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Cuba-États-Unis: une amélioration des relations est-elle possible?

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La présence d’Obama et de Kerry pourrait améliorer les relations avec Cuba

La réélection de Barack Obama et la nomination de John Kerry en tant que secrétaire d’État offrent à Cuba deux des leaders américains les moins hostiles que l’île ait connus depuis cinquante ans. Attentifs aux politiques passées, les deux hommes veulent faire quelque chose de Cuba, expliquent des sources du Congrès américain.

En la personne de Raúl Castro, ils ont un interlocuteur possible, pragmatique et pas insensé, prêt à passer le relais à des dirigeants plus jeunes, mais qui conserve son autorité incontestable lorsqu’il s’agit d’adopter certaines des réformes voulues par les Etats-Unis.

Raúl Castro a déclaré à plusieurs reprises qu’il était prêt à discuter de tout avec les dirigeants américains, tant qu’il s’agit d’une négociation d’égal à égal, plutôt que d’une capitulation. Mieux vaut commencer à restaurer les relations alors qu’il est encore en fonction, dit-on, au cas où son successeur serait plus faible ou qu’une lutte de pouvoir ne suive la fin de son mandat.

Mettre fin aux derniers vestiges de la Guerre froide

Les membres d’une délégation de haut niveau du Congrès, qui ont rencontré Raúl Castro la semaine dernière, ont déclaré que leur objectif était de relancer les conversations entre les deux ennemis de longue date.

« Je sens qu’il y a du changement dans l’air », a déclaré Jim McGovern, sénateur démocrate du Massachussetts, qui promeut depuis longtemps la réconciliation avec La Havane. « Pour moi, c’est le moment. Nous avons le président Obama, le secrétaire d’Etat Kerry, et j’espère qu’ils vont prendre des risques et mettre fin à ce dernier vestige de la Guerre froide ».

Nécessité de trouver des compromis et de faire des concessions

Mais la fenêtre ne peut être ouverte longtemps : Raúl Castro aura 82 ans en juin prochain, et les hommes politiques américains vont bientôt être occupés par la campagne pour les élections législatives de l’année prochaine.

La délégation de cinq sénateurs américains, conduite par le sénateur démocrate du Vermont, Patrick Leahy, a déclaré qu’elle souhaitait développer un « cadre » pour l’amélioration des relations.

Patrick Leahy, qui a raconté avoir parlé longuement à Barack Obama au sujet de Cuba avant son voyage, a dit aux journalistes à son retour que les progrès diplomatiques nécessiteraient des concessions mutuelles [une politique de « give and take »] entre les Etats-Unis et le gouvernement de Castro.

« Cinq contre un » : le cas d’Alan Gross et des prisonniers cubains

Et parmi les requêtes américaines : le cas d’Alan Gross, 63 ans, ancien sous-traitant américain emprisonné à Cuba depuis 2009. Il purge une peine de prison de quinze ans pour avoir tenté de mettre en place des réseaux de communications illégaux sur l’île. Patrick Leahy et d’autres législateurs américains ont dit aux autorités cubaines qu’aucune négociation n’était possible avant la libération de M. Gross.

Mais La Havane a tenté de se servir de lui comme monnaie d’échange, qu’elle espère échanger contre cinq agents de renseignement cubains arrêtés aux États-Unis. Les membres de la délégation du Congrès considèrent qu’un tel échange « cinq contre un » était irréaliste, mais que Raúl Castro pourrait faire une bonne affaire s’il baissait le « prix » demandé.

L’un des cinq agents cubains, René Gonzalez, est déjà sorti de prison en liberté conditionnelle. Un autre, Fernando Gonzalez, doit sortir en février prochain. Les deux pourraient être graciés et renvoyés vers Cuba « avec un coût politique minimal » pour Barack Obama, a déclaré un membre du Congrès.

Cuba n’est pas de nature à faire des compromis

Bien qu’il soit difficile de savoir si La Havane ferait baisser ses exigences, Carlos Alzugaray, ancien ambassadeur de Cuba auprès de l’Union européenne et expert des relations américaines, a déclaré que le gouvernement n’était pas de nature à faire des compromis.

« Je ne pense pas que Cuba libère Alan Gross à moins d’obtenir les cinq prisonniers », a-t-il dit. « Politiquement, il est impossible pour le gouvernement cubain de libérer Gross sans obtenir ses prisonniers en retour ». « Et plus tôt le gouvernement américain se rendra compte de cela, mieux ce sera », a-t-il ajouté.

Un assouplissement des restrictions n’est pas nécessairement réalisable

Briser l’impasse qui subsiste sur le cas d’Alan Gross pourrait mettre en branle une série de mouvements des deux côtés, expliquent les analystes, même si l’embargo commercial de Washington reste intact.

L’administration d’Obama pourrait faciliter les voyages des Américains à Cuba, et autoriser les cartes de crédit américaines et les compagnies d’assurance à fournir des services financiers. La Havane, pour sa part, pourrait générer des écarts d’acquisition américains [le goodwill] en intensifiant les réformes et en supprimant les restrictions à l’encontre du secteur privé. Après sa récente décision d’assouplir les restrictions de voyage, Raúl Castro pourrait aussi ouvrir l’accès à Internet pour le grand public.

Bien que de telles mesures puissent sembler évidentes, elles ne sont pas nécessairement réalisables. L’histoire des tensions entre les États-Unis et Cuba est minée par un pessimisme ambiant : les modestes améliorations des relations pendant les années Carter et Clinton ont subi des revers importants quand de nouvelles sources de tensions sont nées par la suite.

Le plus grand obstacle reste la nature du système politique cubain

Cependant, Ray Walser, un analyste de l’Amérique latine à la Heritage Foundation à Washington, estime que les incitations financières de Cuba pourraient être plus importantes cette fois-ci. « Avec le temps qui presse, l’âge avancé des frères Castro, les incertitudes qui planent au Venezuela, et aucune succession claire, je suppose que le régime cubain veut conserver des relations relativement bonnes avec les États-Unis, afin d’assurer un « atterrissage » en douceur pour la succession au régime castriste ».

Le plus grand obstacle, explique-t-il, reste la nature du système politique cubain, et Raúl Castro a clairement fait savoir que cela n’était pas négociable.

« Compte tenu de leur attachement à préserver un modèle d’État totalitaire, avec un parti unique, tout en essayant de sauver une économie moribonde, ils vont devoir faire face à un véritable parcours du combattant ».

GlobalPost / Adaptation : Anaïs Lefébure pour JOL Press

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