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Avoir 20 ans au Pakistan

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Les élections législatives pakistanaises approchent. Pour la première fois, les électeurs pakistanais vont élire une Assemblée à l’issue d’un mandat complet de la précédente.

Dans un pays ou la jeunesse représente plus de la moitié de la population, ces derniers ont un grand rôle à jouer dans l’avenir de leur pays. Saad Sultan fait partie de ces jeunes. président de l’Union de la jeunesse pakistanaise, une organisation de bénévoles, il travaille auprès des jeunes pour que ces derniers s’impliquent dans la vie politique de leur pays.

Quel est votre sentiment à la veille des élections législatives pakistanaises ? Dans quel contexte se déroulent-elles ?
 

Mon sentiment est mitigé. Le gouvernement intérimaire tente d’organiser des élections les plus démocratiques possibles mais, chaque jour, des actions terroristes plongent de nouveau le pays dans l’anarchie.

Dans le même temps, le Pakistan a échoué dans sa politique anti-corruption. Et au lieu de s’occuper des politiciens corrompus, des hommes comme Pervez Musharraf, ancien président revenu au Pakistan pour se présenter à l’élection, a été interdit de mener campagne, alors même qu’il a été prouvé qu’il n’était pas coupable des crimes qu’on lui a imputés. Il y a aujourd’hui de nombreux soupçons de corruption de la commission électorale.

La guerre contre le terrorisme, la mauvaise gouvernance des précédents gouvernements et la montée du Parti de centre droit d’Imran Khan, ancien joueur de cricket qui a beaucoup fait parler de lui en centrant son discours autour de la lutte contre la corruption. Voilà le contexte dans lequel se déroulent ces élections.

Craignez-vous une prise du pouvoir des Taliban et de plus en plus de pression et d’actes terroristes de la part des djihadistes ?
 

Je n’ai pas peur d’un coup d’Etat des Taliban parce que je pense que l’armée pakistanaise est tout à fait capable de les arrêter. Pourtant, la montée des partis de droite et de centre-droit ainsi que leurs chances d’obtenir un nombre considérable de sièges dans le nouveau Parlement pourrait conduire à une représentation indirecte des Taliban, au sein même du gouvernement et dans l’opposition.

Je pense que les djihadistes exerceront une plus grande pression que ce soit politiquement ou militairement. Les attentats contre des partis progressistes et libéraux et leur soutien à travers le pays ont augmenté. En même temps, des partis religieux et de droite comme Jamat-e-islami, la Ligue musulmane pakistanaise (N) ou le Pakistan Tehreek-e-Insaf n’ont pas été attaqués une seule fois. Cela pourra jouer sur les résultats et, en grande partie, en faveur des partis sympathisants des Taliban.

Qui sont les Taliban pakistanais ? Dans quelle frange de la population trouvent-ils du soutien ?
 

Au Pakistan, on ne rencontre pas les Taliban sur les routes ou en plein jour. Chez nous, ils sont particulièrement présents à la frontière avec l’Afghanistan. Ce sont surtout des Pachtounes qui ont combattu durant la guerre d’Afghanistan, dans les années 80.

Ils ont quelques sympathisants au sein du mouvement politique Jamat-e-Islami. Sauf quelques exceptions, les Taliban sont soutenus au Pakistan par une classe plutôt pauvre, moins éduquée et infectée religieusement.

Quels sont les principaux problèmes de la société pakistanaise ?
 

D’abord la mentalité de la population. La société est fragmentée entre les libéraux, les conservateurs et les modérés.

Le manque d’éducation et les différents problèmes économiques que subit la population sont également des enjeux majeurs. La société dans son ensemble n’’est pas parvenue à trouver un consensus pour mener la guerre contre le terrorisme.

Selon vous, quels seront les véritables défis du prochain gouvernement ?
 

Le premier challenge sera de relancer l’économie. Le deuxième sur la liste, mais d’égale importance, sera de combattre le militantisme religieux et le terrorisme dans tout le pays.

Un autre aspect de ces défis sera également d’examiner et de lutter contre l’activisme juridique. La justice a perdu la confiance du peuple avec toutes ses décisions irrationnelles.

Quel rôle la jeunesse peut-elle tenir dans la construction et l’avenir du Pakistan ?
 

Avec  le nombre important de voix qu’elle a, la jeunesse peut considérablement jouer sur le résultat du scrutin. Au Pakistan, les jeunes représentent environ 55% de la population et son envie de participer à un certain changement est grande.

En outre, le rôle des jeunes en tant que groupe de pression peut accroître la responsabilité des dirigeants pour qu’ils travaillent à un environnement démocratique et qu’ils fassent de meilleurs choix pour la nation.

Je crois fermement que la jeunesse est appelée à jouer un rôle déterminant dans l’avenir du Pakistan.

Etudier au Pakistan, comment est-ce ?
 

Ce n’est pas facile du tout. Les bons instituts d’éducation sont accessibles avec de l’argent et non avec du mérite.

Il faut quand même savoir que durant le mandat de Pervez Mushraf, les bourses d’études étaient données sur la base du mérite, ce qui a donné de l’espoir à de nombreux jeunes. C’est après lui que les choses ont commencé à se détériorer de nouveau.

Trouver un travail au Pakistan, comment est-ce ?
 

Ce n’est pas facile non plus. Les emplois au Pakistan sont souvent donnés à des gens qui sont partis étudier à l’étranger. La hausse du chômage depuis ces cinq dernières années et la chute des investissements étrangers rendent la recherche d’emploi de plus en plus difficile.

Quelles sont vos plus grandes peurs pour l’avenir ?
 

L’arrivée des Taliban en politique et une plus grande présence des conservateurs religieux au parlement. A part ça, les partis de centre droit pourraient également entraver la vision progressiste et libérale de Muhammad Ali Jinnah, le père fondateur du Pakistan.

Je crains également une implosion économique qui pourrait conduire à achever la transformation du pays en anarchie et conduire directement les Taliban au pouvoir.

Quels sont vos espoirs ?
 

Je crois en la jeunesse pakistanaise, en la classe instruite et dans les forces politiques progressistes et libérales. J’ai aussi confiance en l’armée pakistanaise, afin qu’elle intervienne pour la sûreté et la sécurité du Pakistan et des Pakistanais.

Qui sont vos héros ?
 

Muhammad Ali Jinnah, Martin Luther King, Nelson Mandela et Mustafa Kemal.

Pour vous, que représente la France ?
 

La France est pour moi un soutien du peuple pakistanais depuis longtemps. La coopération économique et militaire avec le gouvernement français ont renforcé mon opinion selon laquelle la France sert la cause de l’humanité et en même temps, l’interdiction controversée du port du voile en France, ainsi que les débats sur la question ont beaucoup attristé les Pakistanais et les musulmans en général.

La question du voile pourrait être abordée avec rationalité mais bien entendu, nous n’avons pas le droit de nous ingérer dans les affaires internes d’un pays.

Il demeure que la France peut jouer un rôle socio-économique important au Pakistan. 

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