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Didier Maus: «La motion de censure est plus un acte négatif que positif»

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Les députés UMP ont déposé, ce vendredi matin, leur motion de censure « contre la politique économique d’un gouvernement aux abois ». Elle sera défendue dans l’hémicycle par Jean-François Copé et débattue ce mercredi 20 mars.

François Hollande, « qui devait réenchanter le rêve français, est en train d’entrer dans l’Histoire comme le président des impôts et du chômage », explique cette motion. « Contrairement à ce que faisait le Parti socialiste lorsqu’il était dans l’opposition, nous ne nions pas la réalité de la crise économique mondiale. Mais nous contestons la nature et l’intensité des réponses qui sont apportées par le gouvernement. Loin de contrer la crise, la politique de François Hollande l’amplifie », poursuit le texte.

Mais quelle est l’utilité d’une telle démarche ? Eléments de réponse avec le constitutionnaliste Didier Maus.

JOL Press : Déposer une motion de censure, à quoi ça sert ?
 

Didier Maus : Une motion de censure a pour objectif de renverser le gouvernement. Pour être adoptée, elle doit obtenir la majorité absolue des votes des députés de l’Assemblée nationale. C’est l’objectif classique mais dans la réalité, les députés qui déposent une motion de censure ne sont pas dans cette optique : depuis plus de 50 ans, aucune motion de censure n’a été adoptée et celle d’aujourd’hui ne le sera pas plus, dans la mesure où c’est l’opposition qui dépose cette motion et qu’il y a une vraie majorité à l’Assemblée.

La motion de censure a plus pour vertu de montrer de la part de l’opposition qu’il y a une forte critique de l’action du gouvernement, elle permet de créer un événement. Mais il n’y a aucune chance qu’elle soit adoptée. Ce n’est pas du tout un événement historique, juste une démarche politique.

JOL Press : Mais pourquoi l’utilise-t-on ?
 

Didier Maus : Elle est utile pour marquer de manière solennelle le désaccord de l’opposition à l’égard de la politique du gouvernement. A l’issue d’une motion de censure, il y a un vote, seuls votent ceux qui s’opposent au gouvernement. Cela permet de dire clairement qui est dans le camp de la majorité et qui est dans le camp de l’opposition. C’est un événement politique mineur puisqu’il n’y a aucune incertitude sur le résultat.

L’opposition utilise une motion de censure pour marquer une étape dans le déroulement de l’action du gouvernement et du mandat du président de la République. C’est la façon la plus solennelle de dénoncer une politique, car si elle est adoptée et que le gouvernement démissionne, cela entrainerait une dissolution de l’Assemblée nationale et de nouvelles élections. Même si c’est de la théorie pure, ce n’est pas rien.

JOL Press : « Je ne pense pas que la motion de censure à elle-seule pourra restaurer la crédibilité de l’UMP », a déclaré Valérie Pécresse, sur Public Sénat et Radio Classique. Qu’en pensez-vous ? Jean-François Copé cherche-t-il à prouver que l’opposition est à nouveau unie contre le gouvernement ?
 

Didier Maus : La motion de censure est plus un acte négatif que positif parce que, si elle censure la politique du gouvernement, elle ne propose pas de solution alternative. Valérie Pécresse a raison de dire qu’il ne suffit pas de dénoncer mais qu’il faut aussi proposer autre chose. Ce n’est pas à travers une motion de censure que l’opposition va faire un bon score dans l’opinion publique. C’est une démarche qui intéresse le Parlement, les commentateurs politiques mais elle n’intéresse absolument pas l’opinion dans la mesure où il n’y a aucune incertitude.

Pour que l’opposition retrouve plus de crédibilité, il faut tout d’abord que le gouvernement en ait moins – ce qui est déjà un peu le cas – et que les propositions mises en avant par les députés de l’opposition recueillent un sentiment d’adhésion dans l’opinion, dans la perspectives des élections. Mais les prochaines élections étant encore lointaines, le travail de reformulation d’une politique n’est pas encore entamé de la part de l’opposition.

JOL Press : Quelles sont les autres armes mises à disposition des députés de l’opposition pour désapprouver le programme ou une déclaration de politique générale du gouvernement ?
 

Didier Maus : La première arme d’une opposition, c’est de ne pas voter les textes qui lui sont présentés. C’est ce qui se fait actuellement. « Quand on est dans l’opposition, on s’oppose », disait François Mitterrand. Il existe d’autres armes parlementaires, comme les questions ou les demandes de commissions d’enquête, mais l’opposition, qui est par nature minoritaire, a pour objectif de gagner les prochaines élections tout en conciliant son action politique permanente et son action parlementaire.

JOL Press : Dans l’histoire, ces motions de censure, si elles ne sont pas adoptées, ont-elles été prises en compte pas le gouvernement ?
 

Didier Maus : Le gouvernement n’a aucune raison de prendre en compte une motion de censure qui ne présente aucun risque pour lui. Cependant, de son point de vue, la motion de censure a un intérêt, celui d’essayer de ressouder la majorité. Mais cela dépend beaucoup du discours du Premier ministre qui obligatoirement répond à la motion de censure. Ce discours devra montrer son désaccord avec l’opposition et mettre en relief l’action de son gouvernement. Il faut que l’événement ne soit pas uniquement le rejet de la motion de censure mais le soutien très ferme de la majorité au gouvernement.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Didier Maus est professeur à Aix-Marseille université et président émérite de l’Association française de droit constitutionnel. Il est l’auteur de nombreux ouvrages de droit constitutionnel.

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