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Le monde vu depuis la fenêtre d’hôpital de Nelson Mandela

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Après avoir passé 18 jours à l’hôpital en décembre, Nelson Mandela a de nouveau été hospitalisé en urgence, dans la nuit de mercredi 27 à jeudi 28 mars. Depuis, les rumeurs vont bon train quant à son état de santé et le gouvernement sud-africain fait planer un lourd secret autour du héros national.

De la fiction à la réalité

A 94 ans, le symbole de l’apartheid, prix Nobel de la paix, « n’est plus un jeune homme depuis longtemps, » a déclaré le président Jacob Zuma. L’Apartheid, c’était il y a très longtemps et, depuis, tellement de choses ont changé.

Javier Brandoli, journaliste pour le quotidien espagnol El Mundo a imaginé ce qu’un Nelson Mandela vieillissant pourrait penser, depuis la fenêtre de l’hôpital dans lequel il réside actuellement, et dont le nom est encore une fois tenu secret. Il s’est imaginé ce que celui qui a libéré l’Afrique du Sud de ses heures sombres pourrait penser en allumant sa télévision. Un Nelson Mandela sans mémoire, qui redécouvre le monde.

« Nelson Mandela se lève de son lit, il porte un doux pyjama rayé. Ils les aiment ainsi, avec des rayures, peut-être parce qu’ils lui rappellent ses longues années dans sa prison de Robben Island. Il a froid, ses poumons le font souffrir. Déjà faible, il supporte mal sa chambre d’hôpital, malgré le chauffage.

Jacob Zuma, l’héritage faussé de Nelson Mandela

Nelson Mandela s’approche de la fenêtre. Il regarde et voit des dizaines de journalistes qui se pressent devant la porte de cet hôpital moderne, symbole de la nouvelle Afrique du Sud qu’il a aidé à construire. Il n’y a pas d’hôpitaux pour les blancs et d’autres pour les noirs, désormais, seul l’argent décide, comme partout sur la planète, où certains guérissent, d’autres meurent. « Je me suis battu contre cela, » se souvient-il alors en écartant lentement les rideaux pour mieux voir ce qui se passe à l’extérieur.

[…]

Il décide d’allumer la télévision, et une chaîne d’informations locales. Il peut contempler ainsi son successeur, Jacob Zuma, cet homme avec qui il a partagé des années d’emprisonnement à Robben Island. Les images diffusées le montre en train de serrer les mains des présidents chinois, russe, brésilien et indien. C’est une réunion des nouveaux pays riches. Nelson Mandela sourit. En son temps, tous ces pays symbolisaient la misère du monde. « Zuma président ? » s’interroge-t-il surpris. Il ne se souvient  pas. Il ne se souvient pas non plus des visites de ce dernier, à l’hôpital, lors de ses anniversaires, où encore à chaque fois qu’il a eu besoin de légitimer son pouvoir.

Il change de chaîne. Voici un certain Barack Obama, noir, comme lui, qui prétend être le président des Etats-Unis. Il affirme être le chef de la plus puissante nation de la terre et que « Nelson Mandela est un héros, une source d’inspiration. » L’homme le plus puissant de la terre le prend comme modèle. Il sourit une nouvelle fois. Il sourit en voyant qu’un noir comme lui veuille prouver qu’un autre monde est possible.

L’ANC de l’après Mandela

Les informations commencent et sur l’écran, apparaît alors une blanche, Hellen Zille, chef de file du parti d’opposition en Afrique du Sud. Cette femme dénonce une série d’actes de corruption touchant les politiques. Elle parle de vente d’armes, elle dit que le président serait impliqué. Elle parle également de ces milliers d’enfants qui n’ont pas de livres scolaires et du manoir que Jacob Zuma se construit avec l’argent public et, soudainement, il voit des images particulièrement douloureuses. Des corps de mineurs noirs étalés sur le sol. Ils sont morts. Ils ont été massacrés par des policiers, des noirs. L’ordre aurait été donné par le gouvernement, son ANC. Les défunts réclamaient de meilleures conditions de travail. Selon le journaliste, ils seraient des milliers à vivre dans des décharges surchargées, depuis des décennies, depuis l’époque de l’apartheid. Rien n’a changé.

Triste, en colère, il décide de changer de chaîne. Il voit alors une femme dont le visage lui est familier. Il essaie de se souvenir mais n’y parvient pas jusqu’à ce que la voix qui sort de la télévision la nomme. « Winnie Mandela ». Son ancienne femme, celle qu’il a aimée pendant 27 ans. Elle est poursuivie pour une affaire de meurtre. L’affaire vient de rouvrir. Il s’agit de l’assassinat d’un noir durant l’apartheid. Il semble qu’elle ait, à l’époque, donné l’ordre de tuer cet homme parce qu’il était un informateur de la police. Nelson Mandela se souvient alors de ses premières paroles lorsqu’il est sorti de prison. Sa tentative de réconcilier tout le monde, de vivre en paix, le rejet de la violence. Winnie n’a pas compris, elle l’a accusé de céder devant les blancs et de ne pas poursuivre la révolution. « C’est ainsi que c’est terminé notre amour, » se souvient-il, attristé. […]

Que reste-t-il de Nelson Mandela ?

Sa mémoire est triste. Il change de chaîne jusqu’à tomber sur un canal américain. Ses trois petites filles apparaissent. Il les reconnaît immédiatement. La mémoire est sélective. Il s’assoit, il veut les regarder, les écouter. Il voit qu’elle parle de lui, de son œuvre. Il sourit. Puis les images changent soudainement. On les voit maintenant habillées avec des vêtements de grande marque, elles rient, elles sortent de voitures de sport et font de la plongée sous-marine avec les requins. Elles sont célèbres, belles, l’élite sociale du royaume du Swaziland où elles sont devenues princesses.

Il reste silencieux un moment, perplexe. Il est épuisé. Son infection pulmonaire ne lui permet pas de respirer normalement. Il éteint son téléviseur. Il se lève, puis se met lentement dans son lit. Il s’endort. » 

> Lire l’article dans son intégralité (en espagnol)

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