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À quand un parc d’attractions à Tchernobyl?

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JOL Press : Combien de temps faut-il attendre pour qu’une zone radioactive ne soit plus dangereuse pour l’homme ?

Arnaud Martin-Garin : En France, après l’accident de Tchernobyl, il y a eu des retombées de césium 137. C’est un élément radioactif qui a une période de 30 ans. Au bout de 10 fois cette période, donc 300 ans, on peut constater non pas une disparition, mais une atténuation par 1000 de l’activité initialement déposée. Ça ne veut donc pas dire qu’il n’y en a plus. 

A Tchernobyl, lorsqu’on se rapproche de la zone de l’accident, dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres, les activités de césium 137 sont bien supérieures à celles qu’il est possible d’observer en France. Par ailleurs, on observe également la présence d’éléments aux périodes radioactives plus longues : par exemple, pour l’américium 241, la période n’est pas de 30, mais de 430 ans, et certains éléments ont une période de 24 000 ans.

JOL Press : Existe-t-il des solutions pour accélérer la décontamination ?

Arnaud Martin-Garin : Oui, mais elles ne sont pas forcément applicables partout. A Fukushima, comme aux alentours de la centrale de Tchernobyl, des procédés adaptés aux bâtiments, aux infrastructures ont permis d’assainir le site et de réduire le risque d’exposition des intervenants. Mais c’est beaucoup plus compliqué pour les espaces agricoles et les forêts.

A l’échelle d’une parcelle agricole, il y a des solutions chimiques (par exemple on répand de la chaux) et mécaniques comme le labourage qui permettent de limiter l’impact ou les risque de re-dispersion des éléments radioactifs. Ces méthodes favorisent la dilution de la couche fine de matière radioactive en surface liée à un dépôt qui va être entrainée et diluée dans la profondeur du sol. D’autres techniques visant au contraire à l’extraction des polluants radioactifs (ex. par voie végétale) existent mais restent complexes à mettre en œuvre à l’échelle d’un territoire contaminé.

JOL Press : La zone de Tchernobyl sera-t-elle un jour réhabilitée ?

Arnaud Martin-Garin : La zone très proche des réacteurs (10 km) sert de zone de déconstruction des anciennes installations nucléaires et de stockage des déchets radioactifs. Actuellement, l’objectif est de minimiser l’impact de cette zone sur les zones alentours.

Au-delà de cette zone des 10 km, les niveaux de contaminations dans l’environnement sont très divers et la question de la réouverture de certaines parties des territoires de la zone d’exclusion (entre 10 et 30 km) dont les niveaux de contamination sont les plus faibles se pose aux autorités. Au-delà des garanties qu’il est nécessaire de fournir sur la base des connaissances acquises sur les impacts environnementaux et sanitaires des faibles niveaux de contamination, la question qui subsiste est davantage d’ordre psychologique. L’acceptation sociétale nécessite un autre travail.

JOL Press : Peut-imaginer une ouverture prochaine au grand public ?

Arnaud Martin-Garin : Depuis quelques années, il y a déjà eu une ouverture sous contrôle de la zone située au-delà de 10 km du réacteur. Des travailleurs du nucléaire vivent là, mais aussi quelques habitants qui ont pu regagner leur ancien logement. C’est le cas dans le petit village de Tchernobyl, qui était à contre-sens du vent lors de l’accident.

Le débit de doses ambiant dans ce village est équivalent à celui que l’on trouve à Paris. Malgré cela, ce territoire fait l’objet d’une surveillance renforcée et les villageois sont accompagnés, notamment pour ce qui est de la consommation d’eau ou de denrée alimentaires produites localement. 

Et depuis peu, l’Ukraine a ouvert Tchernobyl au public pour certaines occasions. Des visites guidées et encadrées sont organisées pour les touristes sur certains sites de la zone d’exclusion. Il est ainsi possible de se rendre au pied du réacteur n°4, sans combinaison. C’est notamment le cas lors des cérémonies annuelles de commémoration.

JOL Press : Qu’y a-t-il à voir à Tchernobyl ?

Arnaud Martin-Garin : Sur les sites industriels, on trouve des mémoriaux et expositions dédiés à l’accident. Il y a aussi des maquettes expliquant les projets à venir, notamment celui du « Shelter », un dôme géant qui devrait être posé par-dessus le sarcophage qui recouvre actuellement le réacteur n°4. Il y a aussi des monuments remis en place par la population.

On peut se rendre à Pripyat, la ville connue grâce à cette photo montrant la grande roue et les auto-tamponneuses. Ce sont principalement des barres d’immeubles délabrées, c’est assez lugubre. Mais à côté de ça, il y a des panneaux publicitaires « Venez visiter Tchernobyl ».

JOL Press : Pourra-t-on y rencontrer des animaux fluorescents ?

Arnaud Martin-Garin : Non, ni des arbres bleus. Ceci dit, certains pins plantés suite à l’accident dans les zones les plus contaminées présentent un développement peu commun, la façon dont ils poussent est parfois atypique.

Propos recueillis par Antonin Marot pour JOL Press

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