Sommets de la dernière chance, réunions d’urgence… A Bruxelles, les négociations ne semblent aboutir que dos au mur ou face au précipice – deux images au choix, selon les préférences, une même réalité. Ce n’est que tard dans la nuit du dimanche 24 au lundi 25 mars qu’un accord sur plan de sauvetage de Chypre a été conclu. Un plan B après l’échec du plan A il y a tout juste une semaine.
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Une fois de plus, l’enjeu était de taille – colossal -, et le temps compté. Face au président chypriote, Nicos Anastasiades, ses bailleurs de fonds internationaux – Herman Van Rompuy pour le Conseil européen, José Manuel Barroso pour la Commission, Mario Draghi pour la Banque centrale européenne et Christine Lagarde pour le Fonds monétaire internationale. Que ces cinq-là ne parviennent pas à s’entendre et c’était la faillite garantie pour Chypre, le déroulement inexorable d’un scénario catastrophe qui aboutirait à une contagion aux autres économies européennes fragilisées et à l’effondrement de toute la zone euro. Un peu de répit, monsieur le bourreau… un accord a été trouvé, tard dans la nuit bruxelloise.
Un accord sans précédent
L’annonce d’une taxation de tous les dépôts bancaires avait provoqué l’inquiétude et la colère des Chypriotes et justifié le rejet du plan de sauvetage A par le Parlement national. Dans le plan B, les dépôts bancaires inférieurs à 100 000 euros seront exonérés de toute taxe. En revanche, les détenteurs d’actions, d’obligations et les dépôts au-dessus de 100 000 euros subiront des pertes pouvant aller jusqu’à 40%.
« Good bank » vs. « Bad bank »
Le secteur financier va être conséidérablement réduit. Le nouvel accord préserve la première banque du pays, Bank of Cyprus, mais prévoit en revanche la disparition de la deuxième banque du pays, la banque Laïki. Les dépôts sécurisés seront mis dans une « good bank » et les autres dans une « bad bank », structure de défaisance. Les dépôts non sécurisés de plus de 100 000 euros seront gelés et participeront à la recapitalisation.
En échange de ces mesures, les créanciers internationaux réunis dans la la troïka (Europe et FMI) accorderont au pays une aide de 10 milliards d’euros – dont la première tranche devrait être versée en mai après un accord formel dans la troisième semaine d’avril. Les partenaires de Chypre promettent aussi de veiller sur les conséquences sociales de la mise en œuvre de ce plan.
Prendre la mesure de ce qui se passe à Chypre
Ce qui se passe à Chypre est triplement inédit : jamais, jusqu’à la semaine dernière, un pays européen en difficulté n’avait rejeté un plan de sauvetage européen ; si l’idée circule régulièrement depuis les années 30, jamais un État n’avait ponctionné les comptes bancaires ; jamais, depuis plus d’un siècle, un pays européen n’avait-il vu ses banques fermer plus de dix jours.
Le PIB de Chypre ne représentant que 0,2% du PIB de la zone euro, pourquoi ne pas se contenter de couper les amarres avec la petite île méditerranéenne, et engager une sortie de l’euro. Mis à part les banques grecques, les institutions financières françaises sont peu engagées sur place et l’impact direct serait limité.
Non, le risque est dans la symbolique, dans la puissante dimension du précédent. Une sortie de Chypre risquerait de montrer la voie. A n’en pas douter la pression des marchés financiers sur les économies européennes les plus fragilisées s’accentuerait et la zone euro replongerait dans la crise…
Autre impact encore difficilement quantifiable, celui de la réaction de la Russie, dont les ressortissants devraient être les premières victimes de ce plan…