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En Corée du Sud, le «Gangnam Style» touche aussi la chirurgie esthétique

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Séoul, Corée du Sud. Une foule de jeunes femmes attend nerveusement dans le hall d’une clinique de chirurgie esthétique populaire à Apgujeong, un quartier aisé au cœur de Gangnam. Des photographies de chanteurs sud-coréens et d’actrices s’alignent sur les murs – clients séduisants souriant à côté de leurs chirurgiens esthétiques.

« Je veux un visage comme celui des actrices coréennes »

« C’est douloureux, mais je veux vraiment un visage comme celui de ces actrices coréennes », explique une patiente chinoise qui sort d’un rendez-vous, le nez enveloppé dans un bandage chirurgical.

Beaucoup de clients ont voyagé jusque dans ce quartier – qui abrite environ 400 hôpitaux de chirurgie esthétique – depuis la Chine, le Japon et l’Asie du Sud. Ils espèrent rentrer chez eux avec un peu de « Gangnam style » sur eux.

Ce n’est pas seulement une référence au tube du chanteur sud-coréen Psy. Gangnam est très connu à l’échelle de toute l’Asie, rendu célèbre au cours de la dernière décennie, à travers la popularité des émissions de télévisions sud-coréennes et des chanteurs pop ; un mouvement connu sous le nom de « Vague coréenne » (« Korean Wave »).

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Les cliniques de Gangnam attirent un flot de touristes médicaux

La chirurgie plastique est un commerce lucratif en Corée du Sud, devançant la Grèce, l’Italie et les Etats-Unis en nombre de personnes les plus refaites du monde. Le commerce attire également un flot de « touristes médicaux ». En 2011, le revenu du pays en termes de tourisme médical a atteint 116 millions de dollars, deux fois plus qu’en 2006, selon les statistiques gouvernementales.

À la Grande Clinique de chirurgie plastique, les chirurgiens proposent des opérations pour arrondir les yeux et rendre pointu le nez par exemple, qui sont des standards de beauté en Asie. La Grande Clinique est l’un des projets les plus réussis de Gangnam, attirant des clients célèbres et offrant des visites régulières aux équipes de télévision coréennes. « Beaucoup de gens veulent ressembler aux stars d’Hollywood », explique Huh Chul, un chirurgien esthétique. « Il veulent du glamour ».

Pour un quartier qui serait le « Beverly Hills » de Séoul, les prix ne sont pas exhorbitants. Un lifting des yeux coûte entre 1500 et 2000 dollars, tandis qu’un lifting du nez coûte entre 3000 et 4000 dollars selon l’hôpital.

Mais ne vous méprenez pas. En Corée du Sud, ce n’est plus seulement un passe-temps pour les femmes. Les hommes viennent aussi en grand nombre se faire refaire le visage.

L’industrie de la chirurgie plastique en plein essor

En 1996, la Corée du Sud a rejoint le club des pays développés, l’OCDE. Cela a été le premier jalon majeur qui signifiait que le pays rassemblait les compétences et la technologie nécessaire pour construire une industrie de la chirurgie plastique.

Au milieu des années 2000, alors que la vague coréenne prenait de l’élan, la nation a connu parallèlement un boom de voyageurs venus pour des raisons médicales à Séoul. La Grande Clinique de chirurgie plastique a commencé avec un seul médecin travaillant dans une station de métro mais a rapidement grandi, employant désormais une trentaine de médecins.

Plus récemment, la Corée du Sud a tenté d’attirer les touristes médicaux. La ville de Séoul elle-même cherche à devenir une plaque tournante en la matière, concurrençant la Thaïlande et l’Inde, mais offrant des expertises médicales plus fiables et des infrastructures de qualité supérieure. Pour les touristes, la chirurgie plastique est la spécialité la plus populaire juste après la médecine interne. La « vague coréenne » est seulement un facteur stimulant pour la chirurgie.

« La Corée du Sud offre également une compétitivité des prix et la qualité », affirme Yu Jiyun, chercheur à l’Institut du tourisme et de la culture en Corée, un think-tank politique situé à Séoul. « Nous ne sommes pas derrière les médecins américains en termes d’expertise ».

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Abus de Propofol : l’ombre au tableau

L’industrie de la chirurgie plastique, malgré son plein essor, revêt des côtés moins réjouissants. À la fin du mois de janvier, les procureurs de Séoul ont annoncé le lancement d’une enquête de grande envergure sur les célébrités qui abusent de Propofol – un puissant anesthésiant utilisé dans les opérations.
Le médicament injecté par voie intraveineuse endort rapidement les patients épuisés par les jours de répétitions, de spectacles, et de pression de leurs fans. Ce médicament anesthésique a notamment contribué à la mort de Michael Jackson, qui y était accro.

En décembre, la police a perquisitionné sept hôpitaux de Gangnam, arguant que plusieurs cliniques avaient prescrit du Propofol illégalement à des célébrités pour des raisons non médicales. Ramener des célébrités dans ces cliniques est en effet bon pour la publicité. Jusqu’à présent, les procureurs ont fait appel à deux actrices coréennes connues afin de les interroger sur leur abus supposé de ce stupéfiant.

Le bistouri, entre dégoût et addiction

Même si une femme sud-coréenne sur cinq admet être passée sous le bistouri, la pratique ne s’est pas entièrement débarrassée de ses stigmates.

Les hommes sud-coréens – surtout les plus vieux –  rejettent catégoriquement l’idée de fréquenter ou d’épouser une « sung-gui », terme d’argot signifiant « monstre de chirurgie plastique ». Le mot, obscène, renvoie à une personne ayant perdu sa beauté naturelle à cause d’injections inappropriées de botox et de traitements chirurgicaux, lui donnant une apparence fausse et parfois boursouflée.

Mais étant donné les pressions de cette société fortement concurrentielle, d’autres disent que le lifting des yeux et du visage est une condition préalable pour améliorer sa situation et être à la pointe de la mode.

« Tu ne comprends pas ! » s’exclame une étudiante dans un pub, qui a demandé à ne pas être nommée, après avoir subi trois opérations. « Être coréen, c’est avoir recours à la chirurgie plastique. Vous devez le faire, ou bien les jeunes vont penser que vous êtes bizarre ».

GlobalPost / Adaptation : Anaïs Lefébure pour JOL Press

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