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Gérard Leclerc: «Le pape François a du mal avec le protocole du Vatican»

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« Comme je voudrais une Église pauvre, pour les pauvres », a affirmé le nouveau pape François, lors d’une conférence de presse mercredi 16 mars. Il a notamment expliqué aux journalistes pourquoi il avait choisi le patronyme de Saint-François d’Assise : « À l’élection, j’avais à côté de moi l’Archevêque émérite de Sao Paulo, le Cardinal Claudio Hummes : un grand ami, un grand ami ! »

« Quand la chose devenait un peu dangereuse, lui me réconfortait. Et quand les votes sont montés aux deux tiers, l’applaudissement habituel a eu lieu, parce que le Pape a été élu. Et lui m’a serré dans ses bras, il m’a embrassé et m’a dit : « N’oublie pas les pauvres ! » Et cette parole est entrée en moi : les pauvres, les pauvres. Ensuite, aussitôt, en relation aux pauvres j’ai pensé à François d’Assise. Ensuite j’ai pensé aux guerres, alors que le scrutin se poursuivait, jusqu’à la fin des votes. Et François est l’homme de la paix. Et ainsi est venu le nom, dans mon cœur : François d’Assise. »

Doit-on voir dans ces déclarations une volonté politique de réformer l’Eglise ou l’expression naturelle d’un homme qui a toujours été près des pauvres et qui ne compte pas les abandonner ? Eléments de réponse avec Gérard Leclerc, journaliste et essayiste catholique mais également éditorialiste de France catholique et de Radio Notre-Dame.

JOL Press : A peine était-il élu pape que les médias l’avait surnommé le « pape des pauvres ». S’agit-il d’un jugement hâtif ?

Gérard Leclerc : Cet homme a un contact très direct avec le peuple des favelas et de nombreux témoignages nous porte à croire que ce n’est pas de la frime. Ce qui me frappe, c’est qu’il est animé d’un amour évangélique, ce n’est pas pour rien qu’il s’est fait appeler François.

J’ai été personnellement très touché lorsque dans sa première homélie, il a cité l’écrivain français Léon Bloy : « Celui qui ne prie pas le Seigneur, prie le diable ». Mais je me suis demandé comment un évêque d’Amérique latine pouvait connaître cet auteur, déjà très peu connu des Français. Et j’ai retrouvé un texte de Bernanos qui explique que Léon Bloy est extrêmement apprécié en Amérique du Sud. Ce n’est pas étonnant que le pape François se soit retrouvé chez cet auteur car on retrouve chez Léon Bloy une spiritualité du dépouillement intérieur et matériel.

JOL Press : Le pape François a raconté comment il avait choisi son nom de pape. Est-ce politique ou un élan de simplicité ?
 

Gérard Leclerc : Je crois qu’il est très direct. Jean-Paul II et Benoît XVI étaient des intellectuels, des universitaires, et cela ne semble pas être le cas de François. Il est très cultivé, il a eu la formation jésuite, mais il semble avoir un discours beaucoup plus simple : il préfère l’improvisation aux grands textes murement pensés.

S’il s’est fait l’avocat d’une « Église pauvre pour les pauvres », c’est qu’il souhaite mettre l’accent dessus au cours de son pontificat. Mais ce n’est pas une nouveauté pour autant, l’Eglise catholique est la plus grande ONG du monde depuis de nombreuses années : à travers le monde entier, des religieux et religieuses s’occupent des plus pauvres. C’est la vocation première de l’Eglise : être auprès des délaissés de la vie. Benoît XVI ne se désintéressait absolument pas des plus démunis, mais chez le pape François, cette attention particulière semble être une habitude. Il a ça dans le sang.

JOL Press : François a refusé de porter l’hermine, les souliers rouges et la croix pectorale en or, préférant garder la sienne. Qu’est-ce que cela révèle de sa vision du pouvoir pontifical ?
 

Gérard Leclerc : Il semble avoir énormément de mal à se mettre dans le protocole du Saint-Siège. Certains lui reprochent même sa mitre mitée, qu’il a amenée de Buenos Aires. Encore une fois, je ne pense pas que ce soit de la frime. Il a énormément de mal à sortir de sa peau d’archevêque des favelas. Mais il ne pourra pas imposer ses vues dans tous les domaines. Il va devoir négocier. Etant pape, il faut qu’il assume le « job », il devra se soumettre à un minimum d’obligations.

Il ne vendra pas le Vatican pour le redonner aux pauvres, mais il aura raison de rappeler que l’Eglise appartient aussi aux pauvres. Les trésors de la Chapelle Sixtine ne sont pas réservés à des privilégiés mais à tous ceux qui veulent prier.

JOL Press : Les services de communication du Vatican vont-ils récupérer cette nouvelle ligne à leur avantage ?
 

Gérard Leclerc : Certainement. Mais il semble que le pape François soit lui-même un homme de communication. On renoue avec Jean-Paul II dans un autre style. Il n’y a pas chez lui le discours raffiné de Benoît XVI, il a plutôt le goût de l’expression directe. La communication passera donc prioritairement par le pape qui s’adressera aux gens dans un discours extrêmement accessible.

JOL Press : A qui cette bonhommie fait-elle penser chez les papes précédents ?
 

Gérard Leclerc : On l’a beaucoup comparé à Jean XXIII qui était un homme certes âgé mais plein de sympathie, c’était un paysan qui avait lui aussi gardé ses goûts simples et qui aimait beaucoup ce contact direct avec les gens. Et puis il y a bien évidemment Jean-Paul II

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Gérard Leclerc est un journaliste, philosophe et essayiste catholique. Proche du défunt cardinal Jean-Marie Lustiger, il est éditorialiste de France catholique et de Radio Notre-Dame. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Pourquoi veut-on tuer l’Église ? (Fayard 1996) ; Jean-Paul II le résistant (Bartillat 1996) ; Saint Paul (Pygmalion 1997) ; Le Pape et la France (Bartillat 1997). 

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