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Henrique Capriles défie Nicolas Maduro, le «dauphin» de Chavez

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Est-il judicieux d’attaquer le gouvernement ? N’est-il pas trop tard pour engager une tournée électorale dans l’ouest ? Et pourquoi cet aéroport a-t-il fermé juste avant l’atterrissage du candidat ?

Bienvenue dans la campagne  présidentielle frénétique, hypersonique et perdue d’avance – du moins selon le tout-pensant de Caracas – d’Henrique Capriles.

Il est le candidat de l’opposition dans l’élection convoquée le 14 avril prochain, résultat de la mort du président Hugo Chavez des suites d’un cancer ce mois-ci. Et Henrique Capriles n’est pas seulement l’outsider dans cette course contre le président de transition Nicolas Maduro, successeur désigné de Chavez ; il a aussi seulement quelques semaines pour changer les choses.

Troisième campagne en six mois

Henrique Capriles avait déjà perdu contre Chavez en octobre dernier. Puis il avait été réélu à son poste de gouverneur de l’État de Miranda en décembre. Il en est donc à sa troisième campagne en six mois, et cela commence à se faire ressentir.

« Capriles est déjà maigre, commente la directrice de la télévision vénézuélienne Maria Fernanda Flores. Mais il va finir par devenir transparent. »

Bien que l’équipe d’Henrique Capriles puisse se reposer sur l’expérience et les contacts gagnés durant les élections de l’année dernière, cette campagne s’annonce particulièrement ardue. Un point risque notamment de compliquer les choses : les candidats favorables au gouvernement ont remporté 20 des 23 scrutins visant à élire les gouverneurs en décembre, ne laissant à Capriles que de rares alliés politiques sur lesquels s’appuyer pour se lancer sur les routes électorales.

Organisation de dernière minute

Il ne reste plus beaucoup de temps pour lever des fonds, écrire des discours, composer les jingles de campagne, réserver des bus et des hôtels… A tout cela viennent s’ajouter les vacances de Pâques durant lesquelles la majorité des Vénézuéliens se déconnectent de l’actualité et ne prêtent plus attention aux hommes politiques.

Mais malgré tout, son équipe souhaite aller de l’avant.

« Nous ne pouvons pas nous asseoir et se demander ce que l’on peut bien y faire, nous devons le faire… aujourd’hui, déclare Andrea Radonski, bénévole, mais aussi tante et marraine d’Henrique Capriles. Nous nous levons très, très tôt. Certains bénévoles appellent des gens. D’autres cherchent de l’argent. D’autres encore de la nourriture. Si nous allons avoir le temps de faire un tee-shirt ou un chapeau ? Je ne sais vraiment pas… »

Dans la précipitation, certaines choses doivent bien être abandonnées.

Bannières et affiches de la campagne précédente

Lors d’une récente visite à son QG national de campagne, personne n’avait pris la peine d’installer un panneau « Capriles Président » sur le bâtiment. Entrer dans l’immeuble nécessitait de passer par une porte en métal de 1m20, montée sur un portail de sécurité. Moyennement accueillant pour les visiteurs.

A l’intérieur, les ouvriers sont encore en train de peindre les bureaux, d’accrocher les cartes des circonscriptions et d’installer les standards téléphoniques. Le slogan de l’année dernière, « Il y a direction à suivre », a cédé sa place à un nouveau : « Le Venezuela est à tout le monde ». Mais les bannières et affiches n’ont pas encore été imprimées, c’est donc la propagande de l’année passée qui a dû être ressortie lors des premiers meetings, donnant à la campagne des allures de seconde-main.

Les médias au service du gouvernement

En plus de ces difficultés, Henrique Capriles doit composer avec l’utilisation flagrante des fonds publics par le gouvernement pour stimuler la campagne de Nicolas Maduro.

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Par exemple, le gouvernement préempte souvent la télévision nationale ou la radio afin de programmer en priorité de la propagande pro-Maduro. De telles interruptions sont pourtant censées n’être utilisées qu’en cas d’urgence ou pour diffuser des informations vitales au public.

Dans la salle des opérations, les partisans de Capriles ont un après-midi eu la mauvaise surprise de voir leur programme brutalement interrompu pour laisser la place à une annonce du gouvernement. Il s’agissait cette fois d’un message préenregistré de l’une des filles de Chavez : les cinq minutes qui avaient suivi avaient été destinées à louer le père et à déchirer Capriles, à nouveau.

Campagne déloyale…

Henrique Capriles a promis de faire campagne à travers tout le Venezuela. Pourtant, sa tournée a connu un début difficile lorsque le gouvernement, prétextant le mauvais temps, a ordonné de fermer l’aéroport dans l’ouest de l’État de Tachira peu de temps avant l’atterrissage de l’avion de campagne de Capriles. Celui-ci avait alors dénoncé un acte de sabotage.

« Allez Nicolas, avait tweeté Capriles après coup, appelant son concurrent par son prénom. Mène une vraie campagne, sans abuser de ton pouvoir. »

… et trésorerie compliquée

Viennent ensuite les problèmes de trésorerie. Bien que beaucoup d’entreprises se plaignent de la politique socialiste menée par le gouvernement, ils n’en sont pas moins sous le joug de contrats avec l’État. La crainte des représailles les empêchent donc bien souvent de faire des dons à Henrique Capriles.

« Oubliez cela, affirme Carlos Romero, analyste politique à Caracas. La majorité des entrepreneurs vénézuéliens refusent de donner de l’argent à l’opposition. Ils traitent beaucoup d’affaires avec le gouvernement, et ils le craignent. »

Henrique Capriles, trop gentil avec le gouvernement ?

Mais peut-être le plus gros challenge de l’équipe de Capriles est-il de convaincre les électeurs que leur candidat à une chance de faire oublier la sévère défaite infligée l’année dernière, alors que Chavez avait battu Capriles de 11 points.

« Vous livrez bataille, assure Camala Joly, bénévole pour Capriles. Vous essayez de motiver le peuple, parce que nous, les Latino-américains, sommes assez lunatiques. »

Beaucoup des partisans de Capriles ont été consternés l’année dernière lorsque le candidat se refusait à lancer une attaque sur la maladie d’Hugo Chavez. Un scénario particulièrement frustrant, puisque Chavez avait insisté auprès des électeurs que son cancer était guéri, qu’il était fort comme un bœuf et qu’il était prêt pour un nouveau mandat de six ans. Il est mort le 5 mars dernier, soit cinq mois après sa réélection.

A cette période, Capriles avait pourtant lancé des piques au gouvernement, accusant Maduro de ne pas bien gérer l’économie du pays durant la convalescence de Chavez, laissant le champ libre à une criminalité croissante et à la généralisation de la corruption au sein de l’administration.

« Capriles ne peut pas se permettre d’être un candidat ‘peace and love’, affirme l’analyste Carlos Romero. Il doit se confronter au gouvernement. »

Maduro : l’aura de Chavez

La stratégie de Maduro est de s’envelopper de l’aura de Chavez, qui avait reçu un soutien massif en dépensant des millions de pétrodollars dans la santé, l’éducation et les programmes d’alimentation et avait permis à bon nombre de Vénézuéliens de sortir de la pauvreté.

C’est ainsi qu’est arrivé un ancien chauffeur de bus, représentant syndical, ministre des Affaires étrangères et vice-président, Nicolas Maduro, 50 ans, qui est habilement parvenu à maintenir la coalition chaviste à la mort de leur leader. Il a également promis de poursuivre la politique de protection sociale entamée par Chavez. Lors d’une récente cérémonie, consciencieusement retransmise à la télévision pro-gouvernementale, dominante sur les ondes, Maduro a donc remis les clés de maisons publiques gratuites à des familles pauvres.

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« Chavez a influencé l’élection du nouveau pape »

Fanfaron, il avait déclaré qu’à l’instar de Mao, Lénine ou Ho Chi Minh, la dépouille de Chavez serait embaumée. Mais une fois le corps revenu de la longue procession funèbre sous le soleil tropical dans les rues de Caracas, le président par intérim avait dû faire marche arrière.

Sans communiquer de nom, Maduro a depuis accusé des ennemis de Chavez de lui avoir inoculé le cancer qui l’a tué. Il a également insinué que Capriles, qui n’est pas marié, était gay. Il a même suggérer que Chavez, depuis l’au-delà, avait influencé l’élection du nouveau pape.

Toutes ces déclarations n’ont pas manqué de générer des réponses incrédules sur un blog très lu par les politiciens vénézuéliens, le Caracas Chronicle.

« Madurao et ses copains sont fous… Je veux dire, vraiment ? Inoculation du cancer ? Faire jouer ses relations régionales pour l’élection du pape… depuis le paradis ? Allusions non moins subtiles que d’avancer que Capriles est gay est amoureux de Maduro, commentait un récent post. Nous ne déformons pas leurs mots, voici ce qu’ils pensent vraiment. Et ils se répètent, encore et encore. Ils ont mis en place une offensive propagandiste qui tient de la folie pure ».

Maduro donné 14 points devant Capriles

Pour autant, Maduro mise sur un vote de sympathie massif au lendemain des funérailles de Chavez, et invoque le président défunt dès qu’il le peut. Selon le site Madurodice.com (Maduro a dit) qui décortique les discours du candidat, Nicolas Maduro aurait déjà mentionné Chavez plus de 4300 fois depuis sa mort, soit environ 200 fois par jour.

Et cela semble fonctionner. Un sondage réalisé la semaine dernière par le très respecté institut Datanalisis de Caracas place Maduro 14 points au-dessus de Capriles.

Alors pourquoi Capriles poursuit-il son combat ? Il n’a que 40 ans, mais s’il perd deux élections en l’espace de six mois, certains avancent qu’il devrait renoncer à toute ambition présidentielle.

Roberto Giusti, journaliste politique aguerri pour le quotidien de Caracas El Universal, explique qu’en raison du très court cycle d’élection, l’opposition n’avait pas le choix. Capriles était le seul candidat dont le nom est nationalement connu.

GlobalPost / Adaptation : Antonin Marot pour JOL Press

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