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J. Fourquet: «Avec la crise, il faut gouverner dans l’impopularité»

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François Hollande atteint un plus bas historique dans le baromètre Ipsos-Le Point, seulement dix mois après son élection, avec 31% d’opinions favorables, soit une baisse de cinq points en un mois. Dans cette enquête diffusée lundi, la défiance envers le chef de l’Etat est également au plus haut avec 64% d’opinions défavorables (+5). Décryptage avec avec Jérôme Fourquet, directeur du Département opinion publique à l’IFOP.

JOL Press : Comment François Hollande peut-il s’en sortir ?
 

Jérôme Fourquet : Si on prend le cas du précédent président de la République, on constate qu’il a lui aussi connu des chutes de popularités qui ne s’accompagnaient pas de remontées significatives dans les sondages. Aujourd’hui, on est dans une période récurrente de crise très profonde et je pense que l’exécutif s’habitue à gouverner et à travailler dans un climat de basse popularité. C’était le cas pour Nicolas Sarkozy, je pense que ça risque de devenir le cas aussi pour François Hollande.

Par le passé, un niveau de chômage très élevé était synonyme de popularité en berne mais aujourd’hui il y a une conjonction de contraintes – les entreprises ferment, la dette publique se creuse, le déficit des comptes sociaux plonge – qui va exiger de la part des Français des efforts supplémentaires. Il est très difficile d’avoir une popularité au beau fixe dans ces conditions.

JOL Press : Est-ce uniquement conjoncturel, ou François Hollande est-il personnellement en cause ?
 

Jérôme Fourquet : Les Français ne semblent pas convaincus du cap que le président de la République a fixé pour sortir le pays de l’ornière. Certains considèrent que ce qu’il fait n’est pas en conformité avec les engagements qu’il avait pris pendant la campagne, d’autres lui reprochent une sorte d’agenda caché, de mener des réformes dans le secret et de ne pas assumer ses choix politiques.

JOL Press : Doit-il aller sur le front, comme il l’a souhaité à Dijon, ou se faire plus discret ?
 

Jérôme Fourquet : Je ne suis pas sûr que tout cela ait une grande importance. Son prédécesseur et d’autres avant lui, conseillés par des communicants, ont pensé qu’il fallait renouer le contact avec les Français. Certes François Hollande innove dans ce sens où il ne fait pas de visite-éclair : en bon président normal, il choisit de rester deux jours à Dijon.

Mais sur le fond la logique est la même : on fait des visite sur le terrain en province ou on prend des rendez-vous réguliers avec les Français sur les grandes chaînes de télévision – une émission serait apparemment en préparation, si on en croit la rumeur – cependant ces démarches ne sont pas de nature à bouleverser l’équation du problème. Aujourd’hui les ingrédients de l’impopularité sont bel et bien là et ce n’est pas une tournée à Dijon ou dans une autre ville de province qui va y changer grand-chose.

JOL Press : Jusqu’à quand peut-il se permettre d’être impopulaire ? On pense naturellement aux prochaines élections…
 

Jérôme Fourquet : Le précédent président a été impopulaire pendant tout son mandat. Moralité : sa famille politique a perdu toutes les élections pendant son quinquennat, y compris les sénatoriales – ce qui quand même inouï pour la droite. Ce ne sera donc pas la première fois qu’un président de la République passera l’essentiel de son mandat avec une cote de popularité en berne. Sous la présidence de François Mitterrand l’impopularité du chef de l’Etat avait conduit deux fois à une période cohabitation et sous Jacques Chirac également.

L’impopularité reste malgré tout un problème politique pour la famille politique à laquelle appartient le président lors des élections intermédiaires. Mais ce n’est pas quelque chose qui se commande. De nombreuses personnes très intelligentes réfléchissent aux moyens pour lui faire regagner des points dans les sondages mais pour le moment on n’en voit pas la traduction…

JOL Press : Comment faire pour gagner des points dans les sondages ?
 

Jérôme Fourquet : On peut prendre le problème de deux manières différentes. Soit, en vue des élections qui approchent, on décide par tous les moyens de gagner en popularité quitte à faire une pause dans les réformes et de ne plus rien annoncer d’impopulaire. Soit on constate qu’on est durablement inscrit dans une période de basse popularité et on décide de « mettre les mains dans le cambouis », on réforme et on espère que cela produise des effets dont les Français pourraient être reconnaissants à la prochaine présidentielle.

JOL Press : Quelle stratégie va choisir François Hollande ?
 

Jérôme Fourquet : Le problème, c’est que je pense qu’il va être tenté de faire un peu des deux et que par conséquent il risque de perdre sur tous les tableaux. Mais ce n’est pas parce que François Hollande est aujourd’hui impopulaire que la droite est dans une forme olympique. Rien ne dit que l’opposition remporte les prochaines municipales.

JOL Press : Une aubaine pour Marine Le Pen ?
 

Jérôme Fourquet : Je ne pense pas que les choses soient si mécaniques. Pendant la crise de l’UMP, de nombreux commentateurs avaient prédit que le FN et l’UDI de Jean-Louis Borloo en profiteraient. Or aux élections législatives partielles qui ont eu lieu juste après, le FN n’a pas amélioré ses positions et l’UDI s’est fait sortir. Les convictions politiques profondes ne changent pas aussi facilement. Je ne pense pas que le Front national ait beaucoup de choses à gagner dans cette impopularité, en revanche l’abstention risque d’être très forte aux prochaines élections.

La conjoncture actuelle ne porte pas à l’optimisme mais donne à croire que les grandes lignes défendues par la droite et la gauche sont sensiblement les mêmes et cela pousse à la morosité. Ajoutez à cela l’impression que celui qui est à la barre ne sait pas très bien où il va et n’assume pas sa politique, un sentiment qui renforce l’inquiétude et l’angoisse dans le corps social.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

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