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Philippe Crevel: «Taxation des dépôts, Chypre est un cas particulier»

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JOL Press : Est-ce pour vous de l’extorsion?

Philippe Crevel: Chypre est un cas très particulier, ce qui a conduit à l’adoption de mesures spécifiques. Chypre a, depuis son intégration dans la zone euro et cela jusqu’en 2009, connu une forte croissance générée principalement par l’accueil de capitaux extérieurs. Cette expansion a abouti à l’hypertrophie du secteur bancaire dont le bilan représentait jusqu’à 700 % de la richesse du pays. L’annulation d’une grande partie de la dette privée grecque a eu pour conséquence une mise en tension des banques chypriotes qui ont perdu plus de 5 milliards d’euros, les mettant en incapacité à faire face à leurs engagements. 

Le plan décidé par l’Union européenne est à la fois douloureux et équilibré ; douloureux car il taxe tous les déposants à 6,75 % ou à 9,9 %. Equilibré car ce plan prévoit l’intervention de l’Union Européenne à hauteur de 10 milliards d’euros, le soutien du FMI, la reconduction d’un prêt russe de 2,5 milliards d’euros et un effort des Chypriotes. Les mesures prises visent également à réduire l’attractivité de cette place financière offshore. Il faut souligner que les autorités chypriotes ont, durant la négociation, refusé de relever leur taux d’impôt sur les sociétés.

Face à un risque de banqueroute, il faut choisir entre des solutions par nature peu sympathiques. Si les banques chypriotes venaient à déposer leur bilan, c’est l’ensemble des dépôts qui était menacé de disparition. Par ailleurs, cette contribution correspond à deux ou trois années d’inflation. Or, après la Seconde Guerre mondiale, le désendettement s’est effectué par l’inflation. A défaut de pouvoir y recourir aujourd’hui, les autorités inventent d’autres formules.

Ce plan a un autre objectif, celui de réduire le déficit commercial qui a atteint des niveaux astronomiques, plus de 30 %. En  taxant les dépôts, il devrait y avoir une réduction du pouvoir d’achat conduisant à un rétablissement de la balance commerciale.  

Certes, il serait possible de limiter l’effet injuste de ce plan en prévoyant que les 25 000 premiers euros de dépôts ne sont pas taxés. Le Parlement chypriote pourrait prévoir un amendement de ce type.

JOL Press : Les épargnants français auraient-ils des raisons de s’inquiéter? 

Philippe Crevel: Chypre est un cas atypique du fait de son rôle de place financière pour des capitaux grecs ou russes ainsi qu’en provenance du Moyen-Orient. Les mesures prises ne sont pas déclinables pour d’autres pays. Néanmoins, c’est un signal envoyé aux établissements financiers de l’Europe pour leur rappeler que l’Union n’est pas une caisse sans fond et que toute aide suppose des contreparties. Les dépôts de Français ne sont pas en danger car la signature de la France et des banques françaises demeure bonne.

JOL Press : Est-ce efficace économiquement?

Philippe Crevel: Les objectifs du plan sont de consolider les fonds propres des banques chypriotes qui ont besoin de près 17 milliards d’euros et de rétablir les comptes intérieurs et  extérieurs de l’ile. L’Union européenne s’engage pour 10 milliards d‘euros, le FMI pour quelques milliards et la Russie reconduit son prêt. Chypre devrait connaître une année 2013 très difficile avec un recul du PIB. Les autorités chypriotes mettent leurs espoirs dans la découverte de réserves pétrolières. Néanmoins, l’exploitation ne pourrait survenir que d’ici 2017. Entre temps, avec certainement moins de capitaux russes et grecs à gérer, la sphère financière devrait se dégonfler.

Propos recueillis par Franck Guillory pour JOL Press

Philippe Crevel est un spécialiste des questions macroéconomiques, des questions relatives à l’épargne et à la retraite. Il a publié, en février 2009, un guide sur la retraite chez Solar.

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