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Des banques «too big to fail»?…

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« Too big to fail est un concept économique qui décrit la situation d’une banque ou tout autre institution financière dont la faillite aurait des conséquences systémiques désastreuses sur l’économie », selon Wikipedia, qui conclut que les établissements financiers ne font jamais faillite car les Etats finissent toujours par les renflouer.

 
… et quand ils ne le font pas, les risques systémiques se manifestent effectivement.
 

« Les gros doivent tomber… »

 
Dès lors, devrions-nous remplacer l’aphorisme « Too big to fail » par son  simple contraire « big to fail » que nous traduirions par « Les gros tombent » ou « Les gros doivent tomber… »
 
Pourquoi ?
 
Car l’industrie financière est la seule industrie dans laquelle une faillite est une catastrophe économique pour les survivants. En effet, dans toute autre industrie une faillite est plutôt une nouvelle favorable pour ceux qui restent quand par exemple, cette faillite est le résultat d’une guerre des prix. Les survivants seront gagnants deux fois car à la suite de la défaillance de l’un d’entre eux ils augmenteront à la fois leurs prix et leurs volumes de vente.
 
Dans l’industrie financière, il en va tout autrement : tous les intervenants sont à la fois prêteurs et emprunteurs les uns les autres que ce soit directement (par le truchement du marché obligataire ou du marché monétaire) ou indirectement « hors bilan » sur le marché des produits dérivés ou par le jeu de garanties que les établissements financiers s’accordent entre eux.
 
La chute de Lehman le 15 septembre 2008 a ainsi révélé que les banques du monde entier étaient contreparties de Lehmann et elles ont ainsi toutes été conduites à prendre des provisions provoquant une crise de confiance sans égal sur les marchés financiers et finalement le très fort ralentissement de l’économie mondiale en 2009 et des économies européennes en 2010. Et pourtant, Lehmann était, par le nombre de ses employés,  une banque dix fois plus petite que la BNP ou quinze fois que HSBC.
 
Depuis les années 80, les concentrations d’établissements bancaires ou financiers se sont accélérées dans le monde. En France, les agents de change, les banques régionales indépendantes ont disparu, de grandes banques comme le Crédit Lyonnais ou la Banque Paribas ont fusionnés, d’autres, comme le CCF ont été acquises. A l’étranger des noms comme Chemical Bank, Midland Bank, Bankers Trust ont disparus et on ne compte pas le nombre de maisons de titres ou de brokers qui ont été absorbés et dont les noms ne signifient plus rien à personne.
 
En termes d’emplois l’industrie a t-elle prospéré ? Il faudra attendre la fin de la crise pour faire un bilan précis des restructurations en cours mais le vrai sujet n’est pas là.  
 

La question est, à quoi et à qui ont servi ces concentrations ?

 
On comprendra aisément que pendant la grande phase de mondialisation et de globalisation, il y a eu une course naturelle au gigantisme. Dans un monde qui s’élargissait il fallait que les banques disposassent de réseaux pour accompagner leurs clients qui grandissaient aussi et pour qui les frontières nationales d’origine étaient trop étroites. Là où les demandes de capitaux s’élevaient en centaines de millions, elles se sont mises à porter sur des milliards d’euros et il a fallu concevoir et organiser des réseaux de distribution d’une nature totalement différente pour rester dans le marché.
 
Mais les plus grands demandeurs de ces concentrations ont été les Etats eux-mêmes : ils ont encouragé les banques nationales à devenir plus grosses pour qu’elles soient capables de porter, de distribuer et de faire circuler les dettes qu’ils émettaient. Les besoins sont réels, tous les ans ce sont entre 3000 et 5000 milliards de dettes publiques qu’il faut placer dans le marché. Sans qu’on en ait des statistiques exactes, ces montants entrainent de traiter au moins cinq à dix fois les mêmes volumes en produits dérivés, options ou futurs pour gérer les risques de marché liés à cette fonction. 
 
Seules une vingtaine d’établissements dans le monde ont la taille pour se livrer à ces activités.
 
Dès lors, les Etats ont encouragés leurs banques nationales à se doter de réseaux internationaux, à acquérir les intermédiaires de plus petite taille et à fusionner les réseaux domestiques de façon à obtenir des acteurs qui puissent rivaliser en taille avec les acteurs internationaux.
 
Tout cela, il faut bien insister là-dessus, pour pouvoir diffuser et faire circuler les dettes publiques avec efficacité et avec le moins de frottements possible au nom de la sacro-sainte liquidité des titres d’Etat.
 
Ainsi, les Etats ont encouragé l’exubérance de la finance qui s’est nourri du gigantisme des volumes et des nouveaux horizons que leur ouvraient les tailles gigantesques auxquelles elles étaient parvenues.
 
Si l’on reprend les subprimes à l’origine de la crise, il y a fort à parier que si le maillage de petites banques qui existait aux Etats Unis avant les concentrations avait survécu, la quantité d’hypothèques à risque et sans valeur absorbée par le système financier aurait été bien moindre.
 
De la même façon, l’euro, monnaie de la zone économique la plus riche du monde s’est fondu dans ce gigantisme, en permettant à tous les Etats participants, riches ou pauvres, d’accroître considérablement leur capacité de lever de l’argent sur les marchés grâce aux établissements financiers mis en place à cet effet.
 
Ainsi, les banques systémiques voulues par les Etats ont elles-mêmes contribué à créer les risques systémiques contre lesquels les nouvelles règlementations que l’on souhaite mettre en place vont tenter de lutter.
 
D’ores et déjà, on sait que ces nouvelles contraintes règlementaires ne permettront plus de réaliser des financements simples à l’économie réelle qui étaient possibles quand les banques n’avaient pas encore opéré leur concentration, ni qu’elles avaient changé d’échelle de valeur dans les volumes qu’elles traitaient.
 
Des mouvements de scission ne vont t’ils pas finir par avoir lieu pour recréer des opérateurs financiers adaptés à des acteurs de moindre taille ? Il est paradoxal qu’en France, on assiste à la création d’un organisme public qui financera ce que le système bancaire refuse aujourd’hui de financer.
 
Nous examinerons dans un prochain article comment ces banques gigantesques qui n’appartiennent à aucun capitaliste ne sont finalement pas gérées avec une logique capitaliste classique.
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