Site icon La Revue Internationale

Le football brésilien est-il en train de vendre son âme?

bresil-foot2.jpgbresil-foot2.jpg

[image:1,l]

Le football brésilien, du spectacle et de la passion

Toute personne ayant une connaissance même superficielle du football brésilien connaît les joueurs qui ont illuminé le terrain au cours du dernier demi-siècle. Pelé, Ronaldo, Zico et Romario, même si on ne les appelle que par leur « petit nom », n’ont pas besoin d’être présentés.

Le spectacle n’en est pas moins à couper le souffle dans les gradins. Depuis le crépitement et l’explosion des feux d’artifice jusqu’aux hordes de torses nus chantant leur soutien à leurs équipes en passant par le déploiement de drapeaux presque aussi grands que le stade lui-même, les matchs de football au Brésil sont un soulèvement – parfois au sens propre – de bruits et de passion.

Cependant, beaucoup craignent que la construction de 14 nouveaux stades, dont 12 seront utilisés pour accueillir les matchs de la Coupe du monde l’an prochain, menace de déchirer le cœur et l’âme de ce magnifique sport.

« Ils veulent modifier la culture des fans de football brésilien »

Trois des nouveaux stades sont déjà ouverts : ils sont modernes, confortables et sécurisés. On ne peut pas en dire autant pour les stades les plus vieux et vétustes. Mais la hausse des prix des billets fait reculer certains fans, et d’autres protestent contre l’interdiction des drapeaux, des banderoles et même des traditionnelles célébrations de but.

« Ils veulent modifier la culture des fans de football brésilien avec cette Coupe du monde », écrit Fabio Gomes, un fan du Cruzeiro Esporte Clube, sur un site de supporters. « Nous avons vraiment besoin de stades modernes et confortables pour les supporters, mais cela ne justifie pas l’interdiction ou le changement de la manière dont les supporters s’expriment ici ».

Avec ses nouveaux stades, le Brésil espère attirer les supporters…

Le Brésil a besoin de nouveaux stades pour attirer les supporters : la fréquentation moyenne est inférieure à celle de la Chine, du Japon ou des Etats-Unis, selon une étude récente menée par le cabinet de conseil Pluri Consultoria.

Les organisateurs espèrent que les nouveaux stades – dont le coût s’élève à 3,5 milliards de dollars pour certains – vont attirer les fans qui sont restés loin des stades vétustes et peu surveillés, préférant regarder les matchs chez eux à la télévision – moyen plus sûr et moins cher de suivre le football.

[image:2,l]

Mais les clubs continuent d’augmenter les prix des billets

La plupart des nouveaux stades ne sont pas détenus par les clubs. Ceux-ci gagnent de l’argent grâce à la vente de billets en vertu des accords de concession avec les opérateurs, ce qui signifie une augmentation des prix.

Cette année, Cruzeiro fait payer un minimum de 25 dollars pour regarder les matchs dans le stade rénové de Mineirao, plus de deux fois ce qu’il proposait la saison dernière. Le prix des billets de saison ne cesse également de grimper, avec un coût minimum mensuel passé de 30 à 50 dollars, et les plus chers s’élevant à 100 dollars au lieu de 60 dollars.

Les fans des autres équipes qui jouent dans de nouveaux stades, dont Gremio, Fortaleza et Ceara, sont également invités à payer plus cher.

Les supporters et les organisateurs sont d’accord sur le fait que regarder un match dans un nouveau stade coûte plus cher, mais ils sont en désaccord le prix, et sur ​​la façon dont l’expérience de jeu doit changer.

Le club de Gremio veut interdire la traditionnelle « avalanche » des supporters

Dans le nouveau stade Gremio, qui vient d’ouvrir dans le sud du pays le mois dernier, sept personnes ont été blessées lorsqu’une barrière s’est effondrée pendant la traditionnelle « avalanche » (les supporters dévalent en masse les gradins vers la pelouse pour célébrer le but de leur équipe, en simulant une avalanche). Le club veut interdire cette pratique, même si le stade a été construit exprès pour supporter ce genre de mouvement de foule.

Et les fans qui sont allés au match d’ouverture au stade Mineirao au début de ce mois ont été interdits de porter leurs drapeaux et banderoles. Les responsables du site ont déclaré que les tiges des drapeaux pouvaient être utilisées comme des armes, et que les banderoles pouvaient couvrir les panneaux publicitaires des sponsors…

Le football, un sport d’élites ?

« Tout le monde ici craint que ​​le football ne devienne trop élitiste », a déclaré Bellini Andrade, un fan du Cruzeiro, qui était présent lors du match. « Si vous enlevez les drapeaux et les banderoles, vous perdez une partie de l’identité et des liens que les fans tissent avec leur équipe. Et si vous perdez cela, tout le spectacle perd de son intérêt ».

Cependant, les autorités semblent plus préoccupées par leurs revenus que par le spectacle. Davantage de Brésiliens ont plus d’argent, grâce à une croissance économique stable et des politiques d’aides du gouvernement qui ont contribué pendant cette dernière décennie à tirer de la pauvreté plus de 30 millions de personnes, désormais intégrées aux classes moyennes.

Et les annonceurs et les sponsors ont dépensé des centaines de millions de dollars dans le football pour attirer ces nouvelles classes.

La plupart des clubs seraient heureux d’avoir des stades remplis de gens bien élevés, des supporters de la classe moyenne avec de l’argent à dépenser en boissons, t-shirts et autres marchandises. Certains organisateurs ont même poussé les supporters à considérer les nouveaux stades comme des théâtres ou des cinémas.

« Un match de foot n’est pas comme une soirée au cinéma »

Toutefois, les traditionalistes craignent que le football perde encore plus que son atmosphère, sans ses supporters radicaux et survoltés. Il perdrait son caractère national, en quelque sorte.

« Nous sommes Brésiliens et nous voulons exprimer notre passion », a déclaré Antonio Carlos Morin, coordonnateur d’un MBA en management du sport à l’école de commerce ESPM à Rio. « Le risque, c’est que le match devienne trop standardisé. Ce n’est pas comme une soirée au cinéma. Il se doit d’être un vrai match de football ».

GlobalPost / Adaptation : Anaïs Lefébure pour JOL Press

Quitter la version mobile