements et parodies ont contribué à accentuer la crise, Findus a cherché à « noyer le scandale sous un trop plein d’information », rappelle Denis Pilato, consultant en communication, au Nouvel Observateur. « La marque a construit une défense très précise autour de deux éléments de langage qu’elle martèle en boucle : « Aucun risque sanitaire pour le consommateur  » et « C’est Findus qui, par ses contrôles et sa rigueur, a justement permis de dénoncer ce scandale ». À partir de ces deux piliers de communication, la marque a déclenché l’artillerie lourde », jusqu’à engager une agence d’e-réputation pour faire changer les titres contenant « affaire Findus » dans plusieurs rédactions web.

Mais fin février, une fausse publicité, émanant de l’agence Rosbeef ! qui se fait passer pour Findus, a beaucoup circulé sur Internet et les réseaux sociaux, dont le slogan était : « Chez Findus, nous sommes très à cheval sur la qualité et la provenance de nos ingrédients ». « Il s’agit d’un détournement réalisé par une agence en manque de notoriété qui, illégalement, fait croire que nous aurions fait cette affiche. C’est dommage que certains profitent de ce sujet pour se faire connaître. […] On a certes de l’humour chez Findus mais je trouve que le sujet est suffisamment sérieux pour ne pas faire de blagues », a déclaré au Parisien le PDG de Findus, Matthieu Lambeaux.

Picard, Ikéa, et les autres…

Face au scandale, le patron de la marque Picard, également touchée par la fraude à la viande de cheval, a décidé d’adresser un message (sous la forme d’une vidéo), directement à ses clients dont l’enseigne avait les adresses email, et de retirer de ses rayons les plats surgelés incriminés, ainsi que d’autres plats cuisinés à base de bœuf provenant du même fournisseur Cogimel. Des associations caritatives se sont dit prêtes à reprendre les plats retirés ; une initiative soutenue par Benoît Hamon, ministre de la Consommation – et qui pourrait bien avoir des retombées positives pour l’image de la marque.

Ikéa, également touché par l’affaire, a de son côté décidé de retirer de la vente les boulettes de viande surgelées vendues par l’enseigne dans quinze pays européens. « Nous prenons cette affaire très sérieusement et retirons de la vente les paquets d’un kilo de boulettes de viande surgelées en Slovaquie, République tchèque, Hongrie, France, Grande-Bretagne, Portugal, Italie, Pays-Bas, Belgique, Espagne, Chypre, Grèce, Irlande ainsi qu’en Suède et au Danemark », a indiqué une porte-parole du groupe, Ylva Magnusson. Une décision reprise par Panzani, qui a également retiré de la distribution ses produits incriminés.

Mais comme le rappelle Denis Pilato, la première menace à la réputation des entreprises, ce sont les « bulles médiatiques » créées par les internautes, et que celles-ci doivent apprendre à gérer. « L’internaute est d’abord une caisse de résonance, faisant tourner en boucle les mêmes infos jusqu’à créer de véritables bulles médiatiques. Ce sont ces bulles médiatiques incontrôlées qui sont aujourd’hui perçues par les entreprises comme […] le plus grand danger qu’elles aient à affronter en cas d’incident industriel ». Le « chevalgate » est encore loin d’être terminé.

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