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Qui sont les Frères musulmans de France?

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« Le Coran est notre constitution », lâche Thami Breze, président de l’UOIF, dans un entretien au Parisien, le 12 février 2003.

L’UOIF, représentante des Frères musulmans en France

Au-delà d’un propos revendicatif, les mots du président de l’UOIF de l’époque résonnent car ils ont un sens et une histoire. Ces mots sont tout simplement l’une des devises des Frères musulmans, depuis leur création en Egypte en 1928.

Les Frères musulmans, cette organisation conquérante qui, depuis les rives du canal de Suez, a réussi à devenir incontournable sur la scène politique, tant en Egypte que dans tout le monde arabe. Cette organisation ambitieuse qui cherche à établir le règne du Coran et de la charia où elle s’impose, s’est depuis plusieurs décennies, largement installée au sol européen et sur le sol français.

En France, l’ambassade des Frères musulmans porte un nom : l’Union des organisations islamistes de France. Créée en 1983 à Nancy, l’UOIF est devenue à son tour une actrice immanquable du processus politique français, et cette actrice a des ambitions bien à lui.

La saga des Ramadan

Cette conquête fulgurante, les Frères musulmans la doivent à un homme, Saïd Ramadan, fils du fondateur de l’organisation. Alors que la confrérie est fortement réprimée en Egypte, sous le régime de Nasser, Saïd Ramadan, soutenu par l’argent des Saoudiens, propose de quitter le Maghreb et le Moyen-Orient pour s’installer en Europe ou les cultures sont encore vierges d’islam et où la confrérie est inconnue. Ce sont alors les années 50 et jusqu’en 1995, année de la mort de Saïd Ramadan, les Frères se tracent un chemin. Suisse, Allemagne, Royaume-Uni, France.

Puis les enfants du créateur de l’islam européen se lancent dans sa succession. A l’image de la propagation d’un islam plus radical dans les pays à majorité musulmane, Hani et Tariq Ramadan prennent le relais et s’engagent à rendre réelle la communauté musulmane européenne voulue par leur père.

Le bond de l’affaire du foulard

1989. L’affaire du foulard éclate. Deux jeunes collégiennes de Creil refusent de se découvrir la tête dans un espace public. L’UOIF arrive pour la première fois sur le devant de la scène en prônant les valeurs de laïcité et de liberté d’expression suivant ainsi une stratégie bien explicitée par Hani Ramadan : « l’avantage de notre présence en Europe, c’est de pouvoir profiter des espaces de liberté des régimes démocratiques. »

L’affaire du foulard est réglée en 1995. Le Conseil d’Etat autorise cette année-là le port du voile, sous certaines conditions, dans les écoles. L’UOIF a gagné face aux pouvoirs publics et face aux traditions culturelles françaises. Les combats et les coups médiatiques des Frères se succèdent par la suite.

Islamiser par le bas

Derrière la façade médiatique de l’organisation, c’est sur le terrain que la confrérie travaille à rassembler les musulmans de France autour d’une même bannière.

Cette stratégie est parfaitement similaire à celle pratiquée par les Frères d’Egypte, de Syrie, de Palestine, partout où ils sont installés depuis des décennies. Cette stratégie se résume en quelques mots : islamiser par le bas et investir tous les secteurs de la société et de la vie civile tout en se camouflant derrière une vitrine faite de respect des règles de la République.

En France, sur tout le territoire, les Frères agissent au sein d’environ 200 associations et au moins autant de mosquées qui se réclament de l’UOIF.

La cible : les populations dans le besoin, les jeunes. Autant de catégories qui peuvent voir chez les Frères une solution et un soutien.

200 associations sur tout le territoire français

Dans son ouvrage Les réseaux d’Allah, les filières islamistes en France et en Europe, Antoine Sfeir analyse ainsi la stratégie des Frères : « La cible première est constituée par les étudiants ; à travers cette filière elle est essentiellement présente dans les domaines sociaux et culturels. »

Tel est notamment l’objectif de l’association Etudiants musulmans de France (EMF). Jour après jour, en travaillant auprès des étudiants, les étudiants musulmans sont parvenus à former un réseau non négligeable qui, aujourd’hui, leur a assuré une forte représentation au sein du Conseil national des œuvres universitaires et scolaires (CROUS).

Les associations regroupées derrière la bannière de l’UOIF sont nombreuses en France. L’Union des Jeunes musulmans de Lyon (UJM), la Ligue des femmes musulmanes, le Secours islamique, pour n’en citer que quelques-unes.

Première représentation des musulmans de France

Une chose est sûre, la stratégie française, qui entre dans le cadre d’une stratégie européenne et mondiale, a payé. Aujourd’hui, le congrès de l’UOIF rassemble chaque année plusieurs milliers de personnes au Bourget, certains de ses membres sont aujourd’hui intégrés aux cercles de réflexion élyséens lorsqu’il s’agit de parler de laïcité.

Sur le territoire national, l’UOIF s’est fait une place de choix parmi les musulmans. Au sein même du Conseil français du Culte musulman, ses membres se sont trouvés mieux représentés à chaque élection, avant d’annoncer qu’ils quittaient l’organisation pour des raisons de divergences d’opinion. Malgré cet évènement, l’Union des organisations islamiques de France est définitivement devenue la première représentante des musulmans de France, les Frères musulmans sont désormais installés.

L’UOIF pratique le double langage

Cette surexposition des Frères musulmans de France aurait de quoi faire frémir le moins laïc des Français et les experts sont aujourd’hui nombreux à mettre en garde contre une organisation aux ambitions bien cachées et surtout peu adéquates sur le territoire des Lumières.

Il faut dire que dans les réunions de l’UOIF comme dans les congrès du Bourget, les intellectuels invités, qu’il s’agisse des frères Ramadan, régulièrement interdits de présence sur le territoire français, ou des différents intellectuels, « héros de l’islam », l’UOIF pratique souvent le double langage : le respect des valeurs républicaines d’un côté, le strict respect des enseignements du Coran de l’autre.

L’un de ces héros se trouve aujourd’hui en Tunisie. Rached Gannouchi, chef du parti islamiste Ennahda, qui a conquis le pouvoir à l’issue de la révolution de Jasmin est proche des responsables de l’UOIF. Il est également celui qui a déclaré : « Notre mission est l’islamisation de l’Occident […] L’islam est supérieur aux autres courants de pensée. »

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