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Francophonie: le cri d’alarme de 400 femmes

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A l’occasion du premier Forum mondial des femmes francophones, plus de 400 militantes ont fait entendre leur voix pour le respect de droits fondamentaux, tels que l’accès à l’éducation et aux services de soins ou l’égalité des genres. Parmi leurs objectifs, la préparation du Sommet de la francophonie de 2014 à Dakar.

Un réseau actif dans l’espace francophone

Coïncidant avec la Journée internationale de la Francophonie, le Forum a débuté avec l’intervention de Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères chargée de la Francophonie, qui a rappelé que ce forum était né d’une indignation. « C’est en juillet 2012 en me rendant en République Démocratique du Congo que j’ai été confrontée au drame qui se jouait à l’Est de ce pays, où des centaines de milliers de femmes, parfois des fillettes, sont violées au Nord-kivu », une région située à la frontière du Rwanda ravagée par une guerre dont les premières victimes sont les femmes et les enfants.

« Nous vivons aussi un moment où les femmes sont niées, abîmées et détruites dans leur intégrité. Elles subissent au quotidien des exactions, des violences de toutes sortes. Elles n’ont aucune protection juridique et sanitaire et sont le plus souvent exclues des systèmes scolaires », a regretté Yamina Benguigui avant d’appeler à lutter au quotidien pour faire reconnaître les droits les plus élémentaires des femmes : « Car c’est bien dans l’espace francophone, c’est bien en langue française que cette tragédie se déroule », a souligné la ministre. Grâce aux témoignages, aux idées et aux propositions issus de ce forum, Yamina Benguigui entend créer « un réseau actif dans l’espace francophone ». Les propositions des participants ont d’ailleurs été remises à l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et au président François Hollande.

Discours d’ouvertutre de Yamina Benguigui: 

« Des violations massives des droits de l’homme » 

Le Secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf, qui a fait de la défense du droit des femmes sa priorité, a quant à lui souligné que les violences faites aux femmes ne relevaient en aucun cas de la diversité des expressions culturelles, ni de la spécifié des croyances. Ce sont « des violations massives des droits de l’homme », a-t-insisté. Abdou Diouf a également annoncé que le Fonds francophone d’initiatives pour la démocratie, les droits de l’Homme et la paix serait cette année consacré dans son intégralité à des ONG qui luttent contre les violences faites aux femmes.

« Un tournant décisif pour l’égalité des genres »

Dans un message vidéo diffusé pendant le forum, Michelle Bachelet, directrice de l’ONU exécutive de l’ONU femmes, a quant à elle estimé que « ce forum ne pouvait avoir lieu en un moment plus propice ». Le 15 mars dernier, les 193 Etats membres de l’ONU ont adopté une déclaration dénonçant les violences faites aux femmes et qui définit un code de conduite pour les combattre lors de la 57ème session de la commission de la condition de la femme. Pays occidentaux et musulmans ont, pour la première fois, accepté d’inclure dans cette déclaration un paragraphe soulignant que la violence contre les femmes et les filles ne pouvait se justifier « par aucune coutume, tradition ou considération religieuse ».

Une réunion « historique » pour Michelle Bachelet : « La communauté internationale semble avoir enfin compris qu’il ne peut y avoir de paix de  prospérité, de progrès et de développement durable sans la pleine réalisation des droits fondamentaux des femmes et des filles ». L’ancienne présidente chilienne a également indiqué qu’elle était convaincue de se trouver à « un tournant décisif pour l’égalité des genres ». « Au cours des derniers mois, de l’Inde à l’Afrique, des centaines milliers de femmes et d’hommes, comme vous et moi, sont descendus dans la rue pour réclamer l’élimination des violences contre les femmes et les filles. Ils ont été entendus ».

« Le temps des excuses et des prétextes est terminé. Vous devez vous engager pleinement dans les progrès qui permettront d’assurer l’égalité entre les femmes et les hommes » a conclu Michelle Bachelet invitant  les femmes à « être audacieuse et avant-gardiste dans [leurs] action ».

Comment garantir les droits des femmes dans les pays francophones en conflit ?

Autour d’une première table ronde, cinq intervenants ont échangé sur la question de la protection des femmes dans les pays francophones en situation de crise comme le Mali, la RDC, la Tunisie et l’Egypte, des pays où les femmes subissent des violences quotidiennement. « La lutte contre l’impunité doit être effective. Il y a le cadre juridique : nous avons des textes qui condamnent les violences faites aux femmes, mais encore faut-il que ces textes soient appliqués ! » s’est exclamée Julienne Lusenge, présidente de l’ONG Sofepadi en République démocratique du Congo« Une fois que le jugement est prononcé, les auteurs de ces violences doivent restent en prison au lieu de retourner dans les communautés deux jours plus tard ».

Pour la présidente, des structures de prise en charge doivent être mises en place dans ce pays si vaste : « Il faut des hôpitaux avec des équipements qui puissent prendre en charge ces femmes » . Pour Denis Mukwege, gynécologue obstétricien à l’hôpital de Panzi en RDC, ces violences contre les femmes dans l’Est du pays sont liées à la guerre : « Le corps de la femme devient le champ de bataille ». Selon lui, les belligérants prennent la femme pour cible dans le but d’« empêcher la vie » et « pour atteindre des objectifs militaires ». En se livrant à de tels actes ils s’en prennent à « la matrice de l’humanité : la femme. C’est détruire la vie à son origine ». 

La question de l’éducation des filles et des femmes

« Ce forum doit être une pierre dans le grand édifice de l’éducation », avait espéré Yamina Benguigui en ouverture. C’est lors d’un deuxième échange que les intervenants ont réfléchi aux manières de mieux assurer l’éducation des filles et des femmes dans les pays francophones, de l’alphabétisation à l’enseignement supérieur. Pour Aïcha Bah Diallo, ancienne Directrice Education à l’Unesco et Vice-présidente du forum des Educatrices Africaines (FAWE), le « vrai scandale », c’est l’accès limité des jeunes Africains au secondaire : « Seulement 6% des étudiants en Afrique accèdent à l’enseignement supérieur et seulement, dont seulement un tiers sont des filles », a-t-elle regretté. 

L’importance des violences dans les écoles sont telles que les jeunes filles ont du mal à passer du primaire ou secondaire« Elles sont victimes de harcèlement sexuel par les professeurs ou par les élèves. « Trop c’est trop. Profitons de ce forum pour nous mobiliser, mener des campagnes, combattre cette violence faites aux femmes ». Et la première violence, c’est justement de ne pas « pouvoir aller à l’école, de ne pas pouvoir continuer ses études et de ne pas avoir d’emploi fiable ».

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