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Le système des jurés populaires en correctionnelle ne serait «pas adapté»

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Expérimenté à la cour d’Appel de Toulouse depuis janvier 2012, le dispositif de jurés populaires, appelés « citoyens assesseurs », ne serait « pas adapté » pour rapprocher les citoyens de la justice. C’est le bilan sévère que dressent deux magistrats de la Cour de cassation, Didier Boccon-Gibod, premier avocat général, et Xavier Salvat, avocat général, dans un rapport remis à la ministre de la Justice, Christiane Taubira.

En quoi consistait ce dispositif ?

Un citoyen dit « assesseur » est un citoyen appelé à participer au jugement de certains délits graves et à certaines décisions de libération conditionnelle. Tiré au sort puis sélectionné à partir des listes électorales, il peut siéger et contribuer à la justice pénale au maximum 10 jours dans l’année. Le versement d’une indemnité, similaire à celle prévue pour les jurés de cour d’assises, est prévu si le citoyen assesseur en fait la demande. Il peut s’agir d’une indemnité accordée pour la présence à la journée d’audience, la compensation d’une perte de salaire, la couverture des frais de repas, de transport, de péage et de stationnement.

L’expérimentation devait se poursuivre jusqu’au 1er janvier 2014 dans au moins dix cours d’appel. Cependant, lors de sa nomination en tant que Garde des Sceaux, Christiane Taubira avait annoncé le gel de l’extension de l’expérimentation. Or ce vendredi 1er mars, le ministère de la Justice a indiqué, dans un communiqué, que « sur la base de ce rapport, la ministre annoncera dans les tout prochains jours les orientations qu’elle aura retenues concernant le rôle du citoyen dans l’œuvre de justice ».

Que dit le rapport ?

« Aucun élément ne permet de penser que les décisions rendues sont plus sévères », écrivent les deux magistrats dans leur rapport. Ainsi, l’objectif « plus ou moins avoué d’une aggravation des sanctions pénales a été clairement manqué ». Par ailleurs, cette « réforme qui était censée rapprocher les citoyens de la justice en éloigne d’autres, prévenus et victimes, dont les affaires sont retardées », a expliqué Didier Boccon-Gibod.

« Les magistrats et fonctionnaires que nous avons rencontrés ont exprimé une réelle lassitude à l’idée de devoir maintenir une aussi lourde organisation pour un résultat qui se résume en définitive à l’amélioration de l‘image de la justice auprès des quelques citoyens assesseurs qui découvrent la réalité de l’activité juridictionnelle », peut-on lire dans le rapport. « Ce dispositif n’est pas adapté pour remplir complètement l’objectif de dialogue démocratique », a ajouté Xavier Salvat.

Des jurés vraiment libres ?

Didier Boccon-Gibod et Xavier Salvat ont soulevé une autre faille dans le système : « On peut très nettement douter que les citoyens assesseurs, appelés à siéger le temps de quelques audiences, complètement dépendants des magistrats professionnels pour la partie technique de la procédure, soient véritablement libres du choix de leurs décisions », soulignent-ils. Selon eux, ces « citoyens assesseurs » ne sont pas assez formés : après une formation d’une journée, « ils ne sont pas armés techniquement pour traiter les questions juridiques soumises aux juridictions ».

Pour les deux magistrats, l’intérêt de l’expérimentation aura été de « montrer que le regard porté sur la justice est profondément changé dans un sens favorable lorsque l’occasion est donnée à une partie de la population d’observer de près son fonctionnement ». Ils y voient « un encouragement à chercher par quels moyens, moins lourds pour les juridictions, pourrait être obtenu un résultat semblable ».

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